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Interview de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA

Interview de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA : Une rentrée qui s'annonce tout aussi dense que l'été

La FNSEA a tenu sa conférence de presse de rentrée le jeudi 30 août. Après un été chargé en actualité agricole - sécheresse, canicule, procès Monsanto, etc - Christiane Lambert, la présidente de l’organisation a fait le point sur les dossiers qui attendent désormais les agriculteurs.

Par Publié par Cédric Michelin
Interview de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA : Une rentrée qui s'annonce tout aussi dense que l'été

L’été qui s’est écoulé semble avoir été particulièrement intense pour les agriculteurs, comment le caractériseriez-vous ?

Christiane Lambert : L’été a été dense. Des épisodes de sécheresse se sont déclarés très tôt dans certaines régions, puis, plus progressivement et tardivement, se sont élargis à une grande partie du territoire. La canicule de fin juillet, la seconde vague de chaleur la plus importante de l’histoire, a porté un coup fatal. La conjugaison de ces deux évènements a entrainé une forte hétérogénéité dans les récoltes, un manque de pâturage, des risques sur le maïs non irrigué, ce qui est une vraie menace pour les stocks hivernaux.

A cela s’est ajoutée, mi-août, la condamnation de Monsanto, lors du procès aux Etats-Unis, qui a généré un emballement médiatique assourdissant. Une nouvelle fois les agriculteurs ont été stigmatisés, sans qu’aucune voix ne s’élève pour rappeler la réalité des pratiques, bien différentes de ce côté-ci de l’Atlantique. Nous ne nions pas le problème, nous sommes au travail pour réduire l’usage des produits phytosanitaires, mais l’acharnement d’un certain nombre d’ONG et de politiques ne facilite pas le dialogue et l’évolution des pratiques des agriculteurs.

Enfin, cet été a également été marqué par une recrudescence des prédations du loup, avec de nouveaux foyers identifiés, et la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées. La situation se dégrade et les agriculteurs en nourrissent un sentiment d’humiliation, voire d’abandon.

Comment la FNSEA s’est-elle mobilisée pour accompagner son réseau ?

C.L : Pour soutenir les agriculteurs face à la sécheresse, nous avons demandé au ministère de l’Agriculture, des dérogations pour l’utilisation des jachères et le report des dates d'implantation des SIE, CIPAN. Nous avons alerté très tôt sur ces questions et nous n’avons pas encore obtenu de réponse pour l’ensemble des situations. Nous regrettons le manque de réactivité du ministère et l’entêtement de l’administration à vouloir maintenir les dates d’implantation des cultures intermédiaires, alors que les agriculteurs ont la certitude qu’elles ne lèveront pas. C’est du temps et de l’argent perdu ! Nous avons été très présents aux côtés des éleveurs sur le sujet des prédateurs, notamment de l’ours et du loup, dont la présence est imposée « d’en haut », alors qu’ils sont incompatibles avec nos activités, nous en avons l’illustration tous les jours, avec l'augmentation des dégâts et des victimes. Tous les élus locaux sont à nos côtés aujourd’hui pour dénoncer le danger pour la ruralité. La FNSEA avec JA et la FNO, sont très engagés pour sensibiliser tous les parlementaires, et les décideurs, à Paris et à Bruxelles, pour faire prendre conscience des drames vécus par les agriculteurs et faire évoluer la régulation des prédateurs. Nous avons aussi déclenché une alerte rouge sur le sujet des dégâts de gros gibiers. Le Conseil National de la Chasse et de la Faune Sauvage s’est exprimé en faveur de changements de règlementation qui conduiraient à moins de régulation, ce qui est contraire aux besoins des agriculteurs. Avec 700.000 sangliers tués en 2017 et 30 millions d’euros d'indemnisation, le préjudice supporté par les agriculteurs est difficilement supportable, d’autant que les indemnisations sont trop partielles. 55 départements nous ont fait remonter en trois jours via Twitter des photos illustrant l’ampleur des dégâts causés dans les champs, les prés, les vergers et jusque dans les rues des villages. Nous avons besoin de plus de dialogue et de respect mutuel avec les chasseurs en faveur d’une meilleure régulation. Nous l’avons dit au ministère de la Transition écologique et solidaire, mardi 28 septembre. Deux réunions sont programmées sous dix jours pour sortir de l’impasse.

Comment la FNSEA aborde-t-elle la rentrée ? Quel va être son fil rouge dans les dossiers qu’elle va défendre ?

C.L : En cette rentrée, nous sommes pleinement mobilisés sur l’accompagnement des agriculteurs face à la sécheresse. Les réunions des cellules d’urgence que nous avons demandé dès juillet doivent étudier les dispositifs qui permettront d’être au plus près des besoins des agriculteurs.  L’administration doit être plus pragmatique et donner les dérogations indispensables. Plus structurellement, le dossier de l’irrigation doit être prioritaire dans les Assises de l’eau de septembre.

Sur le sujet des prix, chantier majeur, nous préparons la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le 12 septembre, du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales, promis pour redonner du revenu aux agriculteurs. Le gouvernement est au pied du mur et ne peut pas reculer davantage. Nous sommes déterminés à ce que la construction des prix en marche avant soit une réalité, avec les bons indicateurs, que la renégociation des prix avec les industriels et les distributeurs, puisse également avoir lieu et que les excès soient sanctionnés. Il faut mettre un terme à la position dominante des distributeurs qui nuit à l’équilibre au sein de la chaîne alimentaire. La construction des prix est un marqueur fort pour les agriculteurs, c’est le premier point de vigilance pour leurs revenus.

Nous attendons également des annonces à la hauteur de nos besoins sur une épargne de précaution qui donne plus d'autonomie et de résilience à nos exploitations. Face aux aléas climatiques, économiques, sanitaires, cette épargne est indispensable. Nous veillerons à ce que, dans les plans de filières, la contractualisation puisse également être poussée, car c’est un élément de sécurisation pour les agriculteurs.

Sur la question des travailleurs saisonniers, nous avons dès fin juillet alerté le Premier ministre sur notre refus catégorique d’une suppression des exonérations, qui aurait un impact de 189 euros par travailleur saisonnier par mois, et globalement de 177 millions sur la ferme France. Ceci n’est pas acceptable au moment où le gouvernement place l’emploi, l’activité économique dans les territoires, la compétitivité de la France, et le retour à une bonne balance commerciale au cœur de ses objectifs. Nous nous mobiliserons dès septembre dans chaque région pour le dire fermement à nos interlocuteurs, les préfets et les parlementaires (lire à ce propos en page 2).

Le contexte de la rentrée, c’est aussi la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, le Brexit et ses rebondissements, qui risquent de peser sur le futur budget de la Pac. Les multiples négociations commerciales qui placent l’agriculture comme monnaie d’échange sont inadmissibles.

Interview de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA : Une rentrée qui s'annonce tout aussi dense que l'été

Interview de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA : Une rentrée qui s'annonce tout aussi dense que l'été

L’été qui s’est écoulé semble avoir été particulièrement intense pour les agriculteurs, comment le caractériseriez-vous ?

Christiane Lambert : L’été a été dense. Des épisodes de sécheresse se sont déclarés très tôt dans certaines régions, puis, plus progressivement et tardivement, se sont élargis à une grande partie du territoire. La canicule de fin juillet, la seconde vague de chaleur la plus importante de l’histoire, a porté un coup fatal. La conjugaison de ces deux évènements a entrainé une forte hétérogénéité dans les récoltes, un manque de pâturage, des risques sur le maïs non irrigué, ce qui est une vraie menace pour les stocks hivernaux.

A cela s’est ajoutée, mi-août, la condamnation de Monsanto, lors du procès aux Etats-Unis, qui a généré un emballement médiatique assourdissant. Une nouvelle fois les agriculteurs ont été stigmatisés, sans qu’aucune voix ne s’élève pour rappeler la réalité des pratiques, bien différentes de ce côté-ci de l’Atlantique. Nous ne nions pas le problème, nous sommes au travail pour réduire l’usage des produits phytosanitaires, mais l’acharnement d’un certain nombre d’ONG et de politiques ne facilite pas le dialogue et l’évolution des pratiques des agriculteurs.

Enfin, cet été a également été marqué par une recrudescence des prédations du loup, avec de nouveaux foyers identifiés, et la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées. La situation se dégrade et les agriculteurs en nourrissent un sentiment d’humiliation, voire d’abandon.

Comment la FNSEA s’est-elle mobilisée pour accompagner son réseau ?

C.L : Pour soutenir les agriculteurs face à la sécheresse, nous avons demandé au ministère de l’Agriculture, des dérogations pour l’utilisation des jachères et le report des dates d'implantation des SIE, CIPAN. Nous avons alerté très tôt sur ces questions et nous n’avons pas encore obtenu de réponse pour l’ensemble des situations. Nous regrettons le manque de réactivité du ministère et l’entêtement de l’administration à vouloir maintenir les dates d’implantation des cultures intermédiaires, alors que les agriculteurs ont la certitude qu’elles ne lèveront pas. C’est du temps et de l’argent perdu ! Nous avons été très présents aux côtés des éleveurs sur le sujet des prédateurs, notamment de l’ours et du loup, dont la présence est imposée « d’en haut », alors qu’ils sont incompatibles avec nos activités, nous en avons l’illustration tous les jours, avec l'augmentation des dégâts et des victimes. Tous les élus locaux sont à nos côtés aujourd’hui pour dénoncer le danger pour la ruralité. La FNSEA avec JA et la FNO, sont très engagés pour sensibiliser tous les parlementaires, et les décideurs, à Paris et à Bruxelles, pour faire prendre conscience des drames vécus par les agriculteurs et faire évoluer la régulation des prédateurs. Nous avons aussi déclenché une alerte rouge sur le sujet des dégâts de gros gibiers. Le Conseil National de la Chasse et de la Faune Sauvage s’est exprimé en faveur de changements de règlementation qui conduiraient à moins de régulation, ce qui est contraire aux besoins des agriculteurs. Avec 700.000 sangliers tués en 2017 et 30 millions d’euros d'indemnisation, le préjudice supporté par les agriculteurs est difficilement supportable, d’autant que les indemnisations sont trop partielles. 55 départements nous ont fait remonter en trois jours via Twitter des photos illustrant l’ampleur des dégâts causés dans les champs, les prés, les vergers et jusque dans les rues des villages. Nous avons besoin de plus de dialogue et de respect mutuel avec les chasseurs en faveur d’une meilleure régulation. Nous l’avons dit au ministère de la Transition écologique et solidaire, mardi 28 septembre. Deux réunions sont programmées sous dix jours pour sortir de l’impasse.

Comment la FNSEA aborde-t-elle la rentrée ? Quel va être son fil rouge dans les dossiers qu’elle va défendre ?

C.L : En cette rentrée, nous sommes pleinement mobilisés sur l’accompagnement des agriculteurs face à la sécheresse. Les réunions des cellules d’urgence que nous avons demandé dès juillet doivent étudier les dispositifs qui permettront d’être au plus près des besoins des agriculteurs.  L’administration doit être plus pragmatique et donner les dérogations indispensables. Plus structurellement, le dossier de l’irrigation doit être prioritaire dans les Assises de l’eau de septembre.

Sur le sujet des prix, chantier majeur, nous préparons la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le 12 septembre, du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales, promis pour redonner du revenu aux agriculteurs. Le gouvernement est au pied du mur et ne peut pas reculer davantage. Nous sommes déterminés à ce que la construction des prix en marche avant soit une réalité, avec les bons indicateurs, que la renégociation des prix avec les industriels et les distributeurs, puisse également avoir lieu et que les excès soient sanctionnés. Il faut mettre un terme à la position dominante des distributeurs qui nuit à l’équilibre au sein de la chaîne alimentaire. La construction des prix est un marqueur fort pour les agriculteurs, c’est le premier point de vigilance pour leurs revenus.

Nous attendons également des annonces à la hauteur de nos besoins sur une épargne de précaution qui donne plus d'autonomie et de résilience à nos exploitations. Face aux aléas climatiques, économiques, sanitaires, cette épargne est indispensable. Nous veillerons à ce que, dans les plans de filières, la contractualisation puisse également être poussée, car c’est un élément de sécurisation pour les agriculteurs.

Sur la question des travailleurs saisonniers, nous avons dès fin juillet alerté le Premier ministre sur notre refus catégorique d’une suppression des exonérations, qui aurait un impact de 189 euros par travailleur saisonnier par mois, et globalement de 177 millions sur la ferme France. Ceci n’est pas acceptable au moment où le gouvernement place l’emploi, l’activité économique dans les territoires, la compétitivité de la France, et le retour à une bonne balance commerciale au cœur de ses objectifs. Nous nous mobiliserons dès septembre dans chaque région pour le dire fermement à nos interlocuteurs, les préfets et les parlementaires (lire à ce propos en page 2).

Le contexte de la rentrée, c’est aussi la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, le Brexit et ses rebondissements, qui risquent de peser sur le futur budget de la Pac. Les multiples négociations commerciales qui placent l’agriculture comme monnaie d’échange sont inadmissibles.