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Trois questions à François Patriat, co-président de l'Anev

"J'ai voté la loi Evin, je le regrette aujourd'hui"

François Patriat, président du conseil régional de Bourgogne a été élu
le 28 janvier à la co-présidence de l'Association nationale des élus de
la vigne et du vin (lire à ce sujet notre édition du 31 janvier en page 13). Un poste clé, alors que le monde du vin est exposé à
diverses menaces.
Par Publié par Cédric Michelin
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Votre élection à la co-présidence de l'Anev intervient au moment où la viticulture se trouve sous la menace d'un nouvel arsenal anti-vin qui inquiète les professionnels. Quelles sont les priorités et les marges de manœuvre de l'Anev ?
François Patriat : en matière de vin, je préfère être sur l'offensive plutôt que sur la défensive. Le combat à mener est à la fois, législatif, sociétal et sanitaire. Le sanitaire étant la lutte contre l'Esca et la flavescence dorée, qui nécessite de mobiliser des financements pour la recherche. Mais il ne s'agit pas seulement de défense, les priorités de l'Anev sont aussi d'informer et de promouvoir. Il ne faut pas céder aux sirènes des pays nordiques, pour lesquels le vin est un produit comme un autre. Le vin est un produit économique, identitaire et culturel. Le vin est un marqueur identitaire pour la France, mais aussi un vecteur pour l'entrée sur des marchés export d'autres activités économiques et industrielles. Il s'agit donc de sauvegarder notre capacité exportatrice, alors que notre production de vin est pénalisée pour la quatrième année.
Dans ce contexte, les élus du vins doivent continuer de soutenir les instances professionnelles, interprofessionnelles et l'INAO en particulier, pour améliorer l'ensemble de la production française, une production qui doit tendre vers l'exception et la qualité. C'est une rôle sensibilisation, d'information, de promotion que celui de l'Anev, lieu de stratégie et de réflexion sur la place du vin dans notre société contemporaine. Les droits de plantation, l'installation des jeunes, l'inscription des "climats de Bourgogne" au patrimoine mondial de l'Unesco, en font partie...
Face aux attaques dont le vin est la cible, il faut déconnecter l'aspect addictif, du produit économique réel qu'est le vin. Aujourd'hui, il y a une dérive vers la répression et la sanction, à l'inverse d'une attitude plus "préventive", qui fait appel à la responsabilité et à une conscience collective. Les élus du vin ont un rôle moteur. Ainsi, sur le plan européen, le combat des droits de plantation n'est pas fini. il reste un point noir sur le fonctionnement de la gestion de ces droits à l'intérieur de l'enveloppe (1 % par Etat) qui va permettre de planter des vins sans IG, sur n'importe quelle surface, y compris sur les zones AOC. La commission tente de verrouiller un texte qui autorisera toutes les plantations, sans droit de regard des Etats. Un texte qui doit être examiné dans les deux mois... juste avant les Européennes.

L'absence de définition claire de la publicité dans la loi Evin a ouvert la porte à tous les excès, ne faudrait-il pas remettre totalement à plat un loi dont les imprécisions font le jeu des plus répressifs ?
F. P. : j'ai voté la loi Evin en son temps, mais je le regrette aujourd'hui. Ce n'était pas une loi contre le vin, mais une loi destinée à mieux organiser la publicité sur les alcools forts. Les grands groupes internationaux étaient visés, car ils disposent de moyens financiers importants pour communiquer. Leur communication avait tendance à étouffer celle du vin. La loi Evin n'a pas que des vertus, mais elle donne un cadre, imaginer de rouvrir ce cadre pourrait permettre à certains de revenir sur les acquis ou les consensus que la filière a su installer. Il y a toujours un risque et un piège à rouvrir à la représentation nationale de tels débats. En revanche, la gestion et l'élargissement du cadre réglementaire sur les NTIC doit se poser en préservant l'expression du milieu viticole, face à la puissance des grands groupes de spiritueux. Concernant les mesures fiscales, il faut accompagner les metteurs en marché, leur faciliter l'export. C'est un travail de longue haleine, on ne "conquiert" pas les Etats-Unis, mais on gagne des parts de marché, Etat après Etat... d'où la nécessité d'accompagner la croissance externe des grandes maisons françaises. Il faut aussi promouvoir l'œnotourisme, qui représente l'un des premiers maillons de la réussite en Bourgogne. Les Asiatiques et tous ceux qui veulent connaître nos vins, viennent aussi pour découvrir une histoire, un patrimoine, une culture.

L'Anev souhaite jouer un rôle moteur sur la question de l'installation en viticulture, comment ?
F. P. : en prenant des initiatives, comme celle d'un grand débat sur l'installation des jeunes, qui associe, dans le courant du 3e trimestre, les professionnels et les pouvoirs publics. Cette question de l'installation inquiète les élus et, selon les régions, le sujet est récurrent. Il relève d'une logique générale qui renvoie en France à la maîtrise de nos outils de production. Il faut "sécuriser", en posant ce sujet au centre des organes de décisions que sont les Safer, les PLU, les Scot... Le maintien et le développement de notre capacité de production, comme la défense de notre culture viticole passe aussi par les établissements de formation. Le vin n'a pas un problème de modèle de rentabilité, il a un problème de positionnement sur le marché où la concurrence fait rage. Il y a un vrai savoir-faire reconnu sur la qualité, il nous faut conserver cette position de leadership.