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Le monde agricole en tendances

L’agriculture fait sa révolution

Vice-président du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et
des espaces ruraux (CGAEER), Bertrand Hervieu a dressé l’avenir du
monde agricole lors de la présentation du livre "Le monde agricole en
tendances" (1). Et le constat est plutôt alarmant.
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« Rupture très forte », « fin de cycle », « une vraie révolution »… Bertrand Hervieu, le vice-président du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAEER), ne mâche pas ses mots : les agriculteurs sont devenus « un groupe socialement restreint ». Explications. Pendant près d’une cinquantaine d’années, le monde agricole avait « un poids, une représentation, une symbolique dans notre société » et, aujourd’hui, les chefs d’exploitation se réduisent à 1 % de la population active.
Le constat est sans appel : d’une grande majorité, les agriculteurs deviennent extrêmement minoritaires. « C’est le groupe social qui a porté lourd sur ses épaules l’instauration et le basculement de la tradition républicaine dans notre pays d’un côté et la tradition catholique de l’autre. Deux grands marqueurs identitaires de notre société », explique l’agronome. Et, phénomène intéressant, malgré la baisse de sa population, le monde agricole n’a jamais autant été en évolution. La conception du métier et ses modes d’exercice, la relation au travail, à la famille, la féminisation sont autant de pistes explorées par les agriculteurs d’aujourd’hui. « C’est quand même un secteur où l’éventail du revenu est l’un des plus grands de la société française autour d’une même dénomination », insiste Bertrand Hervieu. Ce qui n’est pas sans poser problème aux politiques publiques qui ont parfois des difficultés à comprendre cette diversité.

Deuxième révolution


La problématique du renouvellement des générations participe en profondeur à cette « révolution ». « Le vivier des enfants d’agriculteurs n’est pas suffisant pour renouveler l’agriculture, donc il faut aller recruter en dehors du monde agricole des candidats à ces métiers », fait remarquer Bertrand Hervieu. D’ici 5 à 10 ans, le nombre de chefs d’exploitation devrait encore diminuer. La question de l’entrée dans le métier est primordiale mais la situation paradoxale, car d’un côté, des politiques existent (DJA, prêts bonifiés, etc.), d’un autre, celles-ci ne fonctionnent pas vraiment selon l’agronome. « Nous n’arrêtons pas de dire que le modèle familial a éclaté sous différentes formes, que l’on n’est plus dans le cas d’une succession de père en fils. Tout a changé et en même temps on garde exactement les mêmes outils », explique-t-il sans prendre de gant. Pour maîtriser ce qu’il qualifie de « deuxième révolution », l’accompagnement des agriculteurs dans le changement est primordial. Cette deuxième révolution comprend : la rupture démographique, familiale, patrimoniale, de politique publique, économique, le changement profond de commercialisation, « autant de points qui justifient le fait que l’on puisse dire que l’on est vraiment au bout du cycle cinquantenaire ». L’élévation du niveau de formation initiale, la diffusion des nouvelles technologies de l’information participe à l’évolution de la demande des agriculteurs. La clé réside donc dans le conseil. « Est-ce que ces bouleversements ne doivent pas nous faire passer d’une politique de l’offre à une politique de la demande ? », interroge Bertrand Hervieu. Cela signifie un changement en matière de financement, d’accès aux conseils, de maîtrise du conseil par les agriculteurs eux-mêmes. « On quand même quelques difficultés à tirer les lignes d’horizon des trente ans à venir », conclut-il.

(1) "Le monde agricole en tendances, un portrait social prospectif des agriculteurs", MAAPRAT, la documentation française. 14 €. Pour le commander : www.ladocumentationfrancaise.fr