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JA 71

L’agriculture : un secteur géostratégique clé

Vendredi dernier, les JA étaient réunis en assemblée générale à Saint-Aubin-en-Charollais. Echaudés par les déceptions suscitées par l’application de la nouvelle PAC, les jeunes ont voulu dès à présent préparer l’horizon 2020 avec cette question cruciale : « de l’international au local, quelles stratégies agricoles pour l’avenir ? ».
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Pour se donner des perspectives, les jeunes agriculteurs avaient invité l’économiste Thierry Pouch. L’expert de l’APCA s’est d’abord attaché à remémorer les grandes étapes qui ont conduit à la situation agricole actuelle. Ensuite, il a dépeint le contexte mondial et ses enjeux. Pour finir, il pointait l’étonnante divergence de stratégie qui sépare l’Europe des Etats-Unis face à ces défis…
A partir des années 80, la donne économique planétaire a subi une véritable mutation. Une mondialisation faite d’ouverture commerciale, de libéralisation financière et de dérèglementation des marchés a déplacé le centre de gravité de l’économie mondiale. Jusqu’alors dominantes, des puissances économiques comme les Etats-Unis ou le Japon ont progressivement cédé leur place à des pays émergeants. Thierry Pouch n’hésite pas à parler de « déclin » pour qualifier l’érosion qu’ont subi les Etats-Unis, le Japon, l’Union européenne, la France ou même l’Allemagne… Pendant ce temps, la Chine « a supplanté tout le monde » en devenant le premier exportateur mondial.

Le séisme des accords de Marrakech



N’échappant pas au phénomène, le secteur agricole a fini par être lui aussi absorbé par la mondialisation. 1994 et les accords de Marrakech constituent une véritable rupture pour l’agriculture, estime l’économiste. Baisse des soutiens, augmentation de la pression concurrentielle : « tout le cadre qui protégeait l’agriculture s’est envolé », faisant d’elle « un secteur banalisé comme un autre ». En 1995, l’OMC a pris le relai du GATT qui datait de 1947. « Avec 157 Etats membres, il n’a toujours pas été possible de signer un accord multilatéral qui satisfasse toute le monde… ». Tout cela a abouti à une nouvelle hiérarchie des grandes régions exportatrices de produits alimentaires. Des pays comme la Chine ou le Brésil se retrouvant devant le Canada.

Emeutes de la faim



Cette banalisation des produits agricoles a toutefois été remise en cause en 2006 – 2007. La flambée des prix des matières premières, provoquant même des émeutes de la faim dans certains pays, a d’un seul coup réhabilité la question alimentaire. Avec des prévisions démographiques mondiales comprises entre 8 et 11 milliards de terriens à l’horizon 2050, la FAO recommande de doubler voire tripler la production agricole mondiale ! La tendance est à réinvestir dans le secteur agricole… « De plus en plus de voix pensent qu’on est allé trop loin sur la question alimentaire et que l’agriculture et l’alimentation ne sont pas des marchandises comme les autres. Une exception s’impose au sein de l’OMC… », estime Thierry Pouch.
Dans ce contexte de tension alimentaire, trois régions suscitent plus particulièrement des inquiétudes : l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et la Chine. Très dépendante de l’extérieur pour l’alimentation, la Chine « est en train de siphonner des matières premières », faisant ainsi flamber les prix ce qui empêche d’autres pays de s’approvisionner. Le géant chinois est également en mesure d’accaparer des terres à l’étranger, ce qui risque de compromettre la souveraineté alimentaire des pays concernés…

Des opportunités pour la France ?



Dans l’hémisphère Nord, les Etats-Unis et l’Europe demeurent de gros foyers de production. Premier producteur de céréales en Europe, la France est dotée d’une des productions les plus régulières, ce qui lui confère un véritable atout commercial, notamment vers la rive sud de la Méditerranée. Mais il faut se méfier de la concurrence ! Le Brésil ambitionne de nourrir le monde… La Mer Noire se positionne aussi… L’Inde est tout récemment devenue le premier exportateur de viande bovine, avertit Thierry Pouch.
De réelles opportunités de marché se font jour. La France est plutôt bien dotée pour contribuer aux équilibres alimentaires de la planète, assure l’économiste. Mais le cadre communautaire européen lui laisse-t-il une chance de relever ce défi ? Pas sûr… Depuis les années 90, les réformes successives ont conduit à une PAC moins ambitieuse et plus contraignante. « Dans la PAC 2015, le verdissement pose déjà problème alors que la gestion des risques et les outils de régulation des marchés ont été relégués au second plan… Depuis les accords de Marrakech, la stratégie de l’union européenne pose question », estime Thierry Pouch.

Les USA soutiennent massivement leur agriculture !



Pendant ce temps, les Etats-Unis viennent de se doter d’un nouveau « Farm Bill » qui semble à l’opposé de la stratégie européenne… Dans ce pays que l’on pense modèle de libéralisme, l’Etat soutient massivement son agriculture et cela depuis les années trente, révèle Thierry Pouch. Pour le prochain « Farm Bill », les Etats-Unis vont consacrer 1% de leur PIB à l’agriculture alors que la part de l’Europe consacrée à la PAC ne représente que 0,4% de son PIB. 80% des dépenses américaines vont à l’aide alimentaire destinés aux 48 millions d’américains les plus pauvres. Le reste finance une assurance récolte et des mécanismes de soutien. « Un paiement contrat cyclique » comble l’écart entre un prix de référence élevé et le prix de marché. Le « programme de couverture risque » couvre 86% du chiffre d’affaires de l’exploitation. Dans le secteur laitier, les éleveurs américains ont même droit à « un système d’assurance marge. Car Ils savent que la demande mondiale de lait va exploser. Un système d’intervention pure et simple est même prévu », complète l’économiste. Cette prise en charge par l’Etat américain n’a vraiment rien à voir avec le soutien européen. Pour les Etats-Unis, « l’agriculture est un secteur clé. L’Union européenne n’a pas anticipé du tout l’importance géostratégique de ce secteur », regrette Thierry Pouch.



Nouveau conseil d’administration



Lors d’une première partie en huis clos, JA 71 a procédé à l’élection de son nouveau conseil d’administration. Les membres sont : David Bichet, Thomas Bodet, Arnaud Collaudin, David Cornier, Ludovic Cottenceau, Anthony Decerle, Jeremy Decerle, Charles Dechaume, Benoit Deschamps, Yohan Dufour, Baptiste Dumey, Guillaume Gauthier, Pierre-Edouard Hugon, Vincent Jacquard, Guillaume Lavesvre, Damien Lemiere, Arnaud Michel, Olivier Nidiau, Guillaume Perrot, Benoit Pingeot , Ludovic Ponthieux, Alexandre Saunier. L'élection du bureau et du président aura lieu lors du séminaire de début de mandat, le 1er avril prochain à Chevagny-sur-Guye.



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