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Production laitière

L’Allemagne domine l’Europe

L’Allemagne confirme sa position de premier producteur de lait européen
en 2011 grâce à un cheptel en constante progression et à des modèles de
production divers et complémentaires. Mais l’intérêt des éleveurs
laitiers pour la sécurité des revenus issu du biogaz pourrait mettre un
frein à la production nationale.
Par Publié par Cédric Michelin
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L’Allemagne conserve en 2011 son statut de leader européen de la production laitière avec une collecte de 29,3 millions de tonnes, contre 24,6 millions en France, indique une récente étude de l’Institut de l’élevage, et cette suprématie a de grandes chances de perdurer, à en croire la dynamique de la filière allemande de ces dernières années. Outre-Rhin, la collecte a progressé de 6 % (+2,5 Mt) depuis 2007, alors qu’en France cette évolution s’est limitée à 5 % (+1,2 Mt). L’Allemagne a en effet systématiquement dépassé son quota sur cette période, excepté une légère sous-réalisation de 0,5 % en 2011, tandis qu’en France le contingent national n’a plus été atteint depuis 2004. Cet écart est avant tout le résultat d’une politique de maîtrise des volumes diamétralement opposée dans les deux pays. En 2008, producteurs et industriels allemands ont tenté de compenser la forte chute du prix du lait en augmentant la production, ce qui s’est traduit par une stabilisation du cheptel. Avec l’amélioration des prix en 2011, le troupeau national est reparti à la hausse. L’Allemagne peut aussi compter sur un rendement record de son cheptel. La productivité par tête de bétail et par an atteint les 7.200 litres en moyenne (contre 6.625 litres en 2011 en France), même si les disparités restent fortes entre le Sud (6.350 litres), le Nord (7.510 litres) et l’Est (8.510 litres).

Trois modèles distincts



L’Allemagne a en effet développé différents modèles d’exploitation laitière. Le Nord du pays, par exemple, connaît une restructuration rapide et les fermes y pratiquent une production spécialisée. Elles représentent environ 30 % des élevages allemands (28.000 exploitations), 39 % de la collecte nationale, et comptent plus de 50 vaches laitières en moyenne. Cette région est par ailleurs la plus dynamique du pays : la production s’y développe à un rythme de 3 % par an. Au Sud, les exploitations sont de plus petite taille (30 vaches laitières en moyenne) et la pluriactivité y joue un rôle important. Les coûts de production sont supérieurs mais sont généralement compensés par des aides régionales et une meilleure valorisation du coproduit viande. Le Sud produit, en outre, la plupart des laits à forte valeur ajoutée tel que le lait bio (5 % de la collecte en 2011, produit à 90 % dans le sud). Cette région représente encore 60 % des élevages allemands et 30 % de la collecte. L’Est enfin, est un modèle de concentration. 4.500 élevages réalisent 21 % de la collecte nationale, avec des cheptels de 150 vaches en moyenne. Au sein de ces régions, on trouve 450 ateliers de 50 à 100 vaches et 350 ateliers de plus de 500 vaches.

Des revenus disparates



Ces disparités entre modèles de production induisent une forte distorsion dans la rémunération des éleveurs. En 2008, l’écart entre le prix payé le plus élevé (en Bavière) et le plus faible (au Nord-Est de l’Allemagne) était de 80 €/1.000 litres. Entre industriels, le contraste est similaire. Muh, spécialisé dans le lait UHT, payait en moyenne ses producteurs 329 € pour 1.000 litres de lait en 2011, quand Friesland Campina rémunérait ses éleveurs 363 €. Le prix allemand est de surcroît extrêmement volatil, plus réactif aux fluctuations du marché qu’en France. Ainsi, il est tombé bien plus bas que le prix français en 2010, mais il avait atteint des sommets autrement plus élevés en 2008. Sur le long terme, les prix allemands et français se retrouvent ainsi quasiment similaires, avance l’Institut de l’élevage. Les éleveurs allemands profitent par ailleurs d’un prix garanti sur 20 ans pour le rachat d’électricité produite à partir d’un méthaniseur. Pour être rentable par rapport au biogaz, le prix du lait doit atteindre les 370 €/tonnes. Or, en 2011, année record en termes de prix, la rémunération n’a atteint que 351 €/tonne en moyenne. La politique énergétique allemande a donc poussé les éleveurs à investir massivement dans des outils de production énergétiques. Sur les 7.500 digesteurs que compte l’Allemagne en 2012, 60 % sont dans des exploitations laitières. Ainsi, ce sont 300.000 hectares de prairies qui ont été retournés au profit du maïs depuis 2004. Une tendance qui pourrait, à terme, casser la dynamique de la production laitière allemande.