L'amont agricole veut répondre aux enjeux du 21ème siècle
Le 21 mars, Asterès, cabinet de conseil, a présenté une étude, financée par Bayer, sur la consolidation des acteurs de l’amont agricole pour répondre aux enjeux du 21ème siècle. Alors que le jour même, la Commission européenne a donné son accord au rachat de Monsanto par Bayer, les auteurs défendent l’idée que la concentration des acteurs est un atout pour répondre à tous les défis auxquels fait face l’agriculture.
« L’agriculture est dans l’angle mort des débats économiques en France. Quand on l’évoque dans les médias, c’est pour parler des manifestations, du salon de l’agriculture, des suicides, des revenus… La réflexion sur l’évolution économique des filières est donc embryonnaire », a déclaré Nicolas Bouzou, directeur du cabinet Astrerès, en ouverture d’un débat organisé par le think thank Agridées, à l’occasion de la sortie de l’étude, menée par son cabinet et portant sur la consolidation des acteurs pour répondre aux défis du 21ème siècle. Elle a été financée par Bayer et « permet de mettre en perspective les mouvements observés depuis de nombreuses années entre les acteurs de l’amont agricole pour répondre aux grands enjeux de compétitivité », comme le précise Damien Bonduelle, président d’Agridées. Un des mouvements principaux de ces acteurs est la concentration, le débat avait justement lieu le jour où la Commission européenne a donné son feu vert au rachat de Monsanto par Bayer, pour un montant de 66 milliards de dollars. Un rachat qui n’a pas manqué de susciter des inquiétudes et des débats. La concentration des acteurs est un des sujets abordés par Asterès, qui défend l’idée qu’elle « promeut l’avènement de nouveaux modèles agricoles, plus performants et économes ». Cette concentration est visible tout au long de la filière agricole.
Concentration à tous les niveaux
Entre 2000 et 2013 le nombre d'exploitations françaises a diminué de 23% tandis que leur taille moyenne a augmenté de 31%, pour arriver à 59 hectares. Autres exemples mondiaux, 6 acteurs de l’agrochimie détiennent 75% du marché mondial, 7 semenciers détiennent 64% du marché mondial, 10 producteurs d’engrais détiennent 56% des parts de marché. La concentration est bien souvent perçue comme « excessive et préjudiciable par la société civile ». Cependant, pour Asterès elle ne s’accompagne pas forcément d’une perte de concurrence et d’une augmentation des prix. D’après des chiffres de l’Insee, les prix des semences et plants, du matériel agricole, de la protection des cultures et des engrais et amendements, secteurs fortement concentrés, ont respectivement augmenté de 37%, 68%, 13% et 75%, entre 1990 et 2016. Dans cette même période, dans des secteurs faiblement concentrés, comme les produits et services vétérinaires, l’ouvrage de génie civil, l’entretien et réparation des bâtiments, l’étude et conseil les prix ont respectivement augmenté de 81%, 74%, 63% et 62%. Nicolas Bouzou rappelle que si la concurrence est essentielle et la concentration saine il est important de vérifier qu’il n’y ai pas d’abus de position dominante. Le cabinet prend aussi pour preuve de ses propos les investissements importants réalisés en matière d’innovation par les acteurs de l’agrochimie qui y consacrent 10% de leurs chiffres d’affaires, signe d’une vive concurrence.
L’innovation pour « produire, plus mieux, avec moins »
Si, pour Nicolas Bouzou, les Français ont une vision de l’agriculture qui mêle plus fourches et sabots que génétique et GPS, la chaîne de valeur agricole est cependant l’une de celle qui utilise le plus d’innovations. Des innovations techniques et agronomiques qui ont permis aux agriculteurs de multiplier, en moyenne, leur rendement par 3,5 entre 1961 et 2004, permettant ainsi de concourir à la sécurité alimentaire. Malgré l’augmentation des populations, les terres cultivées n’ont augmenté « que » de 50%. Asterès indique que cette élévation des rendements s’est accompagnée d’une modération des prix alimentaires. Cependant, un plafonnement de l’augmentation des rendements semble se profiler, le cabinet estime donc que l’agriculture doit continuer à évoluer pour mieux nourrir l’humanité, les besoins alimentaires vont en effet progresser de 50% d’ici 2050. Les biotechnologies, l’informatique et l’intelligence artificielle, sont ainsi de nouvelles solutions pour développer l’agriculture. Pour conclure sa présentation, Nicolas Bezou a appelé à faire en sorte que l’Europe prenne ce virage technologique. « Dans le domaine agricole, l’Europe a des cartes à jouer avec des acteurs importants, il faut les conserver pour entretenir sa prospérité économique, sa puissance et le bien-être de sa population », argumente-t-il.