L'an 1 de la fusion
apparaît d'autant plus important dans la préservation de l'usage
agricole des terres et des prés. Retour sur la première assemblée
générale de la jeune Safer Bourgogne Franche-Comté.
Un prix moyen « compétitif »
Le marché foncier de l'espace rural reste marqué par la concurrence toujours vive entre les différentes destinations des surfaces. En 2011, ce marché est à la baisse (-8 % de ventes) pour les surfaces, mais à la hausse en ce qui concerne le nombre de transactions (+4 %) et les valeurs (+6 %).
La plus forte diminution concerne le foncier non agricole (-25 % des surfaces). Le marché foncier agricole connaît en revanche une légère reprise en 2011, avec une augmentation des surfaces vendues (+6 %) et des valeurs en progression, sauf sur le marché foncier viticole (-16 % en valeur, du fait de transactions sur des appellations moins prestigieuses qu'en 2010). Le marché foncier agricole retrouve ainsi un niveau supérieur aux deux années précédentes en surface. Et en valeur, c'est son plus haut niveau depuis 2006. La part des achats par les fermiers reste stable et représente presque 50 % des surfaces vendues.
Les prix moyens des terres et prés libres non bâtis connaissent une légère augmentation sur la Bourgogne (+1 %). Ils restent stables sur la Nièvre (2.780 €) et diminuent en Saône-et-Loire (2.280 €), qui s'affiche comme le département au prix moyen le plus faible (2.280 €). L'Yonne reste à peu près stable à -1 % (3.150 €) et le prix moyen de Côte-d'Or est quasi stable avec +1 % (2.990 €). Au-delà des moyennes, les évolutions en valeur apparaissent très contrastées d'un département à l'autre.
Ces chiffres sont à mettre en relation avec la moyenne française qui s'établit à 5.430 €/ha et des prix européens sans commune mesure avec cette même moyenne française.
Le foncier agricole en France reste donc très compétitif, même s'il augmente régulièrement. Jean-Luc Desbrosses alertait tout particulièrement sur la nécessité de ne pas faire monter les prix du foncier agricole sous la pression du développement des énergies renouvelables. « Il y a suffisamment de toits agricoles sans installer du photovoltaïque au sol ». Ce type de développement « doit rester l'exception ». Et si le rapport à la terre évolue, le rôle de la Safer est justement de favoriser l'usage agricole.
Priorité à l'installation
La part principale des surfaces rétrocédées concerne l'installation. 229 jeunes (contre 204 en 2010) ont ainsi pu être installés en Bourgogne Franche-Comté. La part de la surface agricole (hors opérations forestières) consacrée à l'installation s’établit ainsi à 37 %. Le maintien des fermiers en place (29 %) et les agrandissements (28 %) sont les deux autres principales destinations, avec un agrandissement moyen de 5,8 ha. Les faibles surfaces concernées par le remaniement parcellaire (122 ha) représentent 101 opérations et les opérations forestières ont porté sur 1.042 ha. Les réorientations ont concerné à la fois des rétrocessions (160 ha) au profit des collectivités, de la protection de l'environnement ou de projets de particuliers.
La demande reste forte puisque la moyenne en Bourgogne Franche-Comté donne 4,2 candidats par lot (contre 2,6 en moyenne nationale !). La vigilance est de mise quant à la situation d'un stock opérationnel qui a particulièrement augmenté en 2011 en valeur, sous l'effet conjugué d'achats de propriétés viticoles en fin d'année et de la mise en place de la nouvelle loi sur les plus-values en février 2012. L'objectif maintenant c'est la diminution du stock non garanti car le volume garanti représente seulement 16 % de la valeur du stock total.
Le foncier s'affiche toujours comme un enjeu d'avenir. Et pas seulement pour les agriculteurs. En ces temps troublés où certains investissements peuvent s'avérer hasardeux, la terre reprend toute sa valeur d'investissement durable et fiable. Il faut donc, insistait Jean-Luc Desbrosses, « rester en alerte quant au jeu spéculatif des investisseurs ». Et quand la pression foncière s'intensifie, « c'est une chance que d'avoir une profession très présente au sein de l'outil Safer, dans ses comités techniques et au sein du conseil d'administration ». La réflexion partenariale permet ainsi de définir une ligne directrice claire.
Economiser le foncier pour la Safer, c'est ainsi le rationaliser, « réfléchir autrement » comme y engage le président qui considère que « la Safer est armée pour le faire ». Une Safer qui envisage « un exercice correct en 2012 », compte tenu des opérations potentielles sur l'ensemble de la Bourgogne Franche-Comté.
Contenir la pression foncière
La pression foncière reste un thème récurrent qui a fait l'objet d'une table ronde animée, permettant d'en dresser un état des lieux sur l'ensemble du territoire de la Safer BFC. La résistance à cette pression - qui s'organise au travers de la dynamique de l'installation et de la volonté de maintenir des agriculteurs - est l'un des enjeux majeurs de l'avenir de la production agricole. « Les choix sont difficiles souvent, et les arbitrages doivent également tenir compte des pressions extérieures » insiste M. Marguet pour la Franche-Comté, tandis que Dominique Chambrette, président de la chambre régionale d'agriculture de Bourgogne, relève toutes « les ambitions d'une vraie politique du foncier qui consiste à préserver la vocation historique d'une exploitation au moment de sa transmission, tout en se projetant dans le devenir foncier de cette exploitation ». Sur ce plan, le rôle de la Safer n'est pas toujours bien compris par les élus qui la confondent quelques fois « avec une machine à multiplier la terre ».
Pour les élus des collectivités territoriales qui travaillent en collaboration avec la Safer, il semble important « de raisonner le foncier en fonction d'une logique et d'une vision politique du développement du territoire ». A ce titre, les Schémas de cohérence territoriale (Scot) permettent d'encadrer cette vision à long terme à partir d'un principe « d'économie du foncier, une économie raisonnée en termes de surfaces et en termes de développement économique du territoire » avec en toile de fond la volonté de contenir la pression foncière sur la surface agricole. Toutefois, au final, « la gestion du foncier renvoie à la responsabilité individuelle des agriculteurs » qui cèdent leurs terres. Sur ce point, le président de la chambre reste ferme « en agriculture comme ailleurs, la somme des intérêts individuels ne fait pas l'intérêt collectif et la profession doit en priorité prendre en compte l'intérêt collectif, pour des terres qui doivent conserver leur vocation agricole ».