L’ascension des BGO
une foi(s) de plus. Ce mardi 15 mai, 26 caves coopératives de Bourgogne
et du Beaujolais ont coopéré ensemble pour lancer "commercialement"
l'appellation "coteaux bourguignons" (ex-BGO). A compter du 17 mai,
cette "nouvelle" appellation sera proposée à la dégustation dans 27
caveaux de la Grande Bourgogne. L’objectif final est de fixer un "prix
référence" afin de mieux valoriser cette appellation régionale, socle
des 99 autres en Bourgogne mais aussi, depuis 2002, chaque jour un peu
plus, socle de celles du Beaujolais...
Historiquement, la réécriture des cahiers des charges des appellations d’origine avait été l’occasion de reconstruire une appellation « d’initiation et d’un bon rapport qualité/prix », expliquait le BIVB juste après que l’INAO ait validé la reconnaissance de l’appellation coteaux bourguignons (décret au JO depuis le 24 novembre 2011). « Nous sommes très heureux que cette appellation voit le jour, après des mois de travail », confiait alors Pierre-Henry Gagey, président du BIVB (famille négoce) et de la Commission coteaux bourguignons. Depuis, peu de bouteilles ont été mises en circulation. La Commission du BIVB fait même du surplace, avec une certaine « politique de la chaise vide » pour certains.
Entre BGO et bourgognes
Il faut dire que cette appellation cristallise les divisions de la Grande Bourgogne. Le Beaujolais "blanchit" et replit en déclarant du crémant de Bourgogne. De plus, des aides publiques ont permis de planter des pinots noirs dans le Beaujolais (voir notre article du 20 janvier en page 3) repliables en coteaux. Le négoce joue de ces dissensions pour s’approvisionner.
Arbitre, l’INAO a récemment confirmé le Syndicat des bourgognes comme ODG légitime pour gérer, sur la base juridique, qu’il s’agissait déjà de l’organisme de défense pour les BGO. Concession ou non, l’INAO aimerait maintenant une modification statutaire disant que seuls les producteurs déclarés puissent gouverner aux destinées des coteaux. « Avec la mécanique des replis et des revendications, nous savons pourtant que tous les marchés des bourgognes sont étroitement liés », explique Gérard Maitre au syndicat. Le prochain Comité de bassin en débattra le 3 juillet.
Bourgogne et Beaujolais coopèrent
Lasses d’attendre, les coopératives ont décidé d’agir. Pour elles, cette appellation complète leur gamme. Ces vins blancs, rouges ou rosés, aussi bien d’assemblage, chose plutôt atypique pour la Bourgogne, que monocépage, ont vocation à être commercialisés en France, localement dans un premier temps, comme à l’étranger par la suite. En jouant sur différents cépages, il sera possible d’adapter la personnalité du vin, tout en respectant son origine de terroir.
Surtout, les coopératives entendent "fixer" un prix qui servira de "référence" pour le marché des coteaux bourguignons. « Ces vins devraient se rapprocher en prix bouteille des bourgognes passetoutgrains. Il faut rester cohérent dans la gamme. Les coteaux doivent se positionner entre les ex-BGO et les bourgognes génériques », analyse et conseille Guillaume Willette, directeur du Syndicat des bourgognes. Le plan Bourgogne Amplitudes 2015 du BIVB veut d’ailleurs valoriser davantage les appellations régionales.
Mettre de l’ordre
Car cette "nouvelle" appellation n’en est pas une en réalité. Il s’agit simplement du nouveau nom donné aux bourgognes grand ordinaire (BGO), socle de la hiérarchie des bourgognes avec les crémants. Cette appellation pourra être produite sur tout le territoire de la Grande Bourgogne, de l’Auxerrois au Beaujolais. L’aire géographique ne change d’ailleurs pas. Enfin, pas exactement… « On met de l’ordre », précise le directeur du Syndicat des bourgognes. En effet, la délimitation des BGO n’avait « jamais été faite » jusqu’à présent dans un certain nombre de secteurs. Il faut donc la terminer. Heureusement, « tout le monde est d’accord pour définir la délimitation parcellaire des coteaux bourguignons dans le Beaujolais » sur la base de la délimitation de l’AOC beaujolais.[WEB] Après le bourgogne aligoté et le bourgogne blanc, la délimitation parcellaire du bourgogne est en cours dans le Beaujolais et le Chablisien. Reste après à définir les critères pour délimiter les passetoutgrains et les coteaux bourguignons.[/WEB]
Engagements ou replis ?
Le marché des BGO est un marché peu valorisé. Peu d’opérateurs commercialisent sur ces marchés "spot", souvent distribués par les Hard discounters (low cost). Les déclarations de récolte 2011 ont fait état de 244 ha (13.123 hl) déclarés en BGO rouge. Pour la campagne 2009-2010, 45.500 hl de BGO avaient été déclarés et même 66.000 hl en 2007-2008. Mais, le syndicat des bourgognes ne peut suivre tous les chiffres « commerciaux » de cette appellation « essentiellement faite de replis ». Surtout que depuis 2002, les replis ne proviennent plus uniquement de la "Bourgogne", mais s’ajoutent ceux du Beaujolais en crise.
Sur la campagne 2010/2011, les cours oscillaient aux alentours de 274€/pièce. Les chiffres de fin mars 2012 faisaient état de 2.674 hl de BGO échangés (avec une partie de millésime 2010) à 193€/pièce. Dans cette portion, le millésime 2011 représentait 167 hl à 259€/pièce. A comparer aux 260 hl de coteaux bourguignons qui ont transité sur cette même période à 319€/pièce. Le marché est trop jeune pour tirer une conclusion mais…
Il faut rappeler l’objectif initial affiché par la commission dédiée au BIVB : « en faire une appellation de revendication et non plus de replis avec la mise en place d’affectations parcellaires. Ainsi, les vignes seront travaillées tout au long de l’année en vue de produire du "coteaux bourguignons” ». Un premier pas vient d’être fait par la coopération. Les autres familles en feront-elles de même ?
Plus qualitatifs
Les limites de classement, les rendements de base des bourgognes ont été réactualisés. 64 hl en bourgogne rouge et rosé et 72 hl en bourgogne blanc. Les rendements sont moindres dans le Beaujolais en raison de la crise. Pour un lot considéré, la richesse minimale en sucre des raisins passe en blanc à 161g/l (contre 144 g/l en BGO), en rouge à 171 g/l (contre 144 g/l) et en rosé à 161 g/l (contre 136 g/l). « Une grosse marge qualitative » a donc été franchie. Le degré d’alcool minimum monte aussi. « L’INAO voulait réduire à 2,5 degrés d’écart » au maximum.
Le degré minimum est fixé à 10° en blanc, rouge et rosé (contre 9,5° en blanc auparavant et 9° en rouge/rosé). Au maximum, le degré sera de 12,5° en blanc (idem) et 13° en rouge/rosé (contre 12° en BGO).
Vers une spécialisation des domaines ?
La densité minimale des pieds est abaissée à 5.000 pieds/ha. L’arrêté de 1956 définissait différents secteurs et départements. 8.000 pieds/ha dans le Rhône, 9.000 en Côte-d’Or, 8.000 en Saône-et-Loire et 7.000 dans le Mâconnais ! L’écartement passe à 2,5 mètres. Les vignes en lyre sont autorisées à une densité de 3.000 pieds/ha.
L’encépagement voit arriver le pinot gris en tant que cépage principal en blanc. Il n’était qu’accessoire avant. Historiquement, les pinot gris étaient « souvent vinifiés en blanc » alors qu’ils étaient prévus pour les rosés. Les viticulteurs auront donc désormais la possibilité de faire des coteaux bourguignons monocépages à 100 % pinot gris.
Parmi les cépages accessoires rajoutés en rouge et rosé, on retrouve le melon, l’aligoté, le gamay de Bouze (commune située à côté de Beaune) et le gamay de Chaudenay (à côté de Chagny). Ces cépages accessoires rejoignent le chardonnay et le pinot blanc et gris. Ensemble ou séparément, ils peuvent représenter au maximum 10 % de l’encépagement.
La "patte" du vinificateur
Toutes ces modifications de cahiers des charges « auront des conséquences sur les assemblages ». Dans une région connue pour ses vins issus de monocépage, et bien que le BGO les permettait déjà, désormais, des cépages blancs intègrent les cépages accessoires pour produire des coteaux bourguignons rouges. Les vinificateurs ont donc plus de possibilités. « Un opérateur pourra plus largement mettre sa "patte" et se différencier de son voisin ». Une démarche qui devrait plaire aux marchés. En jouant sur ces différents cépages reconnus, il sera possible d’adapter la personnalité du vin, tout en respectant son origine de terroir. Un écho lointain à la complantation « empirique des anciens ». Il n’est pas encore rare de trouver 15 % de cépage blanc dans certaines parcelles plantées en rouge.
Côté pratique œnologique, l’utilisation des « morceaux de bois » n’est pas interdite. En revanche, « le cahier des charges ne définit pas le terme morceaux », commente le directeur du Syndicat des bourgognes.
Ce ne sont pas des vins de Bourgogne
L’étiquetage autorise l’ajout de lieux-dits. La mention de cépage est possible, dans la stricte limite de la réglementation européenne (minimum 85 %). La mention « vins de Bourgogne » est interdite. Car les coteaux bourguignons ne peuvent pas être repliés en AOC Bourgogne générique. En revanche, toutes les appellations bourguignonnes peuvent se replier dans cette appellation socle. A l’exception de l’AOC saint-bris (utilisation du cépage sauvignon) et des crémants de Bourgogne qui sont des vins effervescents.