L’autonomie alimentaire comme maître mot
Aidées de leurs partenaires (Institut de l’élevage et Inra notamment), les chambres d’agriculture conduisent des programmes de recherche-développement au sein des six fermes expérimentales de la région (1).
L’autonomie alimentaire est aujourd’hui le maître mot de ces expérimentations. Cette préoccupation - qui fait d’ailleurs partie des axes de la mandature en cours - est dictée par la nécessité de répondre à la fois aux aléas climatiques, à l’augmentation des coûts de production et à la dépendance excessive aux tourteaux de soja d’importation, lesquels ne sont pas exempts d’OGM. Les différentes recherches avancent des solutions pour rendre les systèmes de production plus sécurisés, moins dépendants des achats extérieurs, moins dépensiers en énergie et plus vertueux vis-à-vis des consommateurs.
Agneaux à l’herbe : 50 % de concentré économisé
C’est sur l’un des pôles expérimentaux régionaux - en l’occurrence le pôle ovin de Charolles, que la chambre et le conseil régional - représenté par Jacques Rebillard - avaient donné rendez-vous fin novembre. Reçus par Michelle Michel, responsable du pôle, Jean-Baptiste Gougeon et Laurent Solas, techniciens ovin, les participants ont assisté à une présentation du site ainsi qu’à l’exposé de trois modalités de valorisation de l’herbe en production ovine.
Une première expérimentation met en évidence que, comparée à une conduite en bergerie, la finition à l’herbe des agneaux de fin de printemps peut faire diminuer de 50 % la consommation de concentrés pendant la phase de finition. Autre enseignement acquis au Pôle régional ovin, le pâturage hivernal est tout à fait possible pour des brebis, qu’elles soient taries ou même gestantes, sans que cela ne dégrade les performances des animaux. Si l’herbe hivernale est en quantité suffisante (pâturage tournant), les animaux peuvent même se passer d’affouragement. Troisième résultat mis en évidence : le fait de faire pâturer des brebis allaitantes à l’automne (agnelages de fin d’été) peut permettre de réduire de 25 % les charges opérationnelles.
Des femelles finies à l’enrubannage et sans tourteau
L’après-midi, c’est dans les locaux du lycée de Charolles que la conférence s’est poursuivie avec les expérimentations bovines. Le président du Corel Bovin Viande, Yves Largy, introduisait la présentation « d’essais d’engraissement de femelles à partir d’une alimentation économe et autonome ». Des essais à base d’enrubannage (herbe jeune et riche) ont été conduits en 2010 et 2011 à la ferme de Jalogny. Ces premiers tests ont montré qu’avec un fourrage de très bonne qualité alimentaire et une complémentation bien étudiée tant en céréales qu’en paille (transit digestif oblige), il est possible de se passer de tourteau. En 2012, de meilleurs résultats ont été obtenus avec une complémentation à base de pulpe de betteraves ou de maïs grain (toujours sans tourteau) et un rationnement journalier de l’enrubannage favorisant ainsi une meilleure ingestion de paille. Les résultats d’engraissement étaient semblables à ceux obtenus avec du maïs ensilage, rapportait le responsable technique de la ferme, Julien Renon.
Lait : luzerne et colza pour ne plus dépendre du soja
En production laitière, Nadine Darlot, présidente du Corel Bovin Lait, et Denis Chapuis de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire présentaient des alternatives au tourteau de soja. C’est par la luzerne que les exploitations laitières parviennent à améliorer leur autonomie protéique, tout « en sécurisant sur un plan sanitaire les rations des vaches laitières ». La luzerne est utilisable sous des formes diversifiées : deshydratée en granulés ou en brins longs, de 18 à 54 % de protéines, en brins longs enrubannés…. Ne permettant pas d’équilibrer seule les rations, la luzerne peut être aisément associée à du colza. Une alternative intéressante, tant pour les filières de qualité (AOC) que dans l’optique du futur plan protéines.
Promouvoir la culture de l’herbe
Cette conférence régionale a aussi été l’occasion de présenter un projet ambitieux sur l’autonomie fourragère des systèmes herbagers. Il s’agit bien de promouvoir « la culture de l’herbe » dans les quatre départements bourguignons. Ce travail s’appuierait par exemple sur la diffusion de bulletins de gestion de l’herbe, tels que “Herbe 58” dans la Nièvre ou “Herbe Hebdo” en Saône-et-Loire. Ces bulletins territorialisés - bâtis sur un réseau de fermes de référence et actualisés au fur et à mesure de la pousse - sont déjà diffusés à raison de 15 à 30 numéros par an par mail ou sur le web. Ce travail est amené à s’enrichir, toujours dans l’optique d’une meilleure autonomie fourragère et protéique des exploitations.
« L’autonomie des systèmes herbagers est un grand sujet à prendre à bras le corps », synthétisait avec force le président du Corel, Jean-Pierre Fleury. Cette thématique est l’un des axes majeurs de la mandature de la chambre régionale avec l’attractivité du métier, la compétitivité, la modernisation, l’engraissement et la génétique.
Le jeu en vaut la chandelle
En conclusion de cette réunion, Christian Decerle , président de la chambre régionale, estimait que « ce capital d’expérimentation et de connaissances actives mérite d’être plus largement vulgarisé et diffusé ». Un constat d’autant plus pressant que « la région souffre d’un renouvellement de générations plutôt difficile alors même que son agriculture est décrite comme étant plus durable que d’autres… ». Pour lui, il y a à « reconquérir l’intérêt pour le technico-économique », là où la course aux primes et aux hectares de l’après Pac 92 a sans doute favorisé une baisse de production. Dépassant les « concepts organisationnels » si chers aux institutions et les querelles de boutiques qui freinent parfois le progrès, Christian Decerle appelait de ses vœux un élan collectif qui permette de « se doter d’une méthode de vulgarisation qui rassemble toutes les forces ». Face à des exploitations avec « des écarts de revenus qui vont de 1 à 10 », le président de la chambre régional estime qu’il faut « se fixer une ambition en terme de taux de pénétration » et faire preuve « d’agilité et de réactivité » pour toucher davantage les agriculteurs.
(1) Pôle régional ovin de Charolles (71) ; Pôle régional caprin de Davayé (71) ; ferme expérimentale de Jalogny (71) ; pôle régional laitier de Fontaines (71), La Barotte (21) et La Brosse (89).
Caprins
De gros besoins
Représentant les élevages caprins de la région, Jean-Philippe Bonnefoy, éleveur de la pointe sud de la Saône-et-Loire, est intervenu pour faire part des besoins de sa production. En chèvres, la recherche d’autonomie fourragère est peut être encore plus importante qu’ailleurs, estimait l’éleveur. Dans une production où la grande majorité du lait est transformé en fromages fermiers, l’herbe renvoie à la notion de terroir. Les coûts alimentaires ont beaucoup augmenté ici aussi et les chèvres sont peut-être encore plus délicates à nourrir que des bovins, confiait Jean-Philippe Bonnefoy. Les éleveurs caprins ont besoin de mieux gérer l’herbe. Ils auraient également des progrès à faire en termes de litrage, de parasitisme… Un besoin de coordination et de mutualisation à l’échelle de la Bourgogne était également évoqué devant les responsables de la chambre régionale.