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Produits phytosanitaires

L’effet cocktail des phytos au cœur des réflexions de l’Inra

Au cours d’un colloque sur les contaminants alimentaires, l’Inra a fait le point sur la recherche concernant l’effet sur la santé humaine des expositions à un mélange de pesticides. Conclusion : la recherche avance, mais les incertitudes restent fortes sur la façon de mesurer ces effets.

Par Publié par Cédric Michelin
L’effet cocktail des phytos au cœur des réflexions de l’Inra

Comment mesurer les conséquences des mélanges de pesticides ? C’est l’une des questions auxquelles l’Inra a consacré son colloque sur le thème : « contaminants alimentaires : approches émergentes pour connaître et prévenir le risque », organisé le 19 décembre à la Maison des chambres d’agriculture, à Paris.

L’impact de ces mélanges sur la santé humaine est en effet difficile à évaluer pour les scientifiques, car les interactions qui entrent en jeu sont multiples. Une étude, réalisée par l’Inra, publiée en juin dernier dans la revue Environmental Health Perspectives, et présentée à l’occasion du colloque, a pourtant tenté de surmonter ces difficultés.

Relation entre mélange de pesticides et maladies métaboliques

Dans ces travaux, les scientifiques mettent en évidence une relation entre mélange de pesticides et le développement de maladies métaboliques telles que l’obésité ou le diabète. Pour arriver à ce résultat, les chercheurs de l’Inra ont injecté, pendant un an, un mélange de pesticides utilisé de façon ordinaire dans la production de pommes (et donc retrouvés, à faibles doses, dans l’alimentation humaine), pour l’incorporer dans l’alimentation de souris.

Les doses de chaque phyto injecté ne dépassaient pas les doses journalières maximum autorisées (DJA) pour la consommation humaine. Pourtant, le résultat est sans appel : les mâles subissent une augmentation de leur poids, avec une accumulation de leur tissu adipeux, et une hyperglycémie accompagnée d’une intolérance au glucose, typiques du diabète. Chez les femelles, on retrouve des réactions hépatiques et une modification du microbiote intestinale.

Pour l’Inra, ce résultat prouve que ces substances consommées ensemble, même à des doses admissibles individuellement, peuvent avoir un impact sur la santé humaine. Toutefois, cette conclusion n’est valable que pour ce mélange précis, ce qui limite sa portée en termes normatifs.

Selon la chargée de recherche à l'Inra, Laurence Payrastre, qui a mené ces travaux, ce n’est pourtant pas une exception. Son équipe a passé en revue près de 78 études expérimentales menées sur ce sujet : seulement 17 % des mélanges ne produisent aucun effet.

Des phénomènes difficiles à prédire

Les mécanismes qui entrent en œuvre sont multiples. Parfois, il s’agit tout simplement d’un effet dit de « chronicité » ; l’accumulation d’éléments toxiques « dépasse les capacités de réparation, adaptation et détoxication de l’organisme ». Dans d’autres cas, ce sont les interactions entre les différentes substances qui créent l’effet indésirable.

Difficile pourtant, malgré ces études, de conclure sur des mesures globales à prendre, notamment en termes d’homologation. D’une part parce que, selon les circonstances, ces mélanges diffèrent. Selon les années, les produits phytos utilisés, et leur dosage, ne sont pas les mêmes. D’autre part, parce que chaque individu est différent, et que les interactions sont multiples.

« Ces phénomènes sont difficiles à prédire ou éviter », confirme ainsi Laurence Payrastre. Pour surmonter ces difficultés, les scientifiques travaillent, depuis plusieurs années, sur la notion « d’exposum ». Objectif : prendre plus systématiquement en considération les effets des contaminants alimentaires dans leur ensemble, plutôt que substance par substance. Reste à savoir comment traduire ce type de risques dans les processus d’homologation.