L’épandage sans tonne se pratique déjà en Saône-et-Loire !
Depuis l’an dernier, la Cuma La Pierroise est équipée d’un matériel d’épandage sans tonne pour valoriser les 30.000 mètres cubes de digestat issus de l’unité de méthanisation collective de Pierre-de-Bresse.

Le 18 mars dernier, la fédération des Cuma Bourgogne-Franche-Comté et la Cuma La Pierroise organisaient une démonstration d’épandage d’effluents sans tonne près de Pierre-de-Bresse. Rendez-vous était donné au siège de la Cuma qui se trouve sur le site de méthanisation de la SAS BioEnergie Pierroise. Les deux entités sont liées puisqu’elles sont portées par un même collectif d’agriculteurs du secteur de Pierre-de-Bresse (lire encadré). Elles partagent deux salariés et la Cuma loue un bâtiment sur le site de méthanisation où elle entrepose son matériel et dispose d’un atelier. À l’origine du projet de production d’énergie renouvelable, la Cuma La Pierroise est connue pour son dynamisme. Elle compte 17 exploitations adhérentes dont une dizaine est impliquée dans la SAS BioEnergie Pierroise. Ces fermes de polycultures-élevage fournissent 80 % des matières premières consommées par le méthaniseur : fumier, lisier, cultures intermédiaires, auxquels s’ajoutent des issues de céréales provenant de la coopérative Bourgogne du Sud. À l’inverse, les exploitations récupèrent le digestat résultant de la méthanisation soit 30.000 litres de matière fertilisante qu’il leur faut épandre chaque année sur leurs terres et prairies. En comparaison des 18.000 litres de lisier que la Cuma avait à épandre avant la méthanisation, c’est un très gros volume qu’il faut désormais acheminer depuis le méthaniseur de Pierre-de-Bresse jusqu’aux champs des adhérents. Un chantier lourd qui justifie le recours à la technique de l’épandage sans tonne.
Alimenté par un long tuyau
Bien implanté dans les pays de l’Est et en Angleterre, arrivé en France par l’ouest, l’épandage sans tonne se développe. Dans cette variante de l’épandage, seule la rampe est portée par le tracteur qui arpente les parcelles. Le lisier ou le digestat arrive à la rampe par un tuyau qui relie l’ensemble mobile à la fosse de stockage ou à une réserve posée à proximité du champ. La Cuma La Pierroise possède 2 kilomètres de tuyaux pour lui « permettre d’aller le plus loin possible depuis l’unité de méthanisation », explique Christophe Mauchand, le président. Pour les parcelles plus éloignées, la Cuma dispose d’un caisson de 85 mètres cubes de contenance. C’est une sorte de grosse cuve, déplaçable à vide, dans laquelle le lisier est transféré à l’aide d’une tonne classique. Muni d’une puissante pompe, ce caisson injecte le fertilisant dans le tuyau qui alimente la rampe portée par le tracteur.
Au champ, le tuyau est déroulé au sol jusqu’à l’extrémité opposée de la parcelle. Il est raccordé d’un côté à la réserve de digestat et de l’autre à la rampe d’épandage. Pendant le chantier, le tuyau suit les déplacements du tracteur selon un itinéraire balayant la parcelle sans avoir trop à rouler sur le tuyau. À la fin du chantier, le tuyau est nettoyé à l’aide d’un compresseur et d’une balle en mousse propulsée à l’intérieur. Puis le tuyau est à nouveau enroulé sur une bobine enrouleuse attelée à l’avant du tracteur.
Un caisson, une rampe et une tonne pour le ravitaillement
Le jour de la démonstration, dans une parcelle située à plusieurs kilomètres du site de méthanisation, la Cuma disposait de son caisson mobile attelé à un tracteur de plus de 180 CV. Ce dernier animait la pompe propulsant le digestat. Sur son relevage avant, il portait aussi le compresseur servant à nettoyer le tuyau. Un autre ensemble tracteur + tonne à lisier assurait le ravitaillement en digestat du caisson de 85 m3. Un troisième tracteur était attelé à la rampe d’épandage de 12 m. À l’avant, il portait les bobines enrouleuses de tuyaux. Le chantier nécessite au moins deux chauffeurs. Outre le conducteur de la rampe, un second opérateur doit être en permanence aux commandes du caisson et de la pompe. Il faut notamment surveiller le maintien de la pression du lisier dans le tuyau, le niveau de la réserve de lisier et être attentif à tout incident dans le circuit comprenant le tuyau et la rampe.
Plus de souplesse
Avant de s’équiper elle-même de son propre matériel, la Cuma La Pierroise a d’abord fait appel à une Cuma de l’Ain ainsi qu’à une entreprise de travaux agricoles déjà équipés. Étant donné le volume à épandre et au regard du prix facturé par les prestataires, les adhérents ont décidé d’investir eux-mêmes. C’était aussi un moyen de gagner en souplesse dans la réalisation des chantiers. Avec un prestataire, on ne maîtrise pas le calendrier, ce qui peut contraindre à épandre malgré des conditions météorologiques défavorables, fait remarquer l’un des adhérents. Un autre avantage de la technique est de moins salir les routes et chemins d’accès, signalent les intéressés.
Coût du chantier : environ 1,20 €/m3
Le montant de l’investissement s’élève à 175.000 €, indique Christophe Mauchand. Il faut compter environ 65.000 € pour le caisson et la pompe, 25.000 pour la rampe et 80.000 rien que pour le tuyau, détaille-t-il. Le coût du chantier d’épandage s’élèverait à 70 centimes d’euros par mètres cubes épandus sans compter les tracteurs (ici des tracteurs en Cuma utilisés 700 heures par an), le transport et la main-d’œuvre. Tout compris, cela reviendrait à environ 1,20 €/m3, estime le président. La Cuma a fait une demande d’aide dans le cadre du PSN (Plan Stratégique National) qui pourrait améliorer encore ces données économiques. Le rendement instantané des chantiers doit atteindre un certain niveau ; en moyenne 150 m3/h, informe Christophe Mauchand.
La Cuma La Pierroise fer de lance !
Dans un secteur où l’élevage laitier est encore très dynamique, la Cuma La Pierrroise a été créée en 1992 autour de l’activité épandage (fumier et lisier). Elle s’est agrandie puis a fusionné avec l’autre Cuma de Pierre-de-Bresse en 2012. En 2018, la Cuma La Pierrroise lançait une réflexion sur la méthanisation collective. La SAS BioEnergie Pierroise était créée en 2019 et le méthaniseur mis en service en 2022. En 2024, la Cuma La Pierroise a réalisé un chiffre d’affaires de 346.092 € pour un total net au bilan d’environ 1,6 million d’euros. Elle compte 17 exploitations adhérentes et détient 56 machines agricoles pour un montant brut de 1,8 million d’euros.
Appel à candidature sur le Jura et les territoires limitrophes
Dans le Jura voisin, la Cuma Juracompost est en train de développer un projet de prestation d’épandage sans tonne sur le département du Jura et les territoires limitrophes dont la Saône-et-Loire. Le projet bénéficie du soutien de l’Ademe (Agence de la transition écologique), dans le cadre d’AgriQAir (Agir ensemble en agriculture pour la qualité de l’air et le climat). La démarche vise aussi à obtenir des données locales sur la volatilisation d’ammoniac au champ selon les modes d’épandages. Elle permettra d’accompagner les Cuma dans leur réduction des rejets d’azote ammoniacal, explique d’Éric Pelhate, chargé de mission Cuma BFC. L’objectif est d’atteindre un volume d’engagement de 20.000 mètres cubes. L’équipement serait semblable à celui détenu par la Cuma La Pierroise. Les adhérents doivent avoir un minimum de 300 mètres cubes à épandre par chantier. Le coût du chantier serait de 3,40 €/m3 avec un forfait installation de 150 € (renseignements auprès d’Éric Pelhate, Cuma BFC, 06.01.07.28.21).
Thème d’un webinaire
Le 14 mars dernier, la fédération des Cuma Bourgogne-Franche-Comté organisait un webinaire sur le thème de l’épandage sans tonne. D’autres webinaires thématiques sont régulièrement mis en ligne par le réseau Cuma régional. L’un d’eux était consacré au sur-semis de prairies.
https://www.youtube.com/watch?v=W-ZPOZ7O0wo
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