L’étiquetage nutritionnel des vins, nouvelle source de distorsions
Le Luxembourgeois Aly Leonardy est président du CEPV, l’organe qui représente les professionnels de la viticulture au sein de l’Assemblée des régions européennes viticoles (Arev) qui regroupe à la fois les professionnels et les régions viticoles. Dans son entretien, Aly Leonardy explique en quoi l’étiquetage nutritionnel des vins serait difficile à mettre en place et pénalisant pour les viticulteurs européens. Il se dit par ailleurs opposés à une renationalisation de la Pac et plutôt favorable aux accords commerciaux, en prenant garde aux risques d’importation massive, notamment du Mercosur.

La Commission européenne veut légiférer sur l’étiquetage nutritionnel des vins. Que pensez-vous de ce projet ?
Les quelque 60 régions viticoles de l’Arev sont particulièrement concernées par cette volonté de la Commission de légiférer sur l’étiquetage nutritionnel des vins. Celle-ci attend des propositions de tous les secteurs des boissons alcoolisées pour mars 2018. L’Arev prend acte du souci légitime de la santé des consommateurs. L’exigence de transparence de la composition des produits alimentaires est une donnée incontournable.
L’Arev entend toutefois faire reconnaître les spécificités du vin, qui n’est pas une boisson alcoolisée comme une autre : il n’est ni un produit industriel, ni un produit alimentaire assimilable aux autres. Fruit de terroirs variés sous des climats multiples, sa composition et les calories qu’il contient varient tous les ans.
Quelle petite ou moyenne exploitation viticole peut se permettre de changer pour chaque lot et tous les ans l’étiquette de ses bouteilles ? Quel exportateur de vin pourrait, sans surcoût, se plier à ces prescriptions qui impliquent une contrainte d’étiquetage multilangues ?
Quelles sont vos propositions ?
Le vin, produit « culturel » et produit « plaisir », justifie un traitement particulier et exige des mesures spécifiques. C’est pourquoi l’Arev est favorable à une approche pragmatique qui consisterait à indiquer les informations nutritionnelles hors étiquette sur le site du producteur ou sur un site web dédié.
De plus, avant d’imposer à nos régions européennes viticoles des contraintes d’étiquetage, ne serait-il pas plus pertinent, puisque le marché du vin est largement mondialisé, de demander à l’Organisation intergouvernementale de la vigne et du vin (OIV) de construire un étiquetage « normalisé » et applicable à tous ? Ainsi, nous éviterions de créer des distorsions de concurrences au détriment d’un des rares secteurs agricoles européens qui fonctionne encore globalement bien. Pourquoi les vins européens seraient-ils astreints à l’étiquetage nutritionnel et non les autres vins du monde ?
Concernant la Pac de l’après 2020, dans quel état d’esprit abordez-vous ce dossier ?
La viticulture de nos régions ne doit pas être la variable d’ajustement des difficultés budgétaires issues du Brexit. En effet, l’argent alloué par l’UE à sa viticulture pour la rendre compétitive dans la mondialisation génère un fort retour sur investissement : les performances annuelles de notre balance commerciale en sont une illustration.
L’Arev est aussi fermement opposée à toute renationalisation de la Pac comme à toutes mesures nouvelles de cofinancement qui viseraient cette orientation. En effet, ces mesures auraient comme conséquence une réduction des budgets. Or, ce n’est pas le moment de réduire les soutiens d’une des rares filières agricoles qui fonctionne encore globalement bien, alors qu’elle affronte des difficultés de production liées au changement climatique et des surcoûts liés à la gestion des risques, et aux exigences sociétales de durabilité des modèles de production (réduction de phytos).
Êtes-vous favorable aux accords commerciaux bilatéraux en cours de négociation ? Quelles conséquences prévisibles entrevoyez-vous ?
L’Arev attire l’attention de la Commission et de ses négociateurs sur les menaces liées à certains de ces accords pour la viticulture européenne. C’est notamment le cas avec le Mercosur et le risque d’importations, en provenance de cette zone, de gros volumes de vins « ordinaires » sur l’UE, qui ne manqueraient pas de fragiliser nos vins sans indications géographiques. Pour autant, l’Arev veut souligner son intérêt, dans ce cadre, pour une réduction des droits de douane à l’export, en particulier en ces temps de fermeté de l’euro.
Ces accords doivent aussi être l’occasion de conforter et développer la reconnaissance de nos indications géographiques, si déterminantes – parce que non délocalisables – pour la prospérité de l’économie de nos régions viti-vinicoles.