L'impact de la taille et des pratiques
restent préventifs. Outre le respect des mesures prophylactiques,
plusieurs spécialistes préconisent de revoir les modes de taille et
s'interrogent sur l'impact de certaines pratiques culturales.
La taille a fait l'objet de nombreux travaux en lien avec les maladies du bois. Des essais menés il y a quelques années ont montré que la taille tardive était inefficace contre la contamination par les champignons impliqués dans l'esca. Plus récemment, des expérimentations réalisées par plusieurs chambres d'agriculture n'ont pas mis en évidence une influence des tailles longues ou courtes. Mais un essai du Bureau national interprofessionnel du Cognac a conclu à un effet néfaste de la taille longue, qui fragiliserait les ceps, même si les symptômes sont réduits.
Plusieurs spécialistes préconisent de revoir les modes de taille, dont beaucoup seraient selon eux trop mutilants pour la vigne. C'est par exemple l'avis de Pascal Lecomte, chercheur à l'Inra de Bordeaux, et de François Dal, ingénieur à la Sicavac à Sancerre. "De mauvaises pratiques de taille engendrent des zones de bois mort, colonisées ensuite par les champignons responsables de l'esca", explique l'ingénieur. Il préconise une taille plus "respectueuse" de la vigne, la Guyot-Poussard : un bras avec courson, un bras avec baguette et courson sous la baguette. La baguette alterne chaque année de côté et le premier oeil de chaque courson doit être placé vers le bas.
Pour préserver une bonne circulation de sève, François Dal conseille de ne pas laisser du même côté baguette et coursons, afin de ne pas favoriser le développement de nécroses de l'autre côté, non ou mal alimenté. A bannir également : les plaies de taille rases, où le sécateur "mord" dans les vaisseaux de la branche et du tronc. "Le cep cicatrise en formant un cône de dessèchement. Plus le diamètre de la plaie de taille est grand, plus le cône est profond. A la longue, ces cônes sont isolés du bois sain par des « murs » et entravent le flux de sève", indique l'ingénieur.
Des vignes pas assez vigoureuses
Pour Philippe Larignon, spécialiste des maladies du bois à l'IFV, l'impact du mode de taille sur l'expression des maladies du bois n'a pas été démontré. Philippe Kuntzmann, de l'IFV Pôle Alsace, estime pour sa part, dans le magazine "Les Vins d'Alsace" d'avril 2014, que "la taille pourrait intervenir par un aspect rarement évoqué qui est celui de la charge en bourgeons et de l'équilibre par rapport à l'expression végétative/vigueur, une charge/conduite inappropriée pouvant conduire à l'épuisement de tout ou partie du pied ou bien à l'allongement excessif de la charpente par manque de vigueur."
L'ingénieur de l'IFV Alsace indique également un possible effet des pratiques culturales et des facteurs climatiques. Selon lui le développement "excessif" de l'enherbement dans le vignoble alsacien et une fertilisation insuffisante, conjugués à une baisse des pluies depuis le début des années 2000 ont provoqué une baisse de la vigueur alors que les rendements eux n'ont pas diminué. La mise en réserves de la vigne en aurait été impactée par une dégradation du rapport feuille/fruit et une photosynthèse moins efficace.
Pour François Dal de la Sicavac à Sancerre, l'état des réserves de la vigne a également son importance dans le développement des maladies du bois. Il estime que la vigne ne doit être "ni trop faible, ni trop forte" et que ses réserves doivent être "optimisées". Avant plantation ou complantation, l'ingénieur conseille par ailleurs de veiller à la qualité de la greffe des plants. "Celle-ci est très variable d'un lot de plants à l'autre, souligne-t-il. Si la soudure est mauvaise, tous les vaisseaux ne sont pas raccordés, cela génère des nécroses qui, associées aux conséquences d'une plaie de taille rase, peuvent faire mourir le pied avant ses 10 ans".
Plusieurs pistes explorées par la recherche
Jean-François Chollet, chercheur à l'université de Poitiers, a élaboré une stratégie de traitement foliaire associant un fongicide de contact modifié (de la famille des phénylpyrroles) et un stimulateur des défenses de la plante (dérivé d'acide salicylique). Ce traitement est capable d'être véhiculé par la sève élaborée pour passer ensuite dans le bois. Les tests in vitro ont montré une activité sur plusieurs champignons impliqués dans l'Esca. A l'Ensat de Toulouse, un autre chercheur, Alban Jacques, a constaté in vitro que l'eau ozonée avait permis d'éradiquer toutes les spores vivantes d'un des champignons impliqués dans l'Esca. L'eau ozonée, appliquée sur des plaies de taille de boutures d'un an, a entraîné la mise en place par la plante de mécanismes de défense. A Bordeaux, Jonathan Gerbore de la PME Biovitis et Patrice Rey de l'Inra travaillent sur la piste de la lutte biologique, avec un micro-organisme, Pythium oligandrum. Ils ont montré sur des boutures sous serre que P. oligandrum induit une résistance chez la vigne lorsqu’elle est attaquée par un des champignons associés à l'esca. D'autres scientifiques ont constaté que des champignons associés aux maladies du bois peuvent être présents, avec d'autres champignons et bactéries, chez des ceps sains n'exprimant pas de symptômes. Les raisons qui conduisent ces champignons à devenir dangereux pour la vigne restent encore à éclaircir.