L’impasse des 4 kg/ha/an de cuivre ?
Domaines en AB, la viticulture biologique en Bourgogne marque un « petit
ralentissement » en 2012. La climatologie n’a pas aidé. Le Sedarb
s’intéressait d’ailleurs aux doses de cuivre autorisées. L’institut
technique alerte déjà sur l’éventuel seuil réglementaire de 4 kg/ha/an non
lissé de cuivre. La CGAB, quant à elle, revenait sur la flavescence
dorée.
Le ton était donc donné. Autre "polémique", les doses de cuivre, prévues d’être abaissées à des doses de 4 kg/ha par campagne. « C’est un problème important de respecter ses 4 kg/ha en AB quand on voit les millésimes 2012 et 2013 en Bourgogne ». L’Etat n’a pas apporté de réponse définitive pour le moment. La Fnivab, la Fédération des interprofessions des vins en AB, se sont réunit pour « prendre une position nationale ».
Autant dire que le nouveau directeur du Sedarb, Pascal Lambert va avoir du pain sur la planche même si son travail sera plus axé sur « l’organisation générale » pour donner une « impulsion » aux filières techniques et aux échanges, « pour que tout ce qui bouillonne en terme de bio se passe ici ».
Petit ralentissement des conversions
La conseillère en viticulture, Odile Cadiou présentait d’ailleurs la photographie de la viticulture biologique en Bourgogne, que le Sedarb réalise chaque année. 269 domaines représentant 2.500 ha de vignes sont engagés dans les démarches et 1.680 ha sont déjà bel et bien certifiés AB. En revanche, « après de fortes croissances du nombre de domaines, 2012 marque un petit ralentissement ». Le Sedarb ne constate pas « d’arrêt significatif » mais simplement quelques « échecs de conversion ». Pour l’institut technique, il s’agit plus d’un besoin d’accompagnement à renforcer sur des « problèmes de déséquilibre de la plante, sur des échecs mildiou ou oïdium, sur l’entretien des sols… ».
Les surfaces sont tout de même en hausse de + 5% par rapport à 2011. Malgré des chiffres encore non consolidés, 2013 devrait présenter une tendance similaire « s’expliquant par une climatologie non favorable et un contexte économique plus difficile ». 15 nouveaux domaines se sont convertis (7 en Côte-d’Or, 5 en Saône-et-Loire, 3 dans l’Yonne). Au final, la Côte-d’Or est toujours le département en tête (14 % des surfaces). La Nièvre, l’Yonne et la Saône-et-Loire sont « en retrait ».
Laisser les viticulteurs gérer
Ce qui préoccupe vraiment la viticulture biologique est la possible nouvelle réglementation européenne sur l’utilisation du cuivre. La CGAB s’est déjà positionnée pour le maintien à 6 kg/ha/an en moyenne lissés sur 5 ans. « On a besoin de ces kilos lissés. Les viticulteurs gèrent déjà dans leur programme une réduction du cuivre lors des faibles pressions cryptogamiques. Mais, ils sont obligés d’en utiliser plus lors de fortes pressions », expliquait Odile Cadiou. La viticulture n’est pas la seule production concernée, l’arboriculture aussi par exemple. D’où l’alerte commune à plusieurs productions faite directement auprès du ministre de l’Agriculture.
4,8 kg/ha de cuivre en 2013
Et ce n’est pas le bilan de la campagne mildiou 2013 qui dira le contraire. En moyenne, 4,8 kg/ha de cuivre ont été nécessaires sur la campagne « difficile ». Un chiffre néanmoins en baisse par rapport à 2012. 13 passages ont été réalisés contre 13,6 en 2012. Au final, sur 11 ans, la moyenne atteint 4,4 kg/ha/an. Heureusement, sur la quarantaine de parcelles suivies, 76 % d’entre elles présentaient au final un état sanitaire « satisfaisant » sur feuilles et seulement 3 % des parcelles avaient un état de feuillage « peu satisfaisant ».
D'abord prospecter contre la flavescence
La tension montait d’un cran à l’annonce du sujet suivant à l’ordre du jour : la flavescence dorée. L’heure était pourtant visiblement à l’apaisement et à la construction. « La lutte ne passe pas uniquement par la lutte contre le vecteur mais est appuyée par la prévention, les méthodes prophylactiques (arrachage pour diminuer le potentiel infectieux dans les parcelles) et dans certains cas, les bios sont amenés à traiter (Pyrévert®). Nous travaillons à trouver d’autres produits alternatifs contre la cicadelle en AB ». Dans un essai mené par le Dedarb, les traitements à base d’argibio, de silical ou encore à base d’huile de Neem ont été évaluées.
Les trois traitements Pyrévert® permettent une efficacité de 100 % contre la cicadelle. Ce qui n’est pas le cas, loin de là, pour les alternatives. Ce que confirmait, Guillaume Paire, de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire qui a mené des essais au Vinipôle Sud Bourgogne. « En conclusion, l’efficacité sur larves des pyrèthres naturels est identique à celle, très satisfaisante, des références chimiques (Cicador) et ce dès la première application ». Peu sélectif, sur quatorze parcelles bios, l’impact sur les populations de typhlodromes montre une chute après le premier traitement Pyrévert mais après, les résultats sont « variables » avec des chutes et des hausses des populations de typhlodromes.
Sortir des polémiques
« Est-ce qu’on cherche à supprimer le vecteur ou à limiter la dispersion de la maladie ? », demandait une viticultrice. De la Fredon Bourgogne, Charles Chambin réexpliquait « chercher à limiter les risques de contamination dans les années à venir et éradiquer la maladie là où c’est possible ». Emmanuel Guillot ré-insistait sur l’importance de la prospection. Emmanuel Giboulot demandait toutefois si « la relation entre l’apparition de la maladie et les conditions de culture », avait été posée.
Pour le nouveau Collectif de Vigneron contre la flavescence dorée en Bourgogne (Comprendre pour Agir), Alec Seysses du Domaine Dujac (Morey Saint Denis) expliquait que cette « maladie est grave et met en danger la viticulture. Personne ne doit attendre de la voir arriver à ses portes pour faire quelque chose. Car c’est loin d’être bénin d’arracher ». Un fait que venait confirmer le témoignage d’Eric Giroud d’Uchizy, qui a arraché 2,60 ha au printemps 2013. « C’est la troisième année de lutte pour nous. Il faut rassembler tout le monde et calmer le jeu ». En voisin, Emmanuel Guillot lui apportait son soutien : « quand on voit le foyer, c’est dramatique. Il y a eu beaucoup d’émotionnel et d’articles polémiques. C’est dommageable pour l’image de l’ensemble de la Bourgogne. Il faut en sortir rapidement ».
« A 4 kg/ha/an, ça ne passe pas ! »
De l’IFV de Beaune, Cécile Berthier venait « argumenter » sur la nécessité de maintenir les doses actuelles autorisées de cuivre, face pourtant à « la France qui porte le dossier européen pour 4 kg/ha/an ». Selon les rapporteurs, les « risques sont "acceptables" jusqu’à huit applications par an maximum de la dose de 0,5 kg/ha », « sauf pour les oiseaux vermivores », mangeant des vers de terre, « en raison du risque d’empoisonnement secondaire ».
Cécile Berthier critique la méthodologie retenue par l’Efsa en 2008, « puisque c’est la disponibilité du cuivre qui importe et non les taux de cuivre dans le sol, qui varient naturellement ». Idem sur la faune, la « présence des oiseaux et leurs activités dépend plus du contexte paysager que du vignoble puisque les oiseaux nichent dans les arbres plutôt que dans des milieux ouverts », faisait-elle remarquer, suite à des discussions avec Gilles Sentenac, suivant le dossier Avifaune à l’IFV.
L’enquête nationale de l’IFV, sur les cinq derniers millésimes, auprès de 424 vignerons bio (12,4 % des surfaces certifiées en France) a démontré une « amplitude » dans l’utilisation de cuivre au sein même des régions. Point positif : des « marges de progrès » restent à saisir. Point négatif : « on a besoin de garder les 6 kg/ha/an lissés sur cinq ans », prévient la chercheuse, voyant poindre une « impasse pour assurer une récolte ».
Pour preuve, en Bourgogne, la proportion des vignerons bios utilisant plus de 6 kg/ha/an de cuivre en 2008 et 2010 est de l’ordre de 25 % des domaines ; 50 % même en 2012. 75 % dépassent les 4 kg sur 2012.
Au final, avec ces campagnes compliquées à répétition, de « 2 à 10 % » des exploitations bios en Bourgogne dépassent le total de 30 kg/ha sur 5 ans. « Ça ne passe pas même sur temps lissé », met en garde Cécile Berthier.
En 2012, les pertes de récolte imputées au mildiou en AB, sont estimées de 15 à 25 % en Bourgogne.
En attendant le dénouement de cette réforme du règlement européen, la spécialiste présentait des résultats sur l’utilisation des phosphanates qui pourraient être autorisés bientôt en AB. Il s’agit d’une « une molécule de synthèse ». Du coup, il y a « débat » interne. La Fnab et l’Itab se sont positionnés contre mais l’Allemagne les a autorisés. Ce "biostimulant" est absorbé par les racines et les feuilles et inhibe ensuite la germination des spores tout en stimulant les défenses de la plante, estiment les Allemands. Son efficacité est « satisfaisante » en mildiou mais pas sur oïdium (50 % d’efficacité) et seulement en cas de faible pression et associé avec des produits de contact homologués.
Recherche d’alternatives au cuivre
Le Sedarb n’est pas en reste côté recherche d’alternative au cuivre. Ces essais mildiou avec des préparations à base de plantes (tisanes, extraits fermentés, hydrolats alcooliques…) associées au cuivre permettent un léger (5 à 11%) « gain d’efficacité ». C’est le cas pour le PréVam (Limonème d’Orange) qui vient d’obtenir son homologation (sur mildiou et oïdium).
« Voies d’avenir », les sucres pourraient être source d’énergie pour la plante, influenceraient les stomates et auraient un rôle de signalisation un peu comme les hormones… permettant à la plante de se défendre.
Enfin à Santenay, les essais de microdoses de sucres se poursuivent, laissant entrevoir pour l’heure, des modalités intéressantes malgré de fortes pressions cryptogamiques.