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Vins de Bourgogne

L’incertitude en 2012

Mercredi à Beaune, l’interprofession des vins de Bourgogne (BIVB) tenait
son assemblée générale. Les chiffres 2011 sont « rassurants », en
revanche, 2012 est « incertain ». Le négoce met déjà en avant la
dégradation des carnets de commandes et la vigilance économique est de
mise…
Par Publié par Cédric Michelin
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Bourgogne, Beaujolais, une longue histoire... « Cette complexité réglementaire - qui nous unit depuis longtemps - est aujourd’hui source de tensions ». Avant de laisser la place à Pierre-Henri Gagey en tant que président du BIVB, Michel Baldassini ne cachait pas son inquiétude au sujet de la nouvelle appellation de la "Grande Bourgogne", les coteaux bourguignons.
En cause, le "vide" dans le cahier des charges qui permet de planter des pinots noirs - aidés par des fonds de FranceAgriMer dans le cadre de la restructuration du vignoble en crise - dans les parcelles beaujolaises destinées à cette appellation. Après le blanchiment du Beaujolais, une nouvelle fois, la crainte des professionnels bourguignons est de ne pouvoir maîtriser les volumes repliés en appellation régionale crémant de Bourgogne, lesquels risqueraient par voie de conséquence de « déséquilibrer » l’ensemble des marchés des appellations régionales. « Si la Bourgogne n’a pas fait d’erreur, il serait regrettable que d’autres en fassent pour elle ! », concluait-il sur ce sujet. Une réunion est prévue le 25 janvier.

Chablis reste


Si les relations se tendent au Sud, au Nord, elles vont mieux. Le BIVB a reconnu « la spécificité de Chablis » et leur a « délégué leur communication ». Désormais, une commission chablisienne a la « délégation de gestion d’un budget correspondant à 50 % des cotisations versées sur les volumes de vins commercialisées ». Chablis reste dans l’interprofession, mais, une brèche est apparue…
Aussitôt, l'UPECB (Union des producteurs et élaborateurs de crémant de Bourgogne) soulignait ne pas avoir « envie de sortir du BIVB », mais « réitérait » par la voix de son président, Georges Legrand sa demande « de revenir à la cotisation correspondante à notre catégorie » ou celle d'une prise en charge de « la majeure partie de notre communication ». Ce en quoi, Michel Baldassini rappelait le souhait initial de l’UPECB d’intégrer « l’échelon 2 des cotisations régionales, malgré tout, toujours plus basse qu’auparavant ».
Après « beaucoup de difficultés », le BIVB a pourtant dégagé une ligne "produit", budgétisée à hauteur de 300.000€ cette année, et de 600.000 € l’an prochain. Ces communications "produits" concernent l’ensemble des appellations et s’affichent actuellement. Les régionales en bénéficient cette année, fruit d’un « un arbitrage entre les ODG Bourgogne, Mâcon et Crémant ». La clé de répartition a été définie en fonction de l’ensemble des surfaces que représente chacune des trois ODG. Ne voulant pas fermer la porte aux débats, Michel Baldassini anticipait « les discussions sur les "cinq étages" des cotisations qui reprendront en fin 2012 pour d’éventuels nouveaux taux en 2013 ».

Chiffres rassurants en 2011


Reprenant au nom du négoce le poste de président de l'interprofession, Pierre-Henri Gagey dressait un tour d’horizon de la situation économique en 2011. En résumé, l’export est en hausse et, en France, les ventes en grande distribution augmentent (+23 % en volume), sauf l’aligoté.
Mais derrière ces bons chiffres, se cachent des nuances : les Etats-Unis sont « toujours un peu en retrait » ; la Suisse, le Canada et le Japon « se portent bien ». L’Europe est « moins brillante » avec une Angleterre qui « ne va pas fort », ce qui est également vrai pour la Belgique. Le Danemark et l’Allemagne « semblent aller mieux ». « La bonne surprise » vient des marchés émergents, avec en tête Hong-Kong, la Chine, Taiwan. L’Inde est encore un « petit » marché. L’Australie, les Emirats, la Turquie, la Suède aiment les vins bourguignons. La Corée peine à décoller malgré les Jeux Olympiques.

Ralentissement "sec" en 2012 ?


En amont des marchés, entre viticulteurs et négociants, l’activité se stabilise pour se rapprocher des records de 2006, 2007 et 2008. Les sorties propriétés ont atteint 1,5 million d’hectolitres (hl), soit l'équivalent d'une année de récolte.
Une situation « saine » et un « équilibre » permettant d’envisager une stabilité des cours en 2012, « souhaitable dans le contexte de crise. Des hausses de prix enverraient un message négatif à nos clients ». Président de la Fédération des négociants-éleveurs de Grande Bourgogne (Fneb), Louis-Fabrice Latour allait plus loin : « depuis la vente des Hospices de Beaune, le commerce ralentie "sec", notamment aux Etats-Unis et en Angleterre. Soyons prudents, nous entrons dans une nouvelle phase de la crise ».

Sablier des ventes


Un constat partagé par Frédéric Volle, expert économique auprès de FranceAgriMer, qui avait la difficile mission de « caractériser l’impact de la crise sur la filière bourguignonne en 2012 ». Sans certitude, il s’intéressait à quelques signaux. Avec la crise, « la hausse des flux mondiaux de vins en vrac cache une consommation à bas prix. Les consommateurs cherchent des promotions, déclenchant de véritables guerres de distributeurs en Angleterre et un peu aux Etats-Unis ». Du coup, les vins de milieu de gamme se vendent moins. D’une pyramide des ventes, on passe à un sablier où seuls les entrées de gammes et les crus trouvent acheteurs.
Pour comprendre ce changement dans l’acte d’achat, Frédéric Volle conseille de regarder l’évolution du prix du baril de pétrole et des matières premières qui « augmentent durablement », impactant « structurellement » le budget « paupérisé » des familles. Cela impacte également, les coûts de revient à la production et donc les marges. Pour lui, les cours de l’or sont le reflet de « la confiance des opérateurs dans l’économie ». La récente baisse serait plus liée à des prises de bénéfice en cette période des bilans de fin d’année.

Hausse des taxes sur le vin


Enfin, les dettes souveraines laissent augurer une « crise durable avec de profondes mutations » puisque ces crises étatiques touchent nombre de pays producteurs de vins (Etats-Unis, Espagne, Italie, Grèce, France). Pour résoudre en partie ces déficits publics, une « taxation » des vins est annoncée un partout à la hausse dans le monde (Etats-Unis, Royaume-Uni, Russie…).
Mais cela n’est pas la seule conséquence. La filière vitivinicole va connaître des achats-fusions-acquisitions, prédit le consultant. « La dévaluation de l’euro est un moteur pour l’exportation, mais baisse aussi la valeur globale de vos actifs et ouvre la porte à des rachats », mettait en garde Frédéric Volle, se tournant là, plus particulièrement vers les négociants qui n’auraient « pas la structure suffisante pour aller sur des marchés lointains » où se trouve la croissance future. « De grands groupes financiarisés (Diego, Pernod-Ricard, Jeanjean, Boisset) répartissent les risques en se diversifiant » en ce moment. D’autant que le Chili est moins compétitif.

Récession, puis molle reprise


L’année 2012 devrait malheureusement débuter par une « récession » suivie d’une reprise « molle au deuxième semestre » avec d’un côté des pays émergents - dont la croissance tournera autour des 6 % - et de l’autre côté, des pays développés dont la croissance peinera autour des 2 % avec des taux de chômage importants.
La filière s’en retrouvera bouleversée et, dans le reste du globe, opportunité ou menace, la baisse du prix du foncier viticole signale « un changement de paradigme » faisant qu’aux Etats-Unis ou en Nouvelle-Zélande, « la vigne n’est plus une valeur refuge ». Ce qui reste à nuancer en Bourgogne…

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