L'indispensable organisation
Eviter la dispersion
Et parmi les défis qui attendent la profession, il y a la nécessité impérieuse de mieux organiser la filière. « L’organisation reste indispensable pour structurer un marché durable à des prix rémunérateurs », affirmait avec conviction Jean-Michel Morel. « Les éleveurs ont aujourd’hui la main pour imposer aux opérateurs de l’aval et à la grande distribution de réajuster les prix d’achats des animaux sur les coûts de production », poursuivait le président. Un rapport de force qui ne pourra pas être gagné dans la dispersion.
Convaincus de cela, les responsables successifs de l’association Elvéa 71 - 58 n’ont pas attendu pour bâtir ce qui est devenu une véritable OP (organisation de producteurs). Mais la tâche n’a jamais été simple car le choix du commerce privé par les éleveurs n’a pas la faveur de tous. Si Elvéa 71 - 58 compte aujourd’hui 500 adhérents, il faut savoir qu’il demeurerait 50 % des éleveurs saône-et-loiriens qui n’adhèreraient encore à aucune organisation. Une situation que regrettent les promoteurs d’Elvéa. Parmi ces non adhérents figurent les adeptes des marchés au cadran, lesquels ne souhaitent pas rejoindre les associations. Mais il y a aussi tous ceux qui, commercialisant de façon très libérale, n’adhèrent à rien du tout. Un comportement surprenant au regard des avantages sécurisants procurés par une organisation telle qu’Elvéa.
Une OP à part entière
Car avec un staff de seulement quatre techniciens pour un peu plus de 36.000 animaux commercialisés, l’organisation n’est pas un vain mot à Elvéa 71 - 58. Depuis des années, éleveurs et acheteurs ont su s’unir au sein de l’association. Chaque trimestre, une commission d’orientation dresse un bilan des ventes passées, analyse le marché, constate la demande et fait remonter ses conclusions aux adhérents. Grâce à un logiciel spécifique, Elvéa recueille les données commerciales de ses éleveurs auprès des principales entreprises du collège acheteurs. Comme les autres OP, Elvéa 71 - 58 est engagée activement dans des filières de qualité (Charte des bonnes pratiques, Hérédia non OGM, Charolais de Bourgogne, label rouge Charolais Terroir…). Et pour palier l’un des principaux inconvénients du commerce privé, l’association a mis en place une garantie de paiement, véritable assurance collective contre les éventuelles faillites ou impayés. 208 éleveurs ont contracté cette garantie en 2011 et les 18 plus importantes entreprises du collège acheteurs jouent le jeu.
Parcours d’embuches
Malgré le volontarisme dont font preuve les adeptes du commerce privé en s’organisant de la sorte (lire encadré ci-dessous), c’est un véritable chemin d’embuches qui est infligé à l’association des éleveurs. En dépit de ses efforts, son statut d’OP est régulièrement menacé. Plus que toute autre, les associations d’éleveurs sont en effet obligées de faire leur preuve, de revoir leurs copies, de montrer patte blanche ! Et dans une réforme gouvernementale, comme la loi de modernisation agricole, la cause des associations et du commerce privé ne semble pas particulièrement prise en compte. Conséquence directe de cela : Elvéa 71 - 58 ne parvient pas à mettre en place une section ovine parce que pour être agréée par le ministère, cette dernière est tenue de compter au moins 40.000 animaux commercialisés par an. C’est l’orientation prise au national que de favoriser les plus importantes structures et empêcher une association comme Elvéa de se positionner sur de l’approvisionnement local faute d’être reconnue, déplore Jean-Michel Morel. Discutable, ce seuil des 40.000 animaux ne gênerait pas que les associations. Certaines coopératives ont également été contraintes de se regrouper pour faire face, quand d’autres demandent des dérogations, rapportait Jean-Michel Morel.
Vigilants sur la contractualisation
Dans le même ordre d’idée, les commerçants privés du collège acheteurs ne cachent pas leur crainte vis-à-vis de la contractualisation : « toujours d’actualité, elle ne pourra se mettre en place que si tous les acteurs de la filière y trouvent leur compte. Nous devons rester vigilants », estimait pour sa part Gilles Danière.
Tandis que l’agriculture tente de s’adapter aux grands enjeux qui se posent à elle, le sort des associations donne parfois le sentiment d’être scellé par certains. Avec les moyens qui sont les siens, Elvéa 71 - 58 fait valoir ses arguments et défend le commerce traditionnel. Loin de courir après les bénéfices - le dernier exercice est déficitaire -, l’association des éleveurs s’est vu obligée de demander un effort de cotisation à ses adhérents. Une demande qui a été acceptée par les éleveurs soucieux de soutenir leur OP dont ils mesurent les avantages et le bien-fondé.
Saône-et-Loire et Nièvre unies
Loin de vouloir s’isoler dans son coin, les associations se serrent les coudes, que ce soit au sein de l’Acequal, qui regroupe 21 d’entre-elles et gère les filières de qualités, ou au sein d’Elvéa France, la fédération des associations d’éleveurs. Depuis janvier 2012, les associations de Saône-et-Loire et de la Nièvre ont fusionné pour former Elvéa 71 - 58. Une cinquantaine d’éleveurs nivernais ont ainsi rejoint leurs collègues saône-et-loiriens et une technicienne a été embauchée pour couvrir ce nouveau secteur. Avec cette fusion, la zone nivernaise a ainsi pu accéder au statut officiel d’OPNC (Organisation de producteurs non commerciale). Les adhérents profitent désormais de tous les services mis en place en Saône-et-Loire.
Une gamme étendue qui prouve encore qu’Elvéa n’a pas à rougir face aux autres OP : un logiciel informatique de gestion des troupeaux et des ventes qui se modernise au fil du temps ; un appui commercial et génétique ; la réalisation des plans de fumure et cahiers d’épandage ; la réalisation gratuite des dossiers Pac…