L'innovation en marche
s’est déroulé le 19 octobre à Dijon. Au programme, deux tables rondes
auxquelles ont participé plusieurs professionnels de Bourgogne et
Franche-Comté. Retour sur celle de la matinée qui avait pour thème
"l’emploi en milieu rural, sa place et ses enjeux".
Un déficit d’image…
L’intercommunalité peut-elle être l’un des moyens d’appréhender la question de l’emploi en milieu rural ? C’est, semble-t-il, l’avis du maire de Mont-Saint-Vincent, pour qui : « le monde agricole est l’un des secteurs économiques ayant connu depuis 50 ans une évolution comparable à aucun autre secteur d’activité, que ce soit en terme de mutation de l’emploi comme de déplacement de l’emploi ». Si hier les emplois étaient surtout sur les exploitations, ils se sont aujourd’hui en partie déplacés sur des structures périphériques. La spécificité du monde agricole –avec ses activités saisonnières– est d’engendrer un nombre conséquent de contrats à durée déterminée. D’où certaines difficultés à fidéliser et retenir localement des salariés en recherche d’emploi. D’autant que, rappelle Gilles Duquet, « on ne sait plus très bien ce que veut dire le métier d’agriculteur et la connaissance qu’en a le grand public passe encore trop souvent par une image vieillotte et passée de mode ». Un sentiment partagé par Jean-Michel Loiseau, pour qui « il faut sensibiliser les jeunes scolaires dès le moment de leur orientation. Les médias véhiculent encore trop l’image de commis de culture et d’agriculture polluante ».
Au-delà de ce déficit d’image, il n’est pas toujours facile de recruter des personnes compétentes en CDD, sur des métiers spécifiques. L’agriculture aurait, selon le représentant syndical CGC, « tout intérêt à mener un travail sur elle-même, à l’image de ce qui s’est fait il y a une quinzaine d’années dans le secteur du bâtiment, qui a su depuis, revaloriser ses métiers, notamment par de meilleurs salaires et des compétences accrues… ».
L’avenir aux groupements d’employeurs ?
Si les services de remplacement répondent à des besoins de main d’œuvre pour motifs essentiellement sociaux, comme la maladie, l’accident, la formation, les congés, la paternité ou la maternité, de plus en plus de groupements d’employeurs (GE) voient le jour - avec comme intérêt principal pour l’exploitant - d’embaucher au plus proche de ses besoins. Jean-Paul Bouveresse a témoigné de son expérience sur le sujet : « l’objectif est bien d’offrir ainsi en CDI l’équivalent d’un travail temps plein, qui permettra au salarié de s’installer et investir localement. Les inquiétudes du début se sont envolées, le système est tout à fait compatible avec un service de remplacement… On est dans le même bateau et on a tout intérêt à s’entendre. Pourquoi même ne pas aller plus loin et avoir des salariés communs ? ».
Une intervention au diapason de celle de Jean-Louis Lopez, qui a rappelé que le GE permettait à des employés de l’entreprise de cumuler un travail dans l’agroalimentaire à l’automne, période de pointe, tout en travaillant chez des horticulteurs l’été. Pas toujours facile pour autant de conjuguer emplois public et privé, comme le soulignait Francis Letellier, président de la FRSEA Bourgogne mais aussi membre d’un groupement d’employeurs local en Puisaye dans l'Yonne : « ma commune de 500 habitants compte deux salariés en emploi aidé. Le problème est aujourd’hui que le statut d’un salarié communal n’est pas le même que celui d’un salarié classique et on se heurte en la matière à la législation. Pour exemple, aucun ne conduit la débroussailleuse de la Cuma, à laquelle adhère la commune et, cette année, pas de débroussaillage ! ».
Agriculteur en Haute-Saône et employeur de main-d’œuvre, Philippe interpelle la tribune : « CDD, CDI, GPE. Tous les acteurs de ces secteurs sont différents et les intérêts de chacun pas tous identiques. Doit-on aujourd’hui promouvoir la multiplication des emplois en CDI ou multiplier le nombre d’exploitations… ? ». Un sujet qui n’est pas sans conséquence sur l’avenir même de l’agriculture.
Le mot de la fin revenait à Alex Sontag, directeur de la FRSEA de Franche-Comté et administrateur d’un GE : « soyons suffisamment mûrs pour ne pas opposer les systèmes et les gens les uns aux autres et essayons avant tout de rendre service ! Le salarié est une solution, le Gaec ou les Cuma en sont d’autres, tous ces systèmes doivent cohabiter, ayons l’intelligence de le faire dans le respect de chacun ! »
DOMINIQUE BERNERD
En Bourgogne, l’emploi agricole a le vent en poupe
Il existe 20.300 exploitations agricoles en Bourgogne, dont 7 sur 10 en viticulture, élevage, bovin ou grandes cultures. Mais le paysage agricole bourguignon reste très riche d’autres secteurs de production plus petits et de plus en plus d’exploitations développent des activités de diversification, souvent plus gourmandes en main d’œuvre salariée.
L’agriculture concentre 5 % des emplois et de la valeur ajoutée de la région, ce qui place la Bourgogne parmi les cinq premières régions agricoles françaises.
43.100 actifs permanents travaillent au sein des exploitations agricoles bourguignonnes, dont plus de 21,5 % sont salariés (soit près de 9.300 salariés).
Malgré une forte diminution du nombre d’exploitations (-23 %), la surface agricole utile reste stable et le nombre de salariés agricoles a progressé de +6 % dans la région entre 2000 et 2010 (principalement en viticulture et dans les activités de diversification).
Les salariés permanents fournissent 91 % du travail salarié, tandis que la proportion de travail réalisé par la main d’œuvre saisonnière (essentiellement en viticulture) est en baisse (-5 % entre 2000 et 2010). 3.850 exploitations emploient des salariés permanents hors cadre familial.
Source : Recensement agricole 2010 Draaf
En Franche-Comté, le salariat agricole trouve un renouveau à travers l’emploi partagé
Il existe 9.740 exploitations agricoles en Franche-Comté, dont 3.500 en production laitière, 500 en grandes cultures et 250 en viticulture ; 3 exploitations sur 5 élèvent des bovins.
20.000 personnes travaillent régulièrement dans les exploitations.
Malgré l’agrandissement des structures, le nombre d’unités de travail annuelles (équivalents temps plein) reste stable : en moyenne 2 UTA par exploitation.
On constate une forte diminution des emplois familiaux : -37 % des effectifs en dix ans. Plus de la moitié des conjoints n’a pas d’activité sur l’exploitation, ce qui encourage les exploitants à se tourner vers l’emploi de salariés.
Le nombre de 1.250 salariés permanents est peu élevé, mais on observe un développement du travail salarié, avec 400 salariés supplémentaires en dix ans.
6 % du travail est apporté par de la main-d’œuvre saisonnière ou occasionnelle.
La Franche-Comté est la première région pour le recours aux services de remplacement, ce service est utilisé en moyenne, 15 jours par an, par exploitation utilisatrice.
L’emploi partagé se développe fortement, notamment par le biais de Desfi dans le Jura et du Groupement d’employeurs régional multisectoriel, qui emploient à eux deux, plus d’une centaine de salariés.
Source : Recensement agricole 2010 Draaf