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Production laitière

La baisse des prix plausible

Le décalage entre la consommation et la production de lait plombe les
prix depuis plusieurs mois et entraîne un excédent sur le territoire
français. Les PME se voient dans l’obligation de dégager ce surplus de
lait sur un marché spot aux prix dégradés, et les coopératives ont du
mal à maintenir leurs contrats avec les industriels. Conséquence, des
entreprises réduisent leurs approvisionnements en arrêtant partiellement
leur collecte.
Par Publié par Cédric Michelin
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Après avoir atteint des sommets en 2011, les prix du lait, tant industriels que ceux payés aux producteurs, connaissent une dégradation prononcée depuis plusieurs mois. En cause, les volumes produits toujours plus importants et un ralentissement de la consommation mondiale. Ce repli n’a pas seulement un impact direct sur la rentabilité des exploitations, mais aussi sur la viabilité des entreprises qui les collectent. Le 2 juillet, la FNPL demandait d’ailleurs à l’interprofession d’« approfondir le diagnostic des forces et des faiblesses de la transformation ». « De trop nombreux producteurs de lait sont en situation délicate face à des entreprises qui disent ne plus être en mesure de les collecter », s’inquiétait alors la fédération.

Contrats rompus


En Haute-Normandie par exemple, la CLHN (Coopérative laitière de Haute-Normandie) rencontre des difficultés à maintenir ses débouchés. La coopérative disposait jusqu’au 30 juin de contrats d’achat sur 5 ans pour 230 millions de litres (collectés auprès d’environ 500 éleveurs) livrés à plusieurs entreprises. Seulement, les clients de ces contrats refusent désormais une partie du lait, faute de marché suffisamment porteur. Ainsi, Danone n’a repris que 60 millions de litres sur les 85 préalablement négociés, Novandie n’a reconduit ses approvisionnements que sur 56 millions de litres (contre 90 millions auparavant), et Bongrain a refusé entre 30 et 35 millions de litres. Finalement, les éleveurs ont tous trouvé des débouchés en négociant des contrats annuels, mais à des prix dégradés, basés sur la cotation beurre-poudre. « On entend des prix entre 240 et 225€ par 1.000 litres », raconte Manuel Gavelle, président de section régionale laitière de Haute-Normandie.

Les surstocks pèsent sur la rentabilité


Début 2012, c’était la petite PME Forez-Fourme (département de la Loire) qui déposait le bilan faut de débouché pour son lait. Les 70 producteurs des 10 millions de litres livrés à l’entreprise ont donc dû se tourner vers Inalpi, un industriel italien, pour écouler leur lait. Mais fin mars, leur nouveau collecteur a réduit le prix d’achat de 50€/1 000 litres, pour finalement dénoncer le contrat fin juin sur un critère de qualité. « Depuis, le lait est vendu à un prix dégradé de 100€/1.000l (à 220- 230€) », regrette André Bonnard, président de la section régionale laitière Rhône-Alpes. En mai, et en Auvergne cette fois-ci, c’est la fromagerie Dischamp qui a dû mettre fin à une partie de sa collecte. De nouveau, c’est l’excédent de lait qui pesait sur la rentabilité de l’entreprise qui a motivé cette décision. Au niveau national, « un million et demi de litres de lait flottant pèsent sur le marché », estime Manuel Gavelle.

Investir pour trouver des débouchés


Seuls des investissements « dans des outils de séchage et de commercialisation » permettraient d’enrayer ces arrêts de collecte, et maintenir l’activité des PME du secteur laitier, assure Manuel Gavelle. Ainsi, les entreprises seraient en mesure de valoriser leur excédent de lait et de leur trouver des débouchés. Pour y parvenir, le président de la section régionale laitière de Haute-Normandie préconise des alliances avec les autres entreprises du secteur, et ce, dans le but de maintenir les volumes nationaux. Car « il n’est pas question de réduire la voilure, il ne faut pas céder face aux autres pays européens », maintient Manuel Gavelle. En attendant la concrétisation de tels partenariats, André Bonnard espère mettre en place une caisse de solidarité dans le bassin du Sud-Est pour venir en aide aux éleveurs qui ne trouvent plus de repreneur. « Nous allons demander aux producteurs des autres filières de verser une cotisation pour permettre aux éleveurs de passer le cap et à leur famille de faire leurs courses », ajoute-t-il.


Manifestation en Europe



Plus de 2.500 éleveurs laitiers britanniques ont manifesté à Londres le 11 juillet pour protester contre les récentes baisses du prix du lait. « Il y a une colère et une frustration sans précédent chez les éleveurs », déclarait d’ailleurs la national Farmer’s Union ce 6 juillet. « Nous demandons aux coopératives de revenir sur les baisses du prix payé aux producteurs », continuait le texte. Fin juin et début juillet, plusieurs coopératives britanniques ont annoncé une baisse drastique de leur prix d’achat de matières premières aux producteurs laitiers. Parallèlement, une pétition sur Internet était lancée avec une revendication similaire. Le 12 juillet, plus de 8.300 éleveurs avaient déjà signé le document. Par ailleurs, des producteurs laitiers européens de l’European Milk Moard (EMB) ont manifesté mardi 10 juillet à Bruxelles, déversant quelque 5.000 litres de lait devant le Parlement Européen pour dénoncer la surproduction qui fait chuter les prix. L’organisation européenne a rappelé aux eurodéputés ses revendications : une réduction volontaire de la production en échange d’indemnisations versées aux producteurs et la mise en place d’une agence de surveillance européenne afin de rééquilibrer les marchés laitiers.