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Droits de plantation

La Bourgogne en force à Bruxelles

250 élus et représentants des régions viticoles de l'Europe sont allés le
7 novembre dernier dire "Non" à la disparition des droits de
plantation, assimilée à un démantèlement de la viticulture européenne.
Parmi eux une forte délégation de la région Bourgogne s'est associée au concert des protestations.
Par Publié par Cédric Michelin
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On saura dans quelques semaines si la mobilisation a convaincu. En tout cas, les régions européennes viticoles sous la bannière de l'AREV (Association des régions européennes viticoles), s'en sont donné les moyens. 250 représentants politiques et professionnels de la viticulture, venus de 40 régions de 13 pays d'Europe ont convergé le 7 novembre dernier vers Bruxelles, pour dire très symboliquement et très fermement « Non » à la disparition des droits de plantation. Une décision assimilée à un véritable démantèlement de la viticulture européenne. Chaque élu, président de Région, vice-président ou ministre de l'Agriculture des territoires viticoles européens, a pu rappeler à la tribune les raisons de cette mobilisation sans précédent pour le maintien des droits de plantation. Une cause qualifiée par Michel Dantin, député européen pour la France, de « vitale pour l'avenir de la viticulture européenne ».


Dans l'attente d'une nouvelle proposition législative



La Bourgogne, emmenée par François Patriat, président du Conseil régional accompagné d'une délégation d'élus et de professionnels agricoles et viticoles, était fortement représentée. François Patriat s'est fait le porte-parole « d'une filière qui représente des centaines de milliers d'emplois et porte haut les couleurs des régions viticoles ». Tout en rappelant « que les droits de plantation constituent un outil de régulation qui ne coûte rien » et que « c'est une utopie de croire que le marché s'équilibre : ce n'est pas vrai pour le lait et c'est encore moins vrai pour le vin ! ». Ce projet « mortifère » doit donc être abandonné.
Tous les protestataires qui se sont déplacés à Bruxelles représentaient une grande diversité de cépages, de traditions et de territoires, mais c'est d'une seule voix qu'ils se sont exprimés dans la déclaration finale de l'AREV, en demandant à la Commission de faire une nouvelle proposition législative et de réintroduire l'encadrement du potentiel de production par des droits de plantation, pour toutes les catégories de vin, dans tout les Etats membres.


« Une bombe à retardement »



Certains élus de Bourgogne prédisent avec la disparition des droits de plantation, le retour des surproductions chroniques, une diminution de la qualité, des chutes de prix, des baisses de revenus pour les viticulteurs. Sans parler des conséquences environnementales d'un productivisme débridé qui constitue pour beaucoup, et pour les élus Verts en particulier : « une véritable bombe à retardement ».
Jean-Michel Aubinel, président de la CAVB relevait que la régulation actuelle permet d'éviter l'arrivée massive d'investisseurs et préserve les droits des jeunes agriculteurs qui bénéficient de contingents spécifiques.
FNSEA et JA avaient aussi fait le déplacement à Bruxelles, enjoignant la commission européenne « de ne plus faire la sourde oreille et de faire sans délai des propositions concrètes sur le maintien d'une politique de régulation pour l'ensemble des segments des marchés viticoles ».
Pour sa part, le Parlement européen devrait répondre favorablement aux attentes des régions viticoles européennes. C'est en tout cas le sens des interventions de deux parlementaires européens à la tribune, Michel Dantin (France), rapporteur de l'OCM unique et Astrid Lulling (Luxembourg), présidente de l'Intergroupe viticulture. Au terme d'un intervention particulièrement applaudie, cette dernière a assuré les représentants viticoles du soutien du Parlement européen, un Parlement « qui a de la mémoire et de la lucidité, du courage et de l'obstination » et, situation nouvelle par rapport à 2008, un Parlement qui a son mot à dire désormais.
L'AREV espère maintenant « qu'après ce rassemblement massif des élus régionaux, nationaux et européens, et des professionnels de la viticulture et après la déclaration du commissaire Ciolos, qui s'est dit favorable au maintien des droits de plantation, les fonctionnaires de Bruxelles auront la sagesse de revoir leur copie, en prenant également en compte les résultats de l'étude du professeur Montaigne qui démontre clairement que la maîtrise des droits de plantation n'empêche nullement les adaptations au marché ».
L'enjeu est de taille, car le 14 décembre prochain, le groupe de haut niveau sur les droits de plantation se réunira pour la dernière fois. La bataille est engagée et les avis divergent quant à son issue. Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, reste confiant dans le maintien des droits de plantation, mais certains représentants professionnels paraissent nettement moins optimistes (voir encadrés).



La position de la Commission européenne



Le 21 septembre 2012, la Commission européenne a expliqué qu'elle était favorable à un système souple de gestion des plantations en AOC et IGP, impliquant largement les producteurs. Pour les vins sans IG, les plantations seraient libres et ne pourraient être bloquées que par l'activation d'une clause de sauvegarde. Pas question donc pour la commission « de retour en arrière vers une position conservatrice », ce « n'est pas envisageable » a déclaré José Manuel Sylva Rodriguez, le directeur de l'Agriculture de la Commission.

La Commission propose deux outils : la gestion des plantations pour vins AOP et IGP et une clause de sauvegarde. Les organisations de producteurs, les organisations interprofessionnelles et les organismes de défense et de gestion auraient ainsi la gestion des surfaces de plantation en AOP et IGP. Quant à la clause de sauvegarde, elle pourrait être activée par les Etats membres ou par la Commission en cas de dépassement des seuils pré-établis. Ce mécanisme devant éviter une expansion trop rapide du vignoble, qui pourrait générer une dégradation du marché. Il n'y aurait pas de contrôle a priori des plantations de vignes sans IG, alors qu'il y en aurait pour les AOC et les IGP. Les professionnels estiment que ce geste d'ouverture de la Commission n'est pas suffisant, ils craignent « une industrialisation du secteur des vins sans IG ».




La libéralisation est actée !



Fin octobre, dans le cadre de Synergie 71, pour la viticulture du département, Jean-Christophe Baldassini de Cruzille et Michel Bonnote, salarié à Saint-Désert, interrogeait Luc Berlottier de la DG agri sur les raisons de cette libéralisation. Sa réponse va au-delà de la simple idéologie : « L’Europe est le premier marché en consommation, donc "intéressant" les pays tiers producteurs (Chili, Australie, USA…). La concurrence s’est accentuée. D’autant que notre production diminue. La Commission Européenne craint même une pénurie de vin. Dans les années 70, la législation vitivinicole fut la première organisation commune des marchés (OCM), réformée depuis, notamment en 2008 qui l’a fait intégrer l’OCM unique (tous produits). Cette dernière va être réformée avec la Pac 2013. Mais le secteur ne devrait pas être affecté. Bien que conservant ses spécificités, une approche harmonisée est en cours avec les paiements uniques et les organisations de producteurs (OP et interprofessions).

Avant 2008, l’OCM vitivinicole octroyait 50 % des aides aux distillateurs. L’autre partie à la filière viticulture. Problème, les distillations de crise de vins ont concerné les vins de table puis les AOC. Un déséquilibre des marchés qui a provoqué une mise à plat du système pour maintenant travailler la compétitivité. Désormais, onze aides sont disponibles à FranceAgriMer. C’est une boîte à outils pour chaque Etat Membre.

Après 2013, la partie réglementaire (œnologique, étiquetage, politique de qualité) changera aussi, sur les bases des recommandations de l’OIV (Organisation internationale des vins).

La grande nouveauté sera la possibilité de produire des vins de cépage, mention réservée auparavant aux seuls AOC et vins de pays mais pas aux vins de table. Les vins de pays étaient déjà quelque part en réalité des vins de cépage dans des bassins très larges en France. Une fléxibilité sera accordée entre vin IGP, vin de pays ou AOP. Nous avons reçu 1.561 cahiers des charges, dont 500 environ d’IGP/AOC françaises.

Les droits de plantation ont toujours été un régime transitoire puisqu’il limite le droit de propriété. Renouvelés jusqu’en 2008, ils expireront en 2015. Grosso modo, un autre outil de régulation devrait se mettre en place mais la libéralisation est actée !
». A une logique d'équilibre de la demande des marchés, les viticulteurs préfèrent un politique de valorisation, par la maîtrise de l'offre.


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