La Bourgogne relance le Beaujolais
enchères ont confirmé les hausses –surtout en rouges– observées sur le
vrac. Le négoce est aux achats. L’économie va « bien », à l’export et en
GD notamment. Toutefois, derrière ses records, ses Hommes et ses vignes
ressortent affaiblis avec une faible récolte 2012, inquiétant les
Domaines et caves. Au-delà, la forte demande en Bourgogne pourrait
relancer demain, le Beaujolais…
Pour le président de l’Interprofession, Pierre-Henri Gagey, « la Bourgogne va plutôt bien, pour le moment », s’empressait de rajouter le négociant.
Manque de crémants
Car, le millésime 2012 –"rare et précieux"– cache des situations « compliquées ». Le président délégué du BIVB, Michel Baldassini rappelait les pertes de volume enregistrées. La récolte atteint 1,2 million hl contre 1,580 l’an passé. Le cépage pinot est « le plus touché ».
Chablis (-10 %), Côte de Nuits (-20 à -25 %), Côte de Beaune (-40 à -50 %), Mâcon (-15 %) et le Chalonnais (-50 % sur les régionales) ont tous connu des « pertes conséquentes ». Les volumes de Crémant de Bourgogne (80.000 hl) sont en recul malgré les « besoins supérieurs » au 130.000 hl produits l’an dernier.
Jusqu’où les hausses du vrac ?
Pour les Maisons de vins de Bourgogne (ex-FNEB), Louis-Fabrice Latour expliquait que pour l’heure, en amont, du fait des faibles quantités (récolte et stocks), les cours raisins/vrac ont enregistré de fortes hausses, de l’ordre de 30 % pour la pièce de Bourgogne rouge. Avec 230.000 hl de Beaujolais primeur sorties, les tensions se font encore plus grandes.
« Disons le, sans se voiler la face, le négoce a des besoins ; surtout dans les vins de rotation rapide, tels que les mâcons ou les bourgognes rouges », analysait lucide le négociant. La pièce de Bourgogne rouge –à 800 € actuellement– va-t-elle encore grimper ? « Le négoce ira aux achats la conscience tranquille, différemment des ruées de 1987 ou 2007. En effet, là, les vins sont vraiment très bons. Le négoce a donc moins de réticences à payer cher. Nous acceptons la hausse. C’est un message que nous passons à nos clients. Mais, les hausses doivent rester raisonnables », nuançait le président des négociants.
En face, la viticulture entend faire jouer les règles de l’offre et de la demande. Jean-Michel Aubinel insistait sur les conséquences financières de la faible récolte 2012. « La CAVB se doit d’accompagner le plus grand nombre de domaines pour les aider à traverser cette crise en terme de production »… La profession s’est également déjà réunie pour réfléchir à des outils permettant de lisser les effets de ces "crises" de production. La Bourgogne regarde les VCI de Chablis avec envie notamment…
Ralentissement au printemps 2013 ?
Car, ces dernières semaines, même si les affaires vont « bien », les négociants notent un léger « ralentissement » de l’activité commerciale. Ils prévoient néanmoins une « bonne fin d’année ».
Surtout, les clients cherchent visiblement à « se reconstituer un stock avec des prix intéressants ». Ce stock de "protection" pourrait devenir inquiétant au printemps 2013, avec l’arrivée de prix à la hausse. Louis-Fabrice Latour exhortait donc « la propriété et le négoce à rester prudents ».
Plus aucun Bourgogne en dessous de 10 €/$/£
Le négoce semble confiant dans sa capacité à passer des hausses à ses clients. « L’an prochain, nous n’aurons pas de vin à moins de 10 $, 10 € ou 10 £ », prédit Louis-Fabrice Latour. Les nouvelles appellations –coteaux bourguignons et bourgogne gamay– pourraient constituer les appellations « d’entrée de gamme de demain ». La crainte actuelle est donc de ne pas « se couper des consommateurs. Il faut continuer à proposer des vins à prix raisonnables en dessous de 10 €/$/£ », rajoutait Pierre-Henri Gagey. Visiblement, le négoce compte également sur l’appellation bourgogne identifiée côte-d’or, « d’ici deux-trois ans », si l’INAO valide.
Frictions à "huit clos" avec le négoce
Même si de l’avis de tous, les deux familles sont « unies » en Bourgogne, quelques points de désaccords subsistent. Malgré les propos polis, des frictions sont apparues entre viticulture et négoce lors de la conférence de presse dimanche. Président de la Confédération des appellations et vins de Bourgogne (CAVB), Jean-Michel Aubinel n’entend en effet pas laisser la gestion des droits de plantation, être libéralisée en Europe, ou après, être gérée par l’Interprofession, comme le réclament les négociants Bourguignons. « On réglera ça entre nous », lui répondait discrètement Pierre-Henri Gagey, entre deux réponses.
Sans rentrer en guerre, « d’arrière garde » comme juge Louis-Fabrice Latour, contre la demande des Américains pour avoir le droit d’inscrire les termes "clos" ou "château" sur leurs étiquettes, la Bourgogne viticole reste « très attachée à ces signes de reconnaissance. Leur demande d’utilisation –en français– nous choque. Ces termes parlent aux consommateurs, comme le Clos Vougeot », rétorquait catégoriquement le président de la CAVB.
Le Japon rattrape l’Angleterre en 2012
Sur les huit premiers mois de 2012, le marché domestique français se maintient (+2 %). Notamment chez les cavistes traditionnels et en restauration. La Bourgogne reste « le vignoble le mieux valorisé en grande distribution (GD) ». Les crémants « cartonnent » (+8 %) aussi en GD.
Les États-Unis, l’Angleterre et le Japon représentent toujours la moitié des exports. En tête, l’Amérique connaît un « net redémarrage » (+10 % en valeur sur les dix premiers mois). Le dollar fort offre de plus des « perspectives intéressantes ». La minéralité est là-bas à la mode. Le Canada est en hausse de +8 %.
Deuxième à ce classement, l’Angleterre ne retrouve pas « ses sommets » mais avec +13 % en valeur sur les huit premiers mois, « c’est le moment de se lancer et de reconquérir » des parts de marchés, malgré la concurrence et la faillite d’opérateurs.
« Avant la fin de l’année », le Japon pourrait lui ravir sa seconde place. Le pays du soleil levant offre de « vraies perspectives » avec +35 % en valeur. Surtout, le Yen –toujours élevé– joue un rôle moteur et renforce les achats japonais.
Rassemblés, Hong-Kong et la Chine forment le 5e marché export bourguignon, en progression de +50 % en volume, à 9 millions € pour la seule Chine. La Bourgogne « pense faire 15 millions d’€ » prochainement. « C’est un mois de vente sur les USA (150 millions d’€) et nous peinons à les convaincre de boire plus de vins blancs », reconnaissait Louis-Fabrice Latour. Couleur porte bonheur oblige, « nous sommes frappés par leur intérêt des bourgognes rouges et pour le Beaujolais. Ils pourraient relancer la mécanique beaujolaise en rentrant dans un schéma de consommation courante ».
Enfin, la Suisse « stagne » ; l’Allemagne « va mieux » ; la Belgique et les Pays-Bas « baissent »… faisant dire au président des Maisons : « nous ne redécollons pas en Europe continentale ». Les stratégies commerciales doivent s’adapter.