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Positionnement des vins de Bourgogne

La Bourgogne réussit à contre-tendance

Alors que le monde plongeait en pleine crise financière, économique et
politique, la Bourgogne a battu des records sur le circuit de la grande
distribution. Un exploit d’autant plus probant que le vignoble ne s’est
pas positionné sur trois des quatre créneaux porteurs : BIB, rosé, vins
IGP de cépages et bulles. Enfin, la région joue peu la carte
promotionnelle et se concentre sur les foires aux vins.
Par Publié par Cédric Michelin
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Du cabinet IRI Symphony, Magali Dubeau analysait le positionnement des bourgognes par rapport aux autres ventes de vins en hyper et supermarché. Tous les vins tranquilles confondus représentent moins de 5 % de leur CA, stable, même si la croissance se fait plus en valeur qu’en volume, comparativement aux autres produits de grande consommation (PGC). « La Bourgogne est un des gagnants de ces dix dernières années sur le marché des appellations ». Mais des nuances existent. Si depuis 2007-08, l’évolution annuelle est de +3 % en terme de valeur, en volume, la croissance bourguignonne est plus faible que le reste des PGC. L’illustration du “moins mais mieux”.
Du côté des autres vignobles, le format 75 cl est en retrait en raison de la progression « ininterrompue » des BIB (+7 % annuel) qui représentent désormais 33 % de part de marché (PDM) du rayon vin.
Dans le détail, les vins de cépages gagne près de 4 points depuis 2009 à 20 % de PDM via surtout les IGP et un peu les VSIGP cépages. Les Marques de distributeurs (MDD) sont toujours en croissance comptant pour 40 % des volumes. Les rosés représentent désormais près de 30 % des ventes « au détriment surtout des rouges ». Les blancs sont stables.

Le nord est ch’ti avec les bourgognes


Au sein de la famille des vins AOP tranquille, la Bourgogne ne compte que pour 2,4% des linéaires, soit 31 millions de cols vendus pour un chiffre d’affaires de 105 millions d’€. Volumes et valeurs sont en hausse une nouvelle fois, respectivement +4,2 % et +5,4 % sur l’année. Mais ses ventes ne sont pas équilibrées sur le territoire national. 55 % des ventes de bourgogne sont réalisées sur la grande région Est. 34 % en Ile de France, stable. La région Nord “sous-consomme” des bourgognes.
Au final, la Bourgogne pèse pour 4,6 % des ventes de vins AOP, deuxième en progression, sur la dernière année à fin juin 2013, après la Loire, mais devant le Rhône et le Languedoc-Roussillon, depuis les retraits des bordeaux et vins corses. Sur le long terme (depuis 2004), c’est surtout le seul vignoble en croissance avec la Provence, qui elle fait mieux en volume avec ses rosés.

Une saine progression


La Bourgogne progresse (pour 90 %) avec ses blancs et reste de loin le plus gros contributeur de la croissance sur la couleur. Progrès enregistrés aussi en rouges sur un marché en retrait. En grandes surfaces, 60 % des volumes sont réalisés en blanc, avec les régionales mâcon et aligoté, qui représentent 62 % de ses volumes blancs. « Ces régionales baissent en proportion au profit des villages et AOC du Chablisien qui affichent des prix supérieurs. Du coup, sur l’année, la progression est transversale et saine, hors promotion "prospectus" ou réduction de prix mis en avant. 85% des gains c’est fait hors promo en blanc », félicitait Magali Dubeau.
Résultat, les ventes de bourgognes blancs entre 3 et 6 euro « se réduisent » en proportion au profit de la tranche des 6 à 10 €/col, ou plus. « Vous êtes le vignoble avec la plus importante proportion de vins blancs vendus au delà des 6 € ». Une homogénéité par la base sans entrée de gamme en dessous de 3€/col. Idem pour les rouges, cette fois au profit des AOC villages avec en tête ceux de la Côte de Beaune. Bémol, le repli des passetoutgrains. Les rouges bourguignons représentent 44 % des volumes entre 3 et 6 € et la croissance se fait au delà de 10 €/col.

5.000 bourgognes en catalogue


Des indicateurs prouvant le « succès de la Bourgogne malgré son absence des marchés BIB et rosé », saluait Benoit Moreau, qui sont autant de relais de croissance potentiel. A condition de ne pas brouiller l’image. 5.000 références sont recensées dans les catalogues, moitié en rouges, moitié en blancs. « Une offre large d’AOC est essentiellement présentée à l’occasion des foires aux vins ».
En effet, la Bourgogne ne met que 3,3 % de ses volumes en BIB contre 17 % pour les autres AOP : 1,2 % pour le beaujolais mais jusqu’à 26 % pour le Rhône.
En revanche, la Bourgogne sait profiter du dynamisme du marché des bulles (169 millions de col/an) qui a pourtant connu un « accident de parcours » l’an dernier enregistrant une baisse, baisse due aux évolutions « fluctuantes » des champagnes, dont 80 % sont vendus en promotion (8-9 €/col). Avec un prix moyen de 5,76 €/col, le crémant de bourgogne se classe troisième « au coude à coude avec la clairette de Die ». D’autres AOP étrangère sont bien installées sur ce marché comme le Cava italien qui affiche un prix moyen de 5,47 €/col.



Quelle stratégie pour se différencier en GD ?


Du pôle Marché & Développement du BIVB, Frédéric Dupray faisait un « zoom » sur les spécificités bourguignonnes en terme de stratégie. Le positionnement se voit par le prix, plus cher de 70% que la moyenne des vins AOP en rayon ce qui séduit où "rassure" le consommateur. La traditionnelle bouteille 75 cl est le format plébiscité à 95 %. Sur le marché « flou » des effervescents, il apparaît moins évident pour se démarquer à la hausse. Le crémant de Bourgogne a pourtant accentué ses ventes de 10% depuis 2010 et veut se « repositionner sur les 6-10 €/col nécessaire pour sortir de la nasse des AOP et gérer la pénurie » des stocks. Pénurie accélérée avec « l’explosion de l’export » bien valorisé (4,51 €/col départ cave).




Quels niveaux de hausses passer ?


« Les vins tranquilles de Bourgogne ont une croissance de prix modéré et régulière (+2,5%/an en moyenne). Le problème aujourd’hui réside dans les faibles disponibilités et la forte demande des marchés. Quel impact sur les ventes si il y a hausse des prix ? La Bourgogne recherche la valorisation sans sortir de ses marchés ».




Des foires aux vins valorisantes pour les villages


Magali Dubeau faisait un bilan des foires aux vins d’automne 2012. Les Bourgognes vendent à cette occasion pour 13% de ses volumes écoulés annuellement en hyper et super et pour 15% en chiffre d’affaires. Surtout en hyper d’ailleurs, pour près de 20 % de la valeur annuelle, plaçant la Bourgogne comme le premier vignoble en terme de volume et deuxième en terme de valeur, avec 54 références sur 625 (9% assortiment). La moitié des ventes sont alors réalisées sur des villages mais pour 79 % de la valeur. Les principaux bénéficiaires sont donc les villages de la Côte de Beaune puis les régionales rouges. En blanc, les foires aux vins représentent 28% des ventes de villages en GD (contre 16 % le reste de l’année) et les AOC du Chablisien restent le premier groupe à être vendu. Une progression qui ne profite pas aux AOC du Grand Auxerrois à l’inverse de l’aligoté qui progresse lors de ces foires.




Paroles de metteurs en marché


Anne Maizière pour l’opérateur "Domaine et châteaux de Bourgogne réunis" à Beaune et Jean-Marc Veuillet, représentant de Blason de Bourgogne se réjouissaient de voir la grande distribution comme leurs clients « rechercher des vins de Domaines et des vins de qualité, avec de très bon rapport qualité/prix ». Avec le « transfert des spiritueux vers les vins blancs à l’apéritif, chablis ou saint-véran ont le vent en poupe » et sont une clé d’entrée possible pour « élargir vers des AOC plus confidentielles ». Mais Anne Maizière nuance : « un risque subsiste : la majorité de notre chiffre d’affaires est réalisé lors des foires aux vins. Il faudrait d’autres moments ». Blason de Bourgogne est « plus axé sur une gamme permanente » et les foires constituent moins de 20 % de ses ventes annuelles. Si la demande en BIB s’accentue, la notoriété des Bourgognes « rassure » certes, mais l’aspect PVC sur un format 3L « vite à 20 € » est un frein, tant en terme de budget que d’image, sans compter l’approvisionnement en volumes. Domaines et Châteaux de Bourgogne réunis « cherche donc plus à faire des partenariats, des clubs… pour valoriser le travail fait en amont dans le vignoble ».