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Lutte contre la flavescence dorée

La Bourgogne se fâche

Vendredi à Beaune, la Bourgogne viticole a tiré à boulet rouge sur le “buzz” lié à l’affaire Giboulot. Convoqué au tribunal de Dijon, le
vigneron a recueilli plus de 506.277 signatures de soutien pour
avoir refuser de traiter ses vignes dans le cadre de la lutte
obligatoire contre la flavescence dorée en 2013 en Côte-d’Or. La décision de la justice sera
suivie dans le monde entier.
Par Publié par Cédric Michelin
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Cosignataire de l’invitation à la conférence de presse “de crise” vendredi à Beaune, le Sedarb, Service d'EcoDéveloppement agrobiologique et rural de Bourgogne, l'institut technique adossé à la viticulture biologique en Bourgogne, parlait d’« énorme maladresse » de la part d’Emmanuel Giboulot, qui « fait partie des nôtres », reconnaissait-il. Par la voix de son directeur, Pascal Lambert, le Sedarb ne pouvait que « réagir au buzz » et aux solutions avancées par le viticulteur en biodynamie à Beaune « qui raconte un peu n’importe quoi » dans sa vidéo postée sur les réseaux sociaux et « vend des poudres de perlimpinpin ! » pour lutter contre la flavescence dorée, jugeait-il.
Le ton se durcissait avec le président de l’Interprofession des vins de Bourgogne (BIVB), Claude Chevalier, qui en a maintenant « ras-le-bol des professionnels qui font circuler des infos erronées » sur cette “affaire”. Depuis des jours, téléphones et mails sont inondés de « contre-vérités ». Ne voulant pas juger le vigneron lui-même, il sous-entendait qu’Emmanuel Giboulot était « soit aidé, soit manipulé par d’autres », visant par là, le collectif d’une dizaine d’organisations qui préparaient un pique-nique devant le tribunal ce lundi.
Mais le couperet tombait par la bouche du président de la CAVB, Jean-Michel Aubinel. Ce dernier ne tolère pas « le discrédit jeté sur la Bourgogne » et espère que la justice fera respecter la loi et le condamnera. Mais ni la CAVB, ni le BIVB ne se sont portés partie civile au tribunal, pour ne pas en faire un « martyre ». La CAVB s’évertue en effet depuis plusieurs mois à rétablir un climat de dialogues entre tous. La veille au soir, le jeudi 20 février, un collectif proche de la bio a ainsi pu proposer à la profession et aux administrations un plan de lutte pour 2014, devant près de 200 vignerons réunis au lycée de Beaune.



L’obscurantisme politisé



Lors de la dernière assemblée générale de l'Union viticole de Saône-et-Loire, questionné par les professionnels sur les choix politiques en matière de recherche contre les maladies du bois de la vigne, l’élu régional, Jacques Rebillard, comparait notamment l’esca au Sida chez l’Homme. « Les chercheurs n’ont pas encore compris son origine et son développement, qui affaiblit le pied. En Bourgogne, un certain nombre d’équipes de recherche peuvent apporter une partie de la réponse. Je pense au renforcement des défenses naturelles d’abord et à la microbiologie des sols, via sa biodiversité, qui avec le phénotypage (plate-forme PPHD à Dijon) de matériel végétal, peut permettre de trouver des clones résistants ». Il se disait toutefois conscient de « l’impatience » de la profession.
Le président de l'Union viticole, Robert Martin, lui rappelait néanmoins le « saccage » des essais à l’Inra de Colmar, qui plus est, « en toute impunité ». Embêté aux entournures, l’élu tentait une diversion : « on n’a pas le droit de détruire trente ans de recherche, sinon on entre dans une phase d’obscurantisme ». Le membre de la commission Environnement, en charge également de l’agriculture au conseil régional, rajoutait toutefois : « mais derrière, il y a aussi le débat sur les OGM. Je pense que la vigne a dans son potentiel génétique, la résistance nécessaire. Il n’est pas besoin d’aller chercher d’autres gènes dans d’autres espèces ».
Une “imprécision” politique qui en dit long. Issues des biotechnologies, les plantes génétiquement modifiées - par transgénèse - ne le sont pas obligatoirement par “des gênes d’autres espèces” et peuvent tout à fait l’être avec des gênes de la même espèce. Comme pour toute sélection classique en somme... Mais de façon scientifique, maîtrisée et rapide.




506.277 soutiens... Mais de qui ?


Emmanuel Giboulot, viticulteur à Beaune, était convoqué ce 24 février au tribunal de Dijon pour avoir refusé, en 2013, de traiter ses vignes dans le cadre de la lutte obligatoire contre la flavescence dorée en Côte-d’Or (Bourgogne). Il encourt 30.000 € d'amende et 6 mois d'emprisonnement. Dans une vidéo en ligne, il s’explique et fait des propositions. Une pétition de soutien a déjà recueilli plus de 420.000 signatures le 23 février.
Dans sa vidéo, le viticulteur explique « rejeter catégoriquement l'épandage préventif de pesticides » qu’il juge « très dangereux pour l’environnement et dont l’efficacité n’est pas avérée ». Il milite également pour changer la réglementation en place qu’il estime « contradictoire avec l’engagement de la France à réduire sa consommation de pesticides de 50 % en 2018 ».
La dizaine d’organisations cosignataires qui ont médiatisé l’affaire fin 2013 demandent désormais « la possibilité de suivre des procédures alternatives ». La vidéo énonce des solutions pour lutter contre la flavescence dorée, telle que des fougères, de l’argile calciné, des pièges à cicadelles de couleur orange, de la paille d’avoine… Il est fait mention évidemment de la prospection collective « régulière » pour surveiller l’éventuelle apparition de pieds porteurs de flavescence et leur arrachage. Les organisations cosignataires demandent aussi l’arrêt des poursuites judiciaires envers Emmanuel Giboulot et les viticulteurs qui ont refusé le traitement obligatoire en 2013, engagés dans une procédure alternative. Ce qui ne manquerait pas de faire jurisprudence.
Les pouvoirs politiques et judiciaires font donc face aux « lanceurs d’alerte », « à la désobéissance civile » et la pression médiatique de la société civile via les réseaux sociaux.
En effet, lancé par l’“Institut pour la protection de la santé naturelle”, l'IPSN, la pétition invite à soutenir Emmanuel Giboulot, « un viticulteur qui refuse de traiter ses vignes par épandage de pesticides ». Motivé par la défense de l’environnement et de la biodiversité, que l’IPSN estime « gravement menacée », l'association apporte son soutien à ce « bel exemple que vous donnez à tous les agriculteurs de France - biologiques ou conventionnels - et à tous les citoyens, et de votre attitude responsable face aux menaces qui pèsent aujourd'hui sur les abeilles ». Le 25 février à 7 h 50, leur compteur affichait plus de 506.277 signatures de soutien. La page Facebook, près de 100.000 “J'aime”. Le buzz est tel que le site ne fonctionnait pas toujours correctement en raison d’un trop grand nombre de signataires simultanés. Un pique-nique devait également présent devant les portes du tribunal le jour de la convocation...




Une amende de 1.000 €, pour moitié avec sursis, a finalement été requise lundi à Dijon à l’encontre d'Emmanuel Giboulot, tandis que plusieurs centaines de sympathisants s'étaient massés devant le tribunal. Le viticulteur encourt six mois d’emprisonnement et 30.000 € d’amende. Le jugement sera rendu le 7 avril.
« C’est une affaire avec en toile de fond un sujet polémique et controversé, je n’entrerai pas dans cette polémique. En refusant de prendre une mesure de protection des végétaux », Emmanuel Giboulot « a commis une infraction pénale », s'est contenté de préciser la représentante du parquet.




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