La calligraphie comme Passeurs de mémoire

En 1866, le conseil municipal de Pont-de-Vaux décidait de lancer une souscription pour « créer un musée des hommes qui ont illustré la ville de Pont-de-Vaux où ils sont nés. » Ce lieu de mémoire devait apporter une « émulation pour la jeunesse » et « flatter à juste titre l’amour propre des contemporains. » Aménagé dans un ancien hôtel particulier de la fin du XVIIe siècle et niché au cœur de la Bresse, le musée Chintreuil est aujourd’hui encore un lieu unique en son genre. Unique par la variété et la diversité de ses collections, où se côtoient les peintres du XIXe siècle, les artistes et les grands hommes de la région, mais aussi des oiseaux exotiques et autres curiosités. Unique aussi par son choix de mettre à l’honneur les grands noms passés et présents de la calligraphie dans sa collection permanente et par l’intermédiaire de nombreuses expositions. Unique enfin par le charme inimitable de cette bâtisse.

L’éclectisme au rendez-vous

A l’origine, on trouve une galerie d’hommes célèbres parmi lesquels Benoît Textor, médecin de François Ier, Antoine Morand, horloger favori de Louis XIV, et toute une lignée de généraux de la Révolution et de l’Empire à l’image de Barthélemy Joubert. Puis s’ajoutent le peintre Antoine Chintreuil (lire encadré) ainsi que d’autres artistes régionaux tels que Migonney, Jourdan et Fontville pour la partie Beaux-Arts. Depuis 2003, une salle est consacrée à l’artiste bressan Jacques Le Roux. Les salles du rez-de-chaussée abritent le fameux cabinet de curiosités avec ses animaux naturalisés et sa collection ornithologique exceptionnelle. Quelques objets provenant de voyages lointains accompagnent les collections d’ethnographie locale présentant des costumes, des coiffes et des chapeaux bressans. Enfin, la dernière salle explique les phénomènes de la nature du canton comme les prairies inondables, les dunes de sable de Sermoyer, la lande tourbeuse des Oignons, la faune et la flore que ces lieux abritent.
Véritable invitation au voyage à travers le temps et les arts, le musée a fait de la curiosité sa plus grande qualité et ouvre ses portes à tous les talents. C’est ainsi que, depuis plusieurs années, le musée s’attache à redonner ses lettres de noblesse à la calligraphie, notamment au travers de l’œuvre de Jacques Le Roux, véritable maître de l’écriture. Disparu l’an dernier, ce dernier constitue cette année le fil rouge de l’exposition intitulée Passeurs de Mémoires qui réunit jusqu’au 28 août prochain les plus grands noms de la calligraphie contemporaine. Une belle occasion non seulement de rendre hommage au maître, mais aussi de mettre en lumière les mille et une facettes de la calligraphie actuelle et sa capacité à traduire en quelques signes riches de sens l’évolution de la société.

De la belle lettre au geste pur

Extrêmement ancienne, la calligraphie reste trop souvent méconnue et peu accessible. Art du geste pur et du signe parfait, elle est héritière de l’écriture comme de la peinture, s’inspirant tout autant de la musique qui, à force de gamme et d’exercice, libère l’artiste pour lui permettre de trouver son style, son souffle et son rythme. C’est pourquoi le musée Chintreuil s’est donné pour mission de mettre en vedette cet art qui mêle belles-lettres, beaux-arts et art moderne. Une calligraphie qui a bien évolué depuis les classiques chinois ou arabes. Ainsi, les visiteurs auront l’opportunité de découvrir le talent d’artistes aussi différents que Hassan Massoudy (calligraphie arabe), Jigmé Douche (calligraphie tibétaine et chinoise), Marion Andrews, Julien Chazal, Thierry-Emmanuel Garnier, Claude Mediavilla, Henri Mérou, Marie Papillon, Laurent Pflughaupt, Laurent Rébéna ou encore Kitty Sabatier (calligraphies latines et abstraites).
Ouvert jusqu'au 27 novembre tous les jours de 14 h à 18 h, sauf le mardi. Prix des entrées : 3,50 € (plein tarif), 2 € (tarif réduit) et gratuit (moins de 26 ans, étudiants et le premier dimanche de chaque mois). Pour tout renseignement, tél. : 03.85.51.45.65.

Hommage rendu à Jacques Le Roux

Cette exposition a donc pour objet de rendre hommage à Jacques le Roux dont l’œuvre entretient une relation particulière avec le temps et la mémoire. Jacques le Roux était un maître de l’écriture à la plume, un scribe plus qu’un calligraphe. L’écriture constituait pour lui l’un des moyens de nous rattacher au temps, de l’éprouver véritablement et de le prolonger. L’acte d’écrire dépassait le sens même des mots, mais devenait un acte sensoriel, où le papier et l’encre prenaient une dimension particulière, le rattachait à la terre et le tirait vers les hauteurs considérables de l’esprit, où le temps n’a plus aucune prise, où notre mémoire rejoint celles des civilisations passées. En 2003, le musée Chintreuil s’est porté acquéreur d’une vingtaine d’œuvres de Jacques Le Roux. Des créations qui rendent compte des réflexions spirituelles et initiatiques de l’artiste sur la vie, sur les civilisations primitives à travers des enluminures, des écritures, des peintures…

Antoine Chintreuil et sa peinture

Le musée porte le nom d’un peintre du XIXe siècle : Antoine Chintreuil. Issu d’une famille modeste, cet enfant du pays part à Paris découvrir le monde artistique. Il y côtoie de nombreux peintres parmi lesquels Corot auprès de qui il apprend son métier et se prend de passion pour les paysages. Antoine Chintreuil est l’un des premiers à planter son chevalet en pleine nature.
Là, il peint inlassablement des aubes givrées intimistes et des couchers de soleil flamboyants. Fondateur du Salon des refusés, son travail autour de la lumière dont il transpose les impressions fugitives prépare le chemin des impressionnistes.