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Assemblée générale des JA 71

La créativité au secours de l’installation

Au cours d’une table ronde consacrée au financement de l’installation, les JA en ont appelé à la créativité des uns et des autres. Ne pouvant se résoudre à la fatalité d’une « capitalisation à outrance » des exploitations, les jeunes entendent imaginer un mode de financement innovant pour préserver le « visage humain » de l’agriculture.
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Vendredi dernier, les Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire étaient réunis à Auxy pour leur assemblée générale. Cette année, ils avaient choisi de débattre du délicat financement de l’installation. Comme le décrivait lui-même le préfet dans son discours, nous sommes face à « une complexité croissante liée à l’augmentation de taille des exploitations. La concentration vers des exploitations toujours plus grosses ne demande-t-elle pas de travailler sur les modalités de reprise ? », interrogeait ainsi François Philizot. La question du montant des capitaux et de son financement était déjà ressortie des travaux de la démarche départementale L'Avenir en confiance en 2012. Elle est au cœur des "Assises nationales de l’installation" qui sont en train d’être déclinées dans les régions. En Saône-et-Loire, le coût moyen des installations a bondi de 199.000 € en 2006 à 350.000 l’an dernier, introduisait Gaël Pellenz, l’animateur de la table ronde.
Si la transmission n’est déjà pas une mince affaire dans le cadre de la famille, elle devient carrément insurmontable lorsque le repreneur n’est pas du milieu. « Les cédants veulent récupérer la valeur économique du fruit de leur carrière », confiait Pierre-Yves Prothet du Crédit agricole. Et si ce n’est pas l’un de ses descendants, le cédant ne fait pas de cadeau ! C’est là que la Safer « essaie de négocier », expliquait Emmanuel Cordier : « on tente d’approcher la valeur économique pour permettre de relativiser la haute valeur que le cédant imagine… ».

Le coup de pouce des coop


Comment faciliter la transmission des exploitations et qui peut y contribuer ? Dans l’existant, on peut citer les coopératives qui, par le mode de mise en marché "organisé" qu’elles représentent, mais aussi au travers d’efforts solidaires et concrets tels que "prêts à taux zéro" ou "avance de trésorerie", font un geste pour les nouveaux venus. Exemple : la cave de Lugny qui pratique ainsi l’avance de trésorerie. L’installation en cave coopérative est aussi plus facile à évaluer pour le banquier. Moyennant un investissement de départ en parts sociales, le jeune n’a pas à s’équiper d’une chaîne de vinification et il est exonéré des savoir-faire de la vinification et de la commercialisation.
Invité à représenter les opérateurs privés de la filière viande, Bigard n’investirait pas directement dans l’installation d’un jeune, mais le géant de l’abattage semblait très sensible à la question du maintien du potentiel de production. La contractualisation peut offrir un bon filet de sécurité, tant pour les jeunes que pour se protéger de la volatilité des prix, mais à condition qu’elle réunisse éleveur, abatteur, transformateur et client, estimait le représentant de Bigard, Dominique Guineheux.

Brique par brique…


Pour François Thabuis, le président national des JA, il faut construire le financement de son installation comme un « mur bancaire » avec une diversité de « briques ». Ces briques peuvent être à la fois des financements des pouvoirs publics, des banques, une participation du monde économique, voire autre chose… Sans doute faut-il imaginer aussi un mode de « transmission progressive » avec « incitation financière » du cédant. Le président national faisait ainsi état d’une réflexion sur la création d’un « fonds d’investissement » destinés à soutenir les nouveaux installés pendant cinq ans.

Investisseurs ou spéculateurs ?


Il va falloir faire preuve de créativité pour ne pas risquer de voir « cette capitalisation à outrance » déposséder les agriculteurs de leurs outils, prévenait François Thabuis. Et là, les JA estiment qu’il ne faut « rien s’interdire » car le danger numéro un, c’est de voir des financiers spéculateurs investir dans l’agriculture française comme ils l’ont déjà fait en Amérique du Sud ou dans l’Europe du Nord. Si cela arrivait, il ne faut pas se faire d’illusion : les agriculteurs d’aujourd’hui deviendraient au mieux de simples salariés ou seraient remplacés par de la main-d’œuvre étrangère bon marché ! Ce danger, les JA le mesurent parfaitement et, pour eux, c’est sans ambiguïté : « nous voulons préserver une agriculture familiale à visage humain ; où c’est le produit plutôt que le volume », défendait François Thabuis.

Investissements citoyens ?


A la Safer, on recense des demandes pour investir dans des terres agricoles. « La rentabilité n’étant pas mauvaise vu les niveaux de fermage et avec des taux d’intérêts bas », confiait Emmanuel Cordier. Ce sont souvent « des investisseurs privés avec des racines rurales », dont certains ont peut-être été échaudés par des placements boursiers malheureux et qui voient dans l’agriculture un placement finalement sûr dans le temps, expliquaient les intervenants. L’idée d’une relation humaine avec l’exploitant est quelque chose d’important pour ces investisseurs. S’ils sont « prêts à mettre de l’argent dans l’agriculture », c’est aussi parce qu’ils sont séduits par « la bonne image du métier, du terroir, de la région ». Sans doute faut-il faire fructifier ce besoin de lien citoyen/agriculteur qui trouve sa source dans des questions de société liées à l’alimentation, l’environnement, les énergies renouvelables… Quelque chose à imaginer en s’inscrivant dans cette aspiration aux circuits courts. Pourquoi pas « une rémunération en nature », interrogeait même le président des JA. Tout est à réinventer. Y compris « un modèle alternatif de distribution », lançait par ailleurs François Thabuis.


François Philizot


Un pragmatisme salué


Cette assemblée générale aura été marquée par deux départs. Le premier concerne le préfet François Philizot, venu délivrer l’un de ses tous derniers discours dans le département. Intervenant en amont de la table ronde sur le financement de l’installation, le préfet dressait le portrait d’une Saône-et-Loire « qui n’a pas choisi le modèle dominant de la spécialisation des bassins français ». Parlant « d’une réalité très riche ici », mais à la lumière de ce que ses affectations passées lui ont donné l’occasion de voir, François Philizot ne cachait pas le risque de voir le métier évoluer vers une « agriculture de capital, système où le lien au sol et au territoire n’est fatalement pas le même ! ». Un risque qui impose de se demander « quel modèle agricole » on veut, incitait François Philizot. Ce dernier alertait également sur la réforme de la Pac : « c’est une époque où se rebattent les cartes. Faites remonter vos souhaits pour que cette Pac aille dans le sens de la Saône-et-Loire », exhortait le préfet. Le représentant de l’Etat repart en laissant un excellent souvenir dans le département. Aux Jeunes agriculteurs, c’est « son pragmatisme » qui aura particulièrement été apprécié.




David Bichet


Remerciements émus


Autre départ, celui de David Bichet qui quitte la présidence des JA après cinq années passées à la tête du syndicat jeune. N’en déplaise à l’ex président et à son humilité tenace, c’est peu dire que la profession regrette de le voir lever le pied sur les responsabilités. « Charismatique, sérieux, entraînant… » : ses aînés ne tarissaient pas d’éloges pour parler de lui, le suppliant tous de « revenir aux manettes tôt ou tard ».
« Le syndicalisme, c’est refuser la fatalité »
: ces quelques mots de David suffisaient à résumer l’authenticité de ses convictions. Mais là où le jeune responsable prend encore plus d’épaisseur, c’est lorsqu’on comprend que ses qualités humaines l’empêchent aujourd’hui d’aller trop loin dans le sacrifice imposé par la fonction. Pudique mais ému, David Bichet ne cachait pas que cinq années de mandat « avaient laissé des traces ». Des remerciements émouvant furent adressés à son père, à sa mère, à sa compagne ainsi qu’à Frédéric Lagrue, le responsable du service de remplacement de son canton.


A l’issue de l’assemblée générale, Jérémy Decerle, David Cornier et l’ensemble du conseil d’administration lui rendaient un chaleureux hommage.




CCJA d’Autun-Lucenay


Mobilisé sur tous les fronts !


Cette année, l’assemblée générale des JA était de retour dans l’Autunois sur les terres des cantons d’Autun et Lucenay-l’Evêque. Dans son mot d’accueil, le responsable local, Olivier Lavesvres, en a profité pour citer les grands dossiers des jeunes du secteur. C’est ainsi que l’assistance apprenait qu’un nouvel appel avait été déposé contre la porcherie de Reclesne. Autre sujet qui mobilise les jeunes de l’Autunois-Morvan : l’abattoir pour lequel les JA se sont clairement positionnés en faveur du maintien. Enfin, Olivier Lavesvres évoquait l’approvisionnement collectif en paille, mené de concert avec la FDSEA.


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