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Elevage allaitant

La demande est là !

Le 13 septembre dernier, à la ferme expérimentale de Jalogny, la chambre d’agriculture et l’Institut de l’élevage proposaient une journée technique consacrée aux marchés des mâles charolais. L’occasion de mieux mesurer tous les défis qui attendent les éleveurs allaitants aujourd’hui. Car si la demande est bien là, encore faut-il que la filière soit en mesure de saisir cette chance.
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Le 13 septembre dernier, environ 500 personnes sont venues à Jalogny pour s’informer sur la production phare des systèmes allaitants. Un public composé en majorité de jeunes en formation, de techniciens mais aussi d’éleveurs en quête de perspectives. Durant la matinée, des interventions de l’Institut de l’élevage et de la chambre régionale, suivies d’une table ronde réunissant Philippe Dumas de Sicarev, Yves Largy de Feder et Guy Hermouët d’Interbev, ont permis de dresser un état des lieux du marché.
C’est un peu le scoop de la rentrée : on s’achemine vers une pénurie mondiale de viande bovine (lire à ce sujet nos articles publiés en page 8 et 9 de notre édition du 21 septembre dernier et en page 8 de l'édition du 28 septembre). La demande est là. Tous les signaux sont au vert. Mais l’élevage français est-il en mesure de profiter de cette aubaine ? C’est là que réside tout le défi.

Sous réserve que…


« On va manquer de viande bovine », confirmait Sylvie Brouard de l’Institut de l’élevage. Croissance de la population mondiale ; hausse du niveau de vie dans les pays en développement avec, en parallèle, une désaffection pour la production : c’est clair, la demande va exploser. Une chance pour les éleveurs, mais « sous réserve de retrouver de la rentabilité dans les exploitations », tempèrent les analystes. La France devrait pourtant être en situation de force avec son cheptel allaitant de premier plan. Pourtant, l’attractivité de la production de céréales fait planer le risque d’une décapitalisation dans les régions intermédiaires. Pour Sylvie Brouard, trois principaux enjeux se font jour : « peut-on renforcer la place de la finition des animaux, femelles notamment ? Vigilance vis-à-vis du risque de décapitalisation des cheptels et retrouver enfin une embellie durable sur le prix ». Sur ce dernier point, 2012 est plutôt rassurante.

Âge moyen des éleveurs : 47 ans !


Le renouvellement des générations est un autre défi auquel doit répondre la profession dans les années qui viennent. En Saône-et-Loire, l’âge moyen des éleveurs allaitants est de 47 ans et seulement un quart d’entre eux a moins de 40 ans ! Autre chiffre saisissant : 58 % des éleveurs ne savent pas ce que va devenir leur exploitation ou n’ont pas de successeur. Autrement dit : « le défi va être de maintenir la capacité de production », résumait François Roze de la chambre régionale. Autre ombre qui plane lourdement sur l’élevage : « le résultat courant par actif est en diminution depuis une dizaine d’années ». Une baisse de rentabilité confortée par les chiffres dévoilés par Jean-Pierre Fleury : « le revenu des éleveurs allaitants bourguignons est de 45 % inférieur à la moyenne nationale. Le revenu par actif d’un éleveur est en moyenne de 14.000 € par an alors que la ferme France est à 40.000 € ! ».

Indispensables pays tiers


L’embellie observée depuis quelques temps prouve cependant qu’un certain nombre d’actions ont porté leurs fruits. A commencer par les résolutions faisant suite au blocage des outils d’abattage d’il y a deux ans. Le représentant de la FNB, Guy Hermouët, rappelait que « lorsque les industriels se satisfaisaient de l’autosuffisance de l’Europe, c’était pour maintenir des prix bas et cela profitait à la grande distribution ». C’est pour enrayer cette situation intenable que la nécessité d’exporter davantage s’est imposée et que l’idée du Groupement Export France, le GEF, a vu le jour. Le Maghreb puis la Turquie ont notamment permis de désengorger le marché intérieur et ainsi de faire remonter les prix en ferme. « 53.000 animaux exportés en Turquie en 2011 ; 54.000 en 2012 », illustrait Yves Largy. Si la contrainte sanitaire demeure le souci numéro un, le GEF continue de prospecter de nouveaux marchés. Guy Hermouët parlait d’ouvertures sur la Russie, Dubaï, l’Asie centrale, le Japon… Le représentant de l’interprofession évoquait aussi le marché de la génétique avec des opportunités sur le Kazakhstan ou la Mongolie. Un débouché génétique à ne pas négliger. La concurrence américaine y est très dangereuse avec des ventes d’Angus combinées à des installations de Mac Do, mettait en garde Guy Hermouët.

L’Italie conserve sa place


L’Italie demeure le débouché numéro 1 avec un marché « construit », reconnaissait Philippe Dumas. « Mais ce n’est plus un marché de développement », poursuivait le président de Sicarev. De fait, « une érosion de la mise en place de 8 % est observée en 2012 », rapportait Yves Largy. L’essor des méthaniseurs a sérieusement concurrencé les places de JB là-bas. Pour Philippe Dumas, Italie et Turquie sont indissociables. « Tout est question d’équilibre. Il faut regarder tous les marchés potentiels et tirer vers le haut », estimait pour sa part Guy Hermouët. Si le travail du GEF a parfois suscité des réserves de la part des abatteurs, certains d’entre eux, comme Sicarev, reconnaissent aujourd’hui que l’export de JB a tout de même permis de sauver le potentiel de production avec un niveau de prix désormais plus pérenne.

Contractualisation, l’avenir


Autre levier qui devrait permettre de sécuriser davantage des exploitations allaitantes : la contractualisation. Les groupements la pratiquent déjà. A Sicarev, on propose un certain nombre de contrats avec prix garantis. « C’est une prise de risque pour l’organisation de producteurs, mais c’est aussi son rôle », estimait Philippe Dumas. « Chez nous, nous avons la chance d’avoir des abattoirs performants. Pourtant, 15.000 vaches maigres quittent la région chaque année », déplorait pour sa part Yves Largy. C’est pour cela que Feder propose lui aussi des contrats en femelles ou génisses primeurs. « Nous investissons aussi beaucoup dans des contrats filières de qualité et nous proposons des aides aux ateliers d’engraissement », complétait Yves Largy. La contractualisation, l’interprofession y travaille d’arrache-pied. Seul le Sniv, les industriels privés de la filière, n’y adhère pas pour le moment. « Il faut des contrats équilibrés collant aux coûts de production et qui servent une filière sur un créneau donné. Ils doivent permettre de sécuriser les éleveurs et les entreprises. Si l’on arrivait à contractualiser 20 % du volume, alors ce serait l’indicateur de marché de demain », estime Guy Hermouët.

Des inflexions sont possibles


Au terme de cette conférence, Jean-Pierre Fleury synthétisait ainsi la situation : « le potentiel de production et la productivité sont au rendez-vous en Bourgogne. Mais il y a un virage sociologique à accomplir. Il s’agit de démontrer que ce métier est vivable et viable pour attirer les jeunes. Des inflexions sont possibles, notamment dans le financement des exploitations. En élevage, le capital nécessaire est 2,5 fois plus élevé à l’hectare qu’en céréales. Et on demande à ce qu’il soit remboursé en 15 ans seulement ! Il est aussi urgent de répondre à la question des apports de capitaux », estimait Jean-Pierre Fleury.
Sur la compétitivité, le responsable régional estimait que « l’élevage souffre de deux boulets : les charges et les surcoûts environnementaux ». Quant à l’adaptation des exploitations proprement dite, elle passerait par davantage d’autonomie alimentaire - en sachant qu’il faut aussi que la Pac prenne en compte cette nécessité agronomique, précisait Jean-Pierre Fleury. L’amélioration génétique constitue également un levier essentiel pour générer des gains économiques. Enfin, le représentant de la chambre régionale appelait aussi à un effort d’organisation de la filière.



Bourgogne


Huit broutards sur dix sont exportés 

La Bourgogne se distingue par une très forte prépondérance du maigre (deux tiers de la production). La France est aujourd’hui obligée d’importer des femelles alors que les JB sont exportés. 83 % des mâles sont vendus en broutards. A lui seul, le grand Massif central produit 63 % des broutards charolais français. Huit broutards sur dix sont exportés, essentiellement en Italie. Le grand Massif central (Saône-et-Loire et Allier principalement) ne produit que 13 % des JB français
Grands troupeaux et forte productivité 
La Bourgogne détient aujourd’hui le plus important cheptel allaitant de France. 458.000 vaches à 90 % charolaises, dont 48 % en Saône-et-Loire. Tandis que les exploitations continuent de se restructurer, la part des cheptels de plus cent vaches progresse. Si le nombre de vaches par élevage ne cesse d’augmenter, en revanche la main-d’œuvre fait le contraire. Le nombre de vêlages par actif progresse constamment et, avec lui, la productivité des exploitations bourguignonnes. 
Génétique et outils d’abattage 
Si la production de maigre est prépondérante en Bourgogne, la région est assez bien dotée en outils d’abattage avec deux abattoirs de dimension industrielle. 28 % des éleveurs sont engagés dans une démarche de qualité. A noter aussi l’importance économique de la vente d’animaux reproducteurs.