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La filière céréales veut faire face à la concurrence Russe

Le 21 mars s’est tenue une matinée de réflexion sur la concurrence, de plus en plus forte, de la Russie sur le marché international des céréales, à l’initiative de France Export Céréales. La France perd peu à peu des marchés, sur lesquels elle était parfois leader, notamment en Afrique.

Par Publié par Cédric Michelin
La filière céréales veut faire face à la concurrence Russe

France Export Céréales a organisé le 21 mars une matinée sur le thème « renouer avec les clients », tournée vers la question des échanges internationaux et particulièrement de la concurrence russe. « Elle avance tout doucement sur notre terrain de jeu », prévient Jean-François Loiseau, président de l’Intercéréales. Sur les 10 dernières années, les exportations de céréales russes ont augmenté de 270 %. Depuis 2015, la Russie était passée première exportatrice de blé, avant de se faire dépasser de peu par les Etats-Unis en 2017. Les deux nations restent au coude à coude, à 0,2 millions de tonnes près.

Parallèlement, la filière française a profité de nombreuses années de politique agricole plutôt favorable à son développement. Mais elle va devoir se réinventer pour palier à la réorientation de cette politique de moins en moins dirigée à son intention. « Il faut être très conscient que cette politique est derrière nous », met en garde Jean-François Loiseau.

Alors qu’en Russie, le gouvernement met en place des subventions pour favoriser le transport ferroviaire du blé, de plus les ports se modernisent pour augmenter les capacités exportatrices du pays. La filière russe fait en effet face à des difficultés d’acheminement et de stockage. « Les wagons sont souvent utilisés pour stocker les céréales et sont vieillissant, de même, 60 % des silos ont été construit il y a plus de 30 ans, ne respectant pas les normes actuelles », explique Maria Mozgovaya de la compagnie Louis Dreyfus Company.

Etre plus à l’écoute des attentes des clients

Les difficultés logistiques n’ont cependant pas empêché le blé russe de grignoter des parts de marchés à la France et particulièrement en Afrique Subsaharienne. La France est passée de plus de 30 % de part de marché il y a 10 ans, à moins de 15 % durant la campagne 2016/2017. En excluant les importations du Nigéria de la zone, la part de marché française est même passée d’environ 65 % à moins de 30 %. Au Sénégal par exemple, le blé tendre français était largement majoritaire, oscillant entre 80 et 100 % des importations jusqu’à la campagne 2016/2017. L’année dernière, et les prévisions semblent confirmer cette tendance pour 2018, la part du blé tendre français a chuté à 24 %, alors que celle de la Russie est montée à 45 %. « Avec les mauvaises récoltes de 2016, la Russie a saisi l’opportunité de rentrer sur notre marché et son blé s’est avéré répondre à 100 % à notre cahier des charges pour l’indice W et les protéines », explique Imad Talil, du groupe sénégalais Olam. « Le mélange de blé peut laisser une place au marché français mais seulement si les prix sont intéressants », précise-t-il. Le prix n’est pas le seul reproche adressé au blé français. « Certains indices, comme le gluten, ne sont pas trop pris en compte en France alors que c’est important dans notre pays », détaille Imad Talil. Un constat partagé par Pierre Duclos, trader et membre du Syndicat national du commerce extérieur des céréales : « on a tendance en France à être davantage à l’écoute du fournisseur que du client ». Si le blé français est salué pour l’homogénéité de sa qualité, il gagnerait peut-être à se diversifier pour répondre aux attentes d’un plus large panel de consommateurs.

Une question de rapport de force géopolitique

Mais Pierre Duclos demande aussi au gouvernement de faire un travail de lobbying pour la filière sur la scène internationale, comme celui que peut faire le gouvernement russe et son président Vladimir Poutine. « On se sent un peu oublié et nous ne sommes pas prêts à prendre des risques que l’on serait seuls à affronter », déclare le trader.  Or le gouvernement Russe n’hésite pas à s’engager pour sa filière. En Egypte par exemple, le Kremlin a réussi à établir un rapport de force en sa faveur. Comme l’explique Rolland Guiragossian de France Export Céréales : « la Russie est un partenaire stratégique de l’Egypte et l’Etat s’implique dans les échanges céréaliers entre les deux pays ». Au-delà d’avantages liés à la proximité des deux pays pour le coût de livraison, la Russie peut aussi faire pression au niveau politique et économique. Le financement de centrales nucléaires, la coopération militaire ou la menace de bloquer les flux touristiques vers l’Egypte ont permis à la Russie de se placer en interlocuteur et fournisseur incontournable.