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PRODUITS LAITIERS

La filière laitière s’inquiète du retour des taxes Trump

La filière laitière française redoute la mise en place de barrières douanières comme en 1999, qui fermeraient les portes de ce marché estimé à 350 M€ en 2024. Fromages d’entrée de gamme, ultrafrais, beurre et caséine pourraient être les plus touchés.

La filière laitière s’inquiète du retour des taxes Trump
Pour la filière laitière, le marché américain a représenté 350 millions d’euros (M€) d’exportations en 2024 (300 M€ en 2023), en hausse régulière ces dernières années. ©A.Roche_A.Bretin_Cniel

Avis de gros temps sur la filière laitière française. La menace de taxes sur les produits importés de l’Union européenne (UE) agitée par Donald Trump ne laisse pas indifférents les professionnels des produits laitiers qui réfléchissent sur leur impact éventuel. Dans une note de situation interne du Cniel (interprofession), datée de février, on peut lire que « l’ouverture d’une nouvelle guerre commerciale se profile » après « les annonces récentes concernant une hausse des droits de douane sur les produits chinois, canadiens et mexicains (qui) vont dans ce sens ». Pour la filière laitière, le marché américain a représenté 350 millions d’euros (M€) d’exportations en 2024 (300 M€ en 2023), en hausse régulière ces dernières années. La France exporte surtout des fromages (deux tiers des exportations en valeur) représentant 250 millions de litres équivalent lait en 2024 (200 millions de litres en 2033), suivis des produits ultra-frais, de la caséine et du beurre. C’est un débouché de poids puisque les États-Unis constituent le troisième client pays tiers (hors UE) de la filière française.

L’entrée de gamme en première ligne

Si le 2 avril les droits de douane sont instaurés comme l’a indiqué le président Trump, ils toucheront sans doute l’ensemble des produits laitiers français, mais avec un impact qui peut être différent en fonction des produits. « Les fromages d’entrée de gamme comme l’emmental, mais aussi l’ultra-frais, le beurre et la caséine pourraient être les plus touchés, prévient François-Xavier Huard, président de la Fnil (industriels), tandis que les produits à haute valeur ajoutée, comme les AOP, s’adressant à des clients plus aisés, pourraient être moins concernés ». Le souvenir de la période des premières taxes Trump permet de se faire une idée des conséquences potentielles d’une décision du même type. Entre mi 1999 et le début de 2001, des droits de douane de 25 % avaient été ajoutés aux 10 % de droits de douane habituels, renchérissant les produits européens pour les consommateurs américains. « Le recul des envois de fromages (- 9 % en valeur) et de beurre (- 1 %) a été compensé par la hausse des ventes de caséines/caséinates (+ 52 %) », note le Cniel qui constate « une baisse des exportations françaises de produits laitiers en valeur entre 2019 et 2020 vers les États-Unis n’a été que de 1 % ». Les fromages ont tout de même enregistré une baisse de 14 millions d’euros entre 2019 et 2020. « Et au sein de cette catégorie, les pâtes dures (- 9 millions d’euros), notamment l’emmental (- 1 000 tonnes et - 4 millions d’euros) et les fromages type saint-paulin (- 500 tonnes, - 3,6 millions d’euros). À l’inverse, les ventes de pâtes molles ont progressé (+ 400 tonnes et + 3,8 millions d’euros), notamment le brie (+ 670 tonnes, + 4,5 millions d’euros) et celles de bleus (+ 170 tonnes, + 1,5 million d’euros) », détaille le Cniel.

Peu d’alternatives disponibles

Reste à savoir quelles seraient les alternatives pour la filière laitière. Selon François- Xavier Huard, les marges de manœuvre sont limitées : trouver des marchés de report comme l’Amérique du Sud ou d’autres pays européens, mais il faut que les produits soient compétitifs, ce qui n’est pas toujours le cas, ou produire sur place, ce qui est réservé à peu d’opérateurs et possible seulement pour certains produits. La Fnil craint que plusieurs marchés se ferment à l’image de l’Algérie, et potentiellement des USA et de la Chine, ce qui entraînerait une réduction de la collecte pour les producteurs de lait. Plusieurs questions restent toutefois ouvertes : les droits de douane seront-ils vraiment mis en place, et si oui à quel niveau et sur quels produits (65 codes douaniers de produits laitiers de l’UE avaient été soumis à un droit de douane additionnel en 1999), s’agit-il seulement d’une arme de négociation, et quelle sera la réaction de l’UE qui pourrait prendre les mesures de rétorsion ?

CB et Agrapresse