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Loi de Santé 2014

La loi doit clarifier Evin

Alors que la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a présenté
les grandes lignes de la prochaine loi de Santé publique, le doute plane
toujours sur les mesures pressenties pour lutter contre l’alcoolisme.
La Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB) et
Vin & Société ont invité les parlementaires du département pour présenter leurs
propositions.
Par Publié par Cédric Michelin
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Le 20 juin à Mâcon, la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB) avait convié le sénateur René Beaumont et le député Thomas Thévenoud. L’objet de la rencontre était clair : rappeler « l’imbroglio juridique » dans lequel la loi Evin a « dérivé » depuis sa mise en œuvre, voire son durcissement, allant potentiellement jusqu’à demain « l’entrave à la liberté d’expression » sur Internet, support universel à l’avenir. Un dossier qui ne se présente pas sous les meilleurs auspices…

Des extrémistes dans les brèches


Car le responsable du dossier à Vin & Société, Arnaud Terrisson ne cachait pas tout d'abord « une année 2013 compliquée marquée par le manque de dialogue ». A tous les niveaux puisque « le ministre de l’Agriculture nous a renvoyé sur celui de la Santé, qui n’avait pas le temps ». Ce n’est donc pas le ministère de l’Agriculture qui dirige ce dossier, seul le ministère de la Santé « s’occupe de la communication sur le vin » et les alcools.
Ce qui avait pour don d’énerver, le président de la Fédération des caves coopératives de Bourgogne-Jura, Michel Barraud, lequel fustigeait le « manque flagrant d’intelligence, où chacun est cloisonné dans son ministère, défendant ses intérêts, aboutissant à des débats incroyables où on perd la vision globale ». Et d’estimer que cela profite aux « minorités qui prennent les décisions » au final. Les dernières élections lui donnent raison...

Pédagogie contre punition


Fort de son expérience, René Beaumont acquiesçait et estimait en effet que « la majorité doit être courageuse ». Car, le monde du vin rassemble au-delà des querelles partisanes. Le député Thomas Thévenoud ne veut pas non plus d’une nouvelle vague de « logique punitive » contre le secteur vinicole. « On doit faire de l’éducation et de la prévention, mais il faut arrêter de faire les poches aux gens avec la fiscalité comportementale », indiquait-il.
Le président de l’Union des Maisons de vins de Bourgogne, Joseph Drouhin, réclamait donc maintenant de la part du Gouvernement « une volonté politique claire ». Vin & Société réclame aussi que soit réalisées des « études d’impact » sur des mesures avancées comme le grossissement du logo "femme enceinte" ou le marquage des unités d’alcool sur les contre-étiquettes. Car en Angleterre, les taxations et autres unités d’alcool n’ont pas montré de réelles efficacités contre le "binge drinking", pratique consistant à se saouler rapidement.

Contre toute radicalisation


L’Union européenne, via sa direction générale de la santé et des consommateurs (DG Sanco), a étudié la loi française, mais ne compte « pas créer de loi Evin en Europe ». Le président de l’interprofession des vins de Bourgogne (BIVB), Claude Chevalier, aimerait lui aussi voir choisi un « chemin entre le tout interdit –car les périodes de prohibition ne sont pas les plus calmes de l’histoire– et le tout autorisé ». L'association ne souhaite pas non plus médiatiser de trop le débat. Le président de la CAVB appelait néanmoins à rester vigilant, car « il y a une évolution du politique qui ouvre rapidement le parapluie et applique partout le principe de précaution. Malgré toutes nos actions… à chaque fois, nous avons subi des évolutions réglementaires. Ce projet de loi nous inquiète car il peut remettre en question un bon nombre de choses ».

La peur de l’auto-censure ?


Car en face le ton se durcit. Actuellement, des "dérives" judiciaires inquiètent la profession. Différentes formes de communication sur le vin, dans des magazines ou des campagnes de promotion interprofessionnelles ont été condamnées, malgré des messages responsables comme "Boire moins, boire mieux" à Bordeaux. Le verbe boire est ici en cause. Vin & Société estime donc que c’est la définition même de publicité actuellement qui est source « d’interprétation erronée » de la part des juges. Et l'auto-censure gagne...
Récemment, La Poste a refusé de créer un timbre représentant une vigne... La Poste craignait en effet d’être attaquée en justice ! Pourtant, Jean-Michel Chartron avait « évité de prendre une photo de bouteille ou une photo de verre parce que je sais très bien que la Loi Evin existe. Je n’ai pas du tout compris cette décision […] la vigne que je souhaitais mettre en exergue sur ce timbre-poste est un Grand cru, c’est un Chevalier Montrachet, une des multiples parcelles de la Bourgogne qui font l’objet d’un dossier au classement mondial de l’Unesco. On marche vraiment sur la tête : d’un côté on m’interdit d’afficher ce joli paysage de vigne et de l’autre la France présente au monde ces parcelles de vignes comme étant quelque chose d’unique pour la France ».
Le droit des marques est également en jeu. « Même si ces produits n’avaient rien à voir, un fabricant de bougies a attaqué le nom d’une cuvée de Cognac, pour ne pas avoir de problème et pouvoir faire de la pub par la suite ».
Vin & Société va donc soumettre aux parlementaires une définition « intelligente » de la publicité pour éviter « ce flou juridique », lequel « oblige à faire des campagnes de communication différentes en France et à l’étranger ». « Les professionnels de la vigne et du vin continueront de diffuser des messages responsables pour lutter contre l’alcoolisme », répète Arnaud Terrisson qui entend donc « sortir par le haut de ce débat » tout en étant « vent debout contre toute radicalisation du message sanitaire ».

Revenir à l’esprit originel de la loi


La Loi Evin visait à encadrer la publicité pour éviter les abus et protéger les populations à risque, en particulier les jeunes. Ce cadre légal adopté en 1991 est l’un des plus restrictifs au monde. Malheureusement, la Loi Evin n’a pas donné de définition de la publicité. Face à ce vide juridique, les juges se sont substitués au législateur et ont défini la publicité comme « tout acte en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article ayant pour effet, quelle qu’en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique ».
En ligne depuis le 10 juin 2014, le site (www.vinetsociete.fr/revenezmonsieurevin) est un espace de débat et d’information dédié à la Loi Evin. Vin & Société au nom des 500.000 acteurs de la vigne et du vin appelle à un débat constructif et fait trois propositions :
· revenir à l’esprit originel de la Loi Evin : encadrer la publicité et protéger les populations à risque ;
· clarifier les frontières entre ce qui relève d’une part de la publicité, d’autre part de l’information journalistique, du divertissement, de la création artistique et culturelle ;
· permettre d’exprimer des messages de consommation responsable (seule l’incitation à l’abus devant être condamnée) dans les publicités et diffuser les repères de consommation du PNNS (Programme national Nutrition Santé) et culturelle.