Sciences et société
La passion a remplacé la raison
Le monde est fou. La science ne convainc plus. Sur les réseaux sociaux,
c’est l’hallali contre le glyphosate. De nombreux sites "alternatifs"
proposent un désherbant "maison", confectionné à base de produits
"naturels"... qui se révèlent être plus toxiques et plus chers à l’usage
!
c’est l’hallali contre le glyphosate. De nombreux sites "alternatifs"
proposent un désherbant "maison", confectionné à base de produits
"naturels"... qui se révèlent être plus toxiques et plus chers à l’usage
!
Pour nos contemporains, tout ce qui est chimique est mauvais, tout ce qui est naturel est bon. Ils en oublient que la vie, c’est d’abord de la chimie ! Un bon exemple a été illustré il y a déjà quelque temps sur le blog Control Freaks, autour du cas du glyphosate.
Accusé de tous les maux (toxique, cancérigène et responsable de l’appauvrissement de la biodiversité), le glyphosate pourrait ne pas obtenir sa ré-homologation en Europe. Les sites "alternatifs" n’en finissent plus de lui trouver des défauts ; pourtant les particuliers aiment leurs jardins propres et leurs graviers immaculés. Une "recette" circule depuis plusieurs années sur la toile, avec un produit "naturel" et "respectueux", encore « plus efficace que le glyphosate ». Il s’agit d’un mélange de vinaigre blanc, de sel et de liquide vaisselle. Les proportions varient suivant les sites et les experts autoproclamés en malherbologie, mais prenons la formule la plus souvent conseillée pour obtenir 1 litre de "potion" : 0,9 litre de vinaigre d’alcool, deux cuillères à soupe de sel (environ 150 g) et une cuillère à soupe de liquide vaisselle (qui tient lieu d’adjuvant).
C’est plus cher...
Commençons par nous intéresser au premier argument : celui du prix. « Vous n’engraisserez pas le géant Monsanto »... Passons sur le fait que le glyphosate est tombé dans le domaine public, ce qui explique d’ailleurs le relatif faible intérêt que lui portent les lobbys de l’industrie phytopharmaceutique, contrairement au cas des néonicotinoïdes. Et calculons.
Un litre de glyphosate (360 g/l), chez Castorama, se vend au particulier à 10,90 € le litre (c’est deux fois plus cher environ que sur le marché destiné aux professionnels). Mais c’est un produit concentré : il faut le diluer à 1 %. Le coût au litre est donc de 11 centimes, et compte tenu de la surface à traiter (1 l pour 20 m²), le coût pour 10 m² est de 5,5 centimes.
Passons à la mixture "écolo". Un petit tour sur le site de vente en ligne de Colruyt pour acheter le vinaigre (0,39 €/l), le sel (0,32 €/kg) et le liquide vaisselle (1,72 €/l en premier prix). Mélangeons : la mixture revient à 45 centimes le litre... pour traiter 10 m². Soit 8 fois plus cher que le glyphosate à même surface donnée. Sans compter que la mixture "maison" n’a pas reçu d’AMM, que son efficacité n’est pas validée, et que les particuliers ont tendance à avoir la main "plus lourde" que les professionnels.
… et plus toxique
Voyons à présent la toxicité de ce mélange. Car le vinaigre, n’en déplaise aux partisans du « tout naturel, tout bon », c’est de l’acide acétique à 6 %. De la chimie ! Quant au sel, c’est du chlorure de sodium. Encore de la chimie ! Nous n’inclurons pas le liquide vaisselle dans notre estimation.
Comment mesurer la toxicité ? Un des moyens est de s’intéresser à la DL 50 par ingestion sur rat : c’est la dose qui fait mourir 50 % des sujets. On la mesure en mg/kg de poids : plus elle est faible, plus le produit est un poison. Bien sûr, à la toxicité, il faut coupler la dose, car, en toute chose, « le poison, c’est la dose » (Paracelse).
Voici le tableau récapitulatif :
Glyphosate Acide acétique Sel
DL 50 sur rat 5.108 mg/kg 3.350 mg/kg 3.000 mg/kg
Dose dans 1 l 3,6 g 72,5 g (1) 150 g
Nb de rats (500 g) tués (2) 0,7 50 21,6
Le résultat est sans appel. Le produit à la toxicité la plus faible (glyphosate) est aussi celui utilisé à la dose la plus petite. Bref, le mélange « alternatif et naturel » est bien plus toxique que le vilain produit chimique.
Bien sûr, nous passerons également sous silence l’impact environnemental, bien documenté pour le glyphosate (et avec raison, vu les quantités utilisées dans le monde), peu étudié chez le vinaigre. Quant au sel, on sait bien ce qu’il provoque dans la vie des sols...
La conclusion de cet article n’est bien entendu pas de vous inciter à remplacer la vinaigrette par le Round-up ! Mais cette petite démonstration prouve l’absurdité des débats actuellement menés par les politiques et les faiseurs d’opinion, quand la santé publique et la qualité de notre environnement mériteraient d’être suivis avec rationalité par les personnes compétentes en leur domaine.
(1) : 900 ml x 6 % (degré du vinaigre) x 1,34 (densité de l’acide acétique)
(2) : Dose de poison/DL 50. C’est bien sûr un chiffre fictif qui n’a d’intérêt que pour comparer les toxicités.
Accusé de tous les maux (toxique, cancérigène et responsable de l’appauvrissement de la biodiversité), le glyphosate pourrait ne pas obtenir sa ré-homologation en Europe. Les sites "alternatifs" n’en finissent plus de lui trouver des défauts ; pourtant les particuliers aiment leurs jardins propres et leurs graviers immaculés. Une "recette" circule depuis plusieurs années sur la toile, avec un produit "naturel" et "respectueux", encore « plus efficace que le glyphosate ». Il s’agit d’un mélange de vinaigre blanc, de sel et de liquide vaisselle. Les proportions varient suivant les sites et les experts autoproclamés en malherbologie, mais prenons la formule la plus souvent conseillée pour obtenir 1 litre de "potion" : 0,9 litre de vinaigre d’alcool, deux cuillères à soupe de sel (environ 150 g) et une cuillère à soupe de liquide vaisselle (qui tient lieu d’adjuvant).
C’est plus cher...
Commençons par nous intéresser au premier argument : celui du prix. « Vous n’engraisserez pas le géant Monsanto »... Passons sur le fait que le glyphosate est tombé dans le domaine public, ce qui explique d’ailleurs le relatif faible intérêt que lui portent les lobbys de l’industrie phytopharmaceutique, contrairement au cas des néonicotinoïdes. Et calculons.
Un litre de glyphosate (360 g/l), chez Castorama, se vend au particulier à 10,90 € le litre (c’est deux fois plus cher environ que sur le marché destiné aux professionnels). Mais c’est un produit concentré : il faut le diluer à 1 %. Le coût au litre est donc de 11 centimes, et compte tenu de la surface à traiter (1 l pour 20 m²), le coût pour 10 m² est de 5,5 centimes.
Passons à la mixture "écolo". Un petit tour sur le site de vente en ligne de Colruyt pour acheter le vinaigre (0,39 €/l), le sel (0,32 €/kg) et le liquide vaisselle (1,72 €/l en premier prix). Mélangeons : la mixture revient à 45 centimes le litre... pour traiter 10 m². Soit 8 fois plus cher que le glyphosate à même surface donnée. Sans compter que la mixture "maison" n’a pas reçu d’AMM, que son efficacité n’est pas validée, et que les particuliers ont tendance à avoir la main "plus lourde" que les professionnels.
… et plus toxique
Voyons à présent la toxicité de ce mélange. Car le vinaigre, n’en déplaise aux partisans du « tout naturel, tout bon », c’est de l’acide acétique à 6 %. De la chimie ! Quant au sel, c’est du chlorure de sodium. Encore de la chimie ! Nous n’inclurons pas le liquide vaisselle dans notre estimation.
Comment mesurer la toxicité ? Un des moyens est de s’intéresser à la DL 50 par ingestion sur rat : c’est la dose qui fait mourir 50 % des sujets. On la mesure en mg/kg de poids : plus elle est faible, plus le produit est un poison. Bien sûr, à la toxicité, il faut coupler la dose, car, en toute chose, « le poison, c’est la dose » (Paracelse).
Voici le tableau récapitulatif :
Glyphosate Acide acétique Sel
DL 50 sur rat 5.108 mg/kg 3.350 mg/kg 3.000 mg/kg
Dose dans 1 l 3,6 g 72,5 g (1) 150 g
Nb de rats (500 g) tués (2) 0,7 50 21,6
Le résultat est sans appel. Le produit à la toxicité la plus faible (glyphosate) est aussi celui utilisé à la dose la plus petite. Bref, le mélange « alternatif et naturel » est bien plus toxique que le vilain produit chimique.
Bien sûr, nous passerons également sous silence l’impact environnemental, bien documenté pour le glyphosate (et avec raison, vu les quantités utilisées dans le monde), peu étudié chez le vinaigre. Quant au sel, on sait bien ce qu’il provoque dans la vie des sols...
La conclusion de cet article n’est bien entendu pas de vous inciter à remplacer la vinaigrette par le Round-up ! Mais cette petite démonstration prouve l’absurdité des débats actuellement menés par les politiques et les faiseurs d’opinion, quand la santé publique et la qualité de notre environnement mériteraient d’être suivis avec rationalité par les personnes compétentes en leur domaine.
(1) : 900 ml x 6 % (degré du vinaigre) x 1,34 (densité de l’acide acétique)
(2) : Dose de poison/DL 50. C’est bien sûr un chiffre fictif qui n’a d’intérêt que pour comparer les toxicités.
