La performance dilue les charges
« Sur ces charges de structure, il nous est difficile d’agir. Fermage, propriété, qualité des terrains, bâtiments, équipements… : c’est l’historique des exploitations qui est en jeu », explique Pierre-Antoine Comte, responsable service technique à Charolais Horizon. C’est sur les charges opérationnelles (alimentation, frais vétérinaires, soins…) qu’il semble plus logique de jouer en termes de conseil.
Alimentation : 50 % des charges opérationnelles
Dans le groupe étudié, ces charges opérationnelles représentent 37 % des charges courantes et 30 % du coût de production de bovins viande. Le poste alimentation représente 17 % des charges courantes, mais près de 50 % des charges opérationnelles. Une alimentation qui pèse lourd et dont on pourrait logiquement penser qu’il faut en réduire la facture à tout prix. Toutefois l’analyse économique des 53 exploitations de l’échantillon fait ressortir que certains éleveurs dont les charges alimentaires sont supérieures à la moyenne obtiennent de très bons résultats économiques, révèle Pierre-Antoine Comte. En fait, c’est parce qu’ils produisent beaucoup de kilos de viande que le résultat est « bon ». Cette productivité des ateliers, qui est permise par un investissement pertinent en aliment, a même pour effet de « diluer les charges fixes (bâtiments, matériel…) qui elles ne font pas gagner de kilo ! », fait remarquer le technicien.
« Saturer l’outil de production »
Dans le groupe, un éleveur affiche ainsi un coût de production inférieur à la moyenne : 970 €/UGB contre 1.114 €/UGB pour le groupe, alors même que son coût alimentaire est supérieur de +38 % à la moyenne : 212 €/UGB contre 154 €/UGB pour le groupe. « Cet éleveur met le paquet sur l’alimentation en investissant utilement en concentrés, engrais, conduite des surfaces fourragères (herbe, maïs). Il constitue ainsi des stocks qui lui permettent de nourrir et engraisser toute sa production. Cet éleveur produit 74 tonnes de viande vive par an alors que le groupe n’en produit en moyenne que 41 tonnes », illustre Pierre-Antoine Comte. Au final, cet éleveur, qui au demeurant possède un très bon cheptel, optimise ses charges en rendant son système très productif. « Il produit 396 kg de viande par UGB contre 308 kg pour la moyenne du groupe », indique le technicien. En faisant produire davantage de kilos de viande à son cheptel, l’éleveur dilue ses charges opérationnelles et surtout ses charges de structure qui compte pour 63% des charges courantes. C’est une façon de « saturer l’outil de production comme on le ferait dans le secteur industriel », fait remarquer Pierre-Antoine Comte.
Produire des kilos de viande
Cette approche tend à démontrer que le critère numéro un de la réussite économique d’un élevage allaitant est la production en tonnes de viande vive avec comme corollaire la maîtrise du coût de production. Un atelier viande doit avant tout produire des kilos de viande ! Et c’est cette productivité de l’outil qui sert à maîtriser les charges. L’analyse des comptabilités des exploitations prouve ainsi que recourir à un aliment haut de gamme n’est pas une hérésie s’il y a des kilos et une valorisation derrière. En revanche, oser certaines impasses fait courir des risques. « Une impasse sanitaire risque d’aboutir à des vaches moins grosses donc moins bien valorisées. Une impasse alimentaire induit une durée d’engraissement plus longue, une conformation inférieure, une date de sortie tardive et donc une moindre adéquation au marché… », fait remarquer Pierre-Antoine Comte.
« On se rend compte que ce sont les éleveurs qui savent investir là où il faut qui s’en sortent le mieux », résume le technicien de Charolais Horizon. Des postes clés (alimentation, produits vétérinaires, minéraux, oligo-éléments, vitamines…) qui, s’ils sont investis avec rigueur et clairvoyance, s’avèrent au final payants.
L’optimisation des charges plus que le système lui-même
La réussite économique d’une exploitation n’est pas liée au système de production mais à l’optimisation des charges. Dans le groupe étudié au sein du groupement Charolais Horizon, un élevage en système mâles maigre/femelles grasses parvient à produire autant de tonnes de viande par unité équivalente que ceux qui engraissent la totalité de leurs animaux. Conséquence immédiate, son coût de production est très faible par rapport à la moyenne de son groupe. « Cet éleveur est un très bon soigneur. Ses broutards sont exceptionnels tant en conformation qu’en poids. Ses vaches reçoivent un aliment haut de gamme. L’état sanitaire des petits veaux est particulièrement bien maîtrisé d’où l’absence de retard de croissance dans l’hiver. Il y a aussi la préparation des mères en amont », fait remarquer Pierre-Antoine Comte.
La productivité pèse plus lourd que le reste
Cette approche pointe aussi que « c’est avant tout le prix d’équilibre qui compte, bien avant les autres produits », fait remarquer Pierre-Antoine Comte. Autrement dit, dans les exploitations les plus performantes (dont les plus intensives ne touchent pas forcément de PHAE), la part d’aides Pac ne jouerait finalement qu’un rôle très secondaire dans le revenu… Autre concept qu’il convient de manipuler avec discernement : le revenu est certes corrélé pour partie au prix de vente des animaux, mais ce qui fait vraiment la différence, c’est l’optimisation de la productivité technico-économique de l’outil.