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Compétitivité de l’agriculture française

La productivité s’essouffle

Selon une étude de l’Inra, la production agricole stagne depuis 15 ans
et la productivité s’essouffle. Une évolution qui s’expliquerait par
l’effet du changement climatique sur les grandes cultures et sans doute par le
durcissement des contraintes environnementales sur les productions
animales.
Par Publié par Cédric Michelin
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« Depuis le début des années 1990, la production agricole et agroalimentaire française stagne et les gains de productivité diminuent » indique l’Inra dans une étude publiée en février 2012 par son Département des sciences sociales. De 1960 à 1996, la production agricole a augmenté de 1,6 % par an, ce qui correspond à un quasi doublement sur la période. Selon l’Inra, une part importante de cette performance tient à l’amélioration de la productivité du travail (près de 5 % par an) avec en contrepartie la diminution des emplois agricoles, le solde étant lié à l’augmentation de la productivité de la terre (+1,8 %), c'est-à-dire des rendements. Alors que les productivités des consommations intermédiaires et du capital ont été légèrement décroissantes sur la période, entre -0,4 % et - 0,8 % respectivement. Rupture de tendance depuis 1996, la production stagne et les gains de productivité se sont essoufflés pour s’établir à + 0,6 % par an. Et si la productivité du travail a continué à progresser (2,1 %), les autres facteurs de compétitivité (consommations intermédiaires, capital, terre) sont devenus inexistants, voire négatifs. Conséquence de cette perte de productivité, l’essoufflement de nos performances à l’exportation. Depuis le milieu des années 90, nos importations en volume progressent plus vite que nos exportations. Pour l’Inra, il ne fait guère de doute que les réformes successives de la Pac (baisse des prix, découplage des aides, élimination des restitutions) et l’accroissement de la concurrence étrangère sont à l’origine de la stagnation de la production. Et de citer le plafonnement de la production de viande bovine, celle de la production laitière et ceux des rendements dans les grandes cultures depuis le milieu des années 90.


Le progrès génétique disculpé




Agronomes et économistes n’attribuent pas cette stagnation des rendements à un changement de pratiques des agriculteurs. Stagnation des rendements et tassement de l’utilisation des engrais et des pesticides sont allés de pair. Selon les généticiens, il n’y aurait pas de baisse du progrès génétique, notamment pour le blé. L’argument le plus souvent avancé est celui des effets du changement climatique, avec des épisodes météorologiques défavorables à la culture du blé tendre « très sensible à la variabilité des températures ». Observateurs et scientifiques évoquent également le raccourcissement des cycles de rotation et l’augmentation de la culture de colza « générant un recours plus important aux pesticides ». Selon l’Inra, « l’hypothèse d’une rupture du progrès technique peut donc être admise en France qui serait pénalisée par sa spécialisation dans des cultures fragiles et exigeantes en intrants (blé tendre, colza) ». Quant à l’hypothèse selon laquelle les contraintes liées à l’environnement et à la santé publique expliqueraient la perte de compétitivité de l’agroalimentaire français, l’Inra considère que leur poids est assez faible pour expliquer un ralentissement des gains de productivité. Du moins en production végétale. L’Institut de recherche est plus nuancé pour les productions animales. « La mise aux normes des bâtiments d’élevage, l’instauration de conditions sur l’épandage ou l’identification des animaux ont sans doute généré des coûts qui peuvent être la source de la détérioration de la productivité des consommations intermédiaires et du capital ». Même observation pour les industries agricoles et alimentaires. La détérioration de la productivité dans les industries de la viande est sans doute imputable, pour une part, aux mesures instaurées après la crise de la vache folle et les différentes crises sanitaires.

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