La race bovine charolaise est sans réserve la championne de l'adaptabilité !
Point d'orgue de la clôture de la seconde journée de concours national, une table ronde a réuni différents acteurs et intervenants de la production, la vente et l'achat de viande bovine. Au menu, une réflexion sur la capacité de la race bovine charolaise à s'adapter à tous les modes de commercialisation. En démonstration, la « flexibilité » d'une race herbagère, capable de répondre à toutes les attentes, du standard au haut de gamme et dans les circuits de vente directe les plus exigeants.
« Quoi qu'on en dise et quoi qu'en pensent ses détracteurs, la race charolaise est bien la première race herbagère présente dans de multiples filières ». Hugues Pichard, le président de l'OS charolais, a d'emblée donné le ton dès lors de la table ronde, soulignant au passage l'importance du progrès génétique et en particulier de la génomique sur une qualité essentielle : la tendreté de la viande. Toute la table ronde, particulièrement orientée sur la vente directe et les circuits de proximité, a clairement démontré qu'au-delà des qualités intrinsèques de la viande charolaise et en dépit d'un imaginaire fort, qui séduit et rassure, l'objectif primordial, c'est bien « de ne pas décevoir le consommateur ». Et au final, le niveau de tendreté reste la condition essentielle de sa satisfaction.
Que l'éleveur pratique la vente "en direct" (en caissette et/ou en piécé) ou qu'il délègue cette activité à une structure, la satisfaction du client et la visibilité conférée par les outils de promotion à son produit représentent deux conditions essentielles à la réussite de l'entreprise dans le temps. Et en matière de qualité, la viande charolaise bénéficie d'un pré-supposé sur lequel il faut capitaliser.
En vente directe…
Cela demande du temps, beaucoup de temps, comme le faisait remarquer Sébastien Girardet, éleveur engagé depuis deux ans dans la vente directe. Cette option commerciale répond d'abord à une nécessité économique, tant « la rémunération actuelle n'est pas au rendez-vous du fait de prix trop bas ». Et cette situation ne laisse justement pas vraiment le choix aux éleveurs. Sébastien Girardet est convaincu que si les prix arrivaient à un niveau qui assure une rémunération décente, beaucoup d'éleveurs ne se lanceraient pas dans l'aventure car la vente directe, il en témoigne, « nécessite d'acquérir de solides compétences dans beaucoup de domaines nouveaux. Et il faut du temps... ». Quand on a actionné tous les leviers de compétitivité disponibles (réduction des charges, autonomie alimentaire, fiscalité, évolution des pratiques, etc), il reste la vente directe. Or c'est un parcours difficile dans lequel l'erreur est immédiatement sanctionnée, mais cela peut être aussi gratifiant lorsque le contact permet de justifier ses choix professionnels et de valoriser ses « pratiques vertueuses ». C'est un langage que le consommateur apprécie et comprend.
Avec des prix rémunérateurs…
L'autre possibilité, c'est de recourir à des compétences extérieures à l'exploitation pour assurer la commercialisation. Que l'on s'appelle BDM-MBD ou Nature et Région, cette vente directe "déléguée" s'appuie essentiellement sur la vente en ligne. Avec un fort ancrage territorial, mais une ouverture commerciale très large, ciblant une clientèle citadine à fort pouvoir d'achat. Déléguer la commercialisation de sa production ne veut pas dire se désintéresser du résultat. Dans les deux cas de figure, l'éleveur reste au centre du dispositif.
Chez BDM-MBD le travail de terrain se fait avec l'appui d'une nutritionniste animal « pour que les exploitants soient mieux armés » et plus efficaces économiquement. Un prix rémunérateur, c'est également la base d'un partenariat équilibré chez Nature et Région. A charge pour l'entreprise qui prend en charge la commercialisation, de trouver sa rentabilité en ciblant les marchés et en innovant en termes de communication produit. Ces partenaires n'hésitent pas à investir dans un atelier de découpe et de transformation, pour maîtriser l'ensemble de la chaîne de valeur. L'important dans ces deux témoignages c'est que l'on montre que l'inversion du processus de formation du prix, en partant des coûts de production de l'éleveur et de sa juste rémunération, ne nuit aucunement à la rentabilité de l'ensemble, quand chacun assume pleinement sa responsabilité.
Par le sauvetage d’un abattoir local…
Autre témoignage, autre problématique, celui des responsables et financeurs de l'abattoir de Saint-Amand-Morond, dans le Cher. Un témoignage qui rappelle les investissements nécessaires pour assurer le sauvetage et la pérennité d'un petit abattoir local. Sans l'engagement financier très important et la ténacité de la collectivité territoriale, rien n'aurait été possible. Mais la note s'avère salée, car le vrai coût d'un tel engagement s'évalue dans la durée, au rythme des mises aux normes et des investissements. Ce type de projet ne peut donc être mené à bon port que dans le cadre d'un réel soutien politique et financier des élus et des collectivités, en l'occurrence le Pays Berry-Saint-Amandois. Les acteurs d'un tel projet doivent avoir les reins solides au regard des sommes engagées. Ce travail de fond trouve toute sa visibilité dans la création d'une marque, "Bessy Bocage" qui identifie le territoire et ses productions.
Dans la restauration collective…
Au-delà de la vente directe, dont on a bien perçu le potentiel et les contraintes, reste un territoire de commercialisation très (trop !) peu investi : la restauration hors domicile (RHD) et tout ce que les territoires comptent de cantines, qu'elles soient dans les établissements scolaires, les Ehpad, les maisons de retraites, les restaurants d'entreprise, etc.
Là, « tout ou presque reste à faire », soulignait Emmanuel Bernard, vice-président de la FNB et administrateur d'Interbev. Ce formidable potentiel est peu exploité du fait de la complexité des circuits, des conditions d'appel d'offre, des habitudes et des pratiques trop bien ancrées chez les gestionnaires, les intendants et les cuisiniers... Les contraintes logistiques et les volumes à produire sont autant de freins que le Conseil départemental de la Nièvre, comme en témoignait sa vice-président, Jocelyne Guérin, s'évertue à lever en associant toutes les bonnes volontés. L'objectif est de valoriser la production locale dans les cantines des établissements du département. Pour y parvenir, « le Département se veut facilitateur et coordonateur de toutes les initiatives permettant d'introduire de la viande locale, sans augmentation de prix pour les familles ».
Alors, quel charolais produire demain ?
La réponse apportée par Hugues Pichard, c'est qu'il n'y a pas un charolais, mais des charolais. Et en la matière, l'adaptabilité aux territoires, aux terroirs et aux circuits de commercialisation reste la clé du succès de la race aujourd'hui comme demain. Et pour cela, la génomique joue dès maintenant un rôle d'accélérateur dans l'amélioration des qualités intrinsèques des animaux, produits en fonction des marchés ciblés.
Anne-Marie Klein