La remise en question permanente des pratiques viticoles est nécessaire pour continuer à les faire évoluer
Il n’est jamais inutile de le rappeler : la viticulture évolue en permanence dans ses modèles et pratiques. La Maison Latour et le Domaine Clavelier font d’ailleurs le constat de progrès importants, mariant tradition et modernité, pour de meilleurs équilibres environnementaux, en visant toujours plus d’efficacité. Mais rien ne sera jamais parfait dans la nature et les techniques humaines, ce qui n’empêche pas de tendre vers cet objectif et continuer de chercher les meilleurs compromis et solutions, tant en bio qu’en conventionnel ou en lutte raisonnée. Témoignages.

Salarié de la Maison Latour à Beaune, Boris Champy s’est replongé dans les archives du négociant pour comparer avec l’année 2016 si « particulière, avec l’épisode de gel ». Il a ressorti ses données techniques de 1991, similaires. Finalement, quitte à étudier les archives sur le gel, il décide d’en tirer d’autres observations pour d’autres aléas, ravageurs et maladies.
Premier constat : alors que 2016 n’a pas été facile pour lutter contre le mildiou, il s’aperçoit que la Maison a fait moitié moins de traitement en 2016 par rapport à 1991. Idem dans sa lutte contre l’oïdium. « Assez représentatif des pratiques se faisant en Bourgogne », la Maison Latour est également passé de quatre antibotrytis à zéro, trois antiacaricides à zéro, deux traitements contre les vers de la grappe à zéro… Côté fertilisation, la Maison est passé des engrais chimiques à l'apport de compost depuis quinze ans… « Bref, malgré beaucoup de choses qu’on entend, il y a eu des progrès incroyables accomplis lors de ces vingt-cinq ans dernières années ».
Question d’équilibre
Il y voyait là une remise en place aussi de certains équilibres. L’abandon des anti-botrytis est venu de l’effeuillage des vignes chaque année d’un côté du rang en faisant très attention aux entassements de feuillage, et cela dès la taille de la vigne. Pour remplacer des molécules chimiques, il utilise simplement des techniques anciennes appliquées de manière plus précises. L’abandon des acaricides, suite à la suppression de plusieurs molécules anti-mildiou, a permis « la remise en place » de certains équilibres suite au déséquilibre auparavant de population d’insectes qui luttaient contre les araignées.
Chaque changement de pratique a son lot de nouvelles conséquences par contre. « Nous faisions plusieurs désherbants et nous sommes presque à zéro grâce au travail du sol. C’est positif. Mais en passant dix fois dans l’année ainsi, nous tassons nos sols et sommes dès lors obligés de passer une décompacteuse, ce qui fait que nous utilisons beaucoup de fioul. Ces techniques sont les meilleures aujourd’hui, mais il y a encore besoin d’avancer pour des techniques encore plus satisfaisantes », notamment contre le mildiou, concluait-il sur le sauvetage in extremis de certaines vignes grâce au mois de juillet 2016 sec.
Des progrès à faire en bio aussi
Du Domaine éponyme à Vosne-Romanée, Bruno Clavelier faisait le même constat au sujet de l’évolution des pratiques viticoles. Il rajoutait le phénomène d’échaudage qu’il a rencontré pour la première fois en 1997. « L’enjeu des vignerons, et de l’agriculture plus généralement, sera de savoir s’adapter aux excès climatiques », alertait-il en invitant les chercheurs à venir sur le terrain.
En biodynamie, il travaille sur son domaine à réduire les doses de cuivre car, même à faible dose, « cela peut poser des problèmes pour certains sols », reconnaissait-il. En année normale, il réussit à descendre à 3 kg/ha de cuivre métal « même si ce n’est pas encore satisfaisant et que l’on peut encore s’améliorer avec des tas de tisanes ou macérations à apprendre ou oubliées ».
La qualité de l’eau joue également lors des pulvérisations. Il invitait à mettre l’eau de pluie en réserve l’hiver car moins contaminée (pesticides, germes…) que l’été, et surtout que celle traitée au chlore dans les réseaux de distribution collectifs d’eau. Il s’inquiétait également du dépérissement des souches plantées au bout d’une vingtaine d’année seulement. Il évoquait des pistes de recherche pour « régénérer nos pieds » autre que par bouturages ou greffes. La conservation de cépages anciens et toute la biodiversité qu'ils représentent constituent d’autres pistes.