La Saône-et-Loire agricole passe à l’offensive !
Présidée par le président de la FNSEA Xavier Beulin lui-même, cette conférence était destinée à débattre des grandes orientations à donner à l’agriculture en Saône-et-Loire. Un débat dans lequel les nombreux agriculteurs présents dans la salle pouvaient interférer à tout moment. Car c’est l’autre grande innovation de cette première conférence départementale : conformément à la volonté des organisateurs, le débat se voulait interactif. Sur écran géant s’affichaient en direct les SMS et autre "tweet" du public. Résultat : la salle avait la parole obligeant ainsi les intervenants à adapter leurs propos. « Une configuration très originale » qui a beaucoup impressionné le président national, Xavier Beulin, lequel n’a pas exclu que l’idée puisse gagner d’autres congrès…
Zone en danger
Partie prenante d’une Bourgogne qualifiée de "zone intermédiaire", la Saône-et-Loire a pour elle une grande diversité agricole avec de nombreuses AOC, des produits de qualité et une bonne image. Mais en dépit de ces atouts, la rémunération n'est pas à la hauteur de ce qu’elle devrait être. Le dernier Bilan de la Pac s'est traduit par une perte sèche de moins 32 millions d’€ pour la région, rappelait Bernard Lacour. Alors que, comme l’indiquait le président du Conseil général Rémi Chaintron, l’agriculture saône-et-loirienne dégage 1 milliard d’€ de chiffre d’affaires, que la population agricole y est encore importante et que la production en viande, vin, céréales, lait y est conséquente, le secteur est en danger. Pour preuve, le département a perdu 25 % de ses agriculteurs en dix ans. Et actuellement, un quart d’entre eux a plus de 50 ans. « 500 agriculteurs sont au RSA en Saône-et-Loire », rapportait la députée Cécile Untermayer. Au-delà des hommes, c’est le potentiel de production qui s’érode : maladies du bois dans la vigne, baisse des naissances en élevage bovin, concurrence d’autres régions dans le lait…
« Aide toi, et le ciel t’aidera… »
« Comment, tous ensemble, pouvons-nous faire en sorte de tirer vers le haut notre agriculture pour installer des jeunes et rendre l’acte de production plus rémunérateur », posait en ouverture Bernard Lacour. « Il nous appartient collectivement de donner de la lisibilité aux agriculteurs », poursuivait Marie-Odile Morin, vice-présidente de la FDSEA. C’est une véritable « feuille de route » que veulent écrire les responsables départementaux avec comme obligations de « rompre l’isolement social » et de rendre le métier « viable économiquement ».
« Personne ne défendra le territoire rural à notre place », rappelait Bernard Lacour. De fait, si tout le monde aujourd’hui a son idée sur ce que devrait être à son goût l’agriculture, rares sont les endroits où l’on aborde la question en connaissance de cause, sans idée toute faite ni crispation idéologique… L’enjeu est en effet de ne pas sombrer dans une de ces caricatures trop souvent véhiculées par les médias. Pas question d’opposer les systèmes entre eux : filières de volumes contre filières de qualité ; bio contre conventionnel ; coopératif contre privé… Il s’agit au contraire de « défendre nos produits et nos producteurs », expliquait Bernard Lacour. Défendre les hommes de l’agriculture dans toute sa diversité.
Produire reste essentiel
La première bonne nouvelle est que dans un contexte où la demande mondiale ne fait qu’augmenter, « le facteur productif reste essentiel », assurait Xavier Beulin. Un acte de production d’autant plus réhabilité que la part des aides s’amenuise. Si le président de la FNSEA rappelait toute la mobilisation de la profession ayant permis de sauver tout ce qui pouvait l’être dans la Pac (budget, part de recouplage, second pilier…), il estimait cependant que « considérer que le revenu, ce sont les aides est une erreur aujourd’hui ».
Paralysie française
« A l’heure ou des pays voisins nous taillent des croupières sur nos marchés », la question de la compétitivité est des plus prégnantes aux yeux de Xavier Beulin. Et si l’agriculture française souffre d’un handicap en termes de coût du travail, ce dernier parle aussi du « manque de compétitivité hors coût ». Car s’il est facile de reprocher au monde agricole une certaine frilosité à aller de l’avant, le fait est aussi qu’en France, tout semble plus compliqué qu’ailleurs pour prendre des initiatives… La lourdeur administrative et l’empilement des contraintes en tout genre sont unanimement dénoncés. Il en est ainsi de la procédure d’installation classée tellement plus avantageuse hors des frontières françaises. Et que dire de ces agents de protection de l’eau déboulant « colt à la ceinture » et ayant distribué quelques 3.500 PV à des paysans ayant simplement commis le délit de curer un fossé, dénonçait Xavier Beulin. Tout cela concourt à une « perte de confiance » des hommes en proie à une anxiété paralysante et qui aboutit à une France en perte de vitesse… « Il est urgent de ré-encourager l’initiative, de soutenir ceux qui veulent entreprendre », exhortait le président de la chambre d’agriculture Christian Decerle.
S’interdire de gagner…
La compétitivité française est aussi cassée par des débats de société stérilisants. Alors que « l’innovation et la recherche devraient renforcer notre compétitivité », estime Xavier Beulin, au contraire, le pays s’interdit ce qui fait la force des concurrents… « Le débat sur les OGM est très mal posé », estimait encore le président de la FNSEA. « Que reste-t-il du Grenelle de l’environnement ? », questionnait pour sa part Christian Decerle qui regrette que la démarche se soit surtout traduite par « une sanctuarisation de la nature », mais que les opportunités promises sur les énergies renouvelables soient restées sans suite… Le président de la chambre d’agriculture déplorait également le préjudice sans précédent causé par la question très médiatisée « de la malbouffe ».
Sur le marché mondial
Sur le plan de la compétitivité, tous s’accordent cependant à dire que la diversité des productions agricoles de Saône-et-Loire est un avantage comparatif par rapport à d’autres régions. Mais l’avenir de l’agriculture départementale passera par des prix de vente rémunérateurs.
« Notre salut passe par une meilleure valeur ajoutée », confiait le président de la section bovine Christian Bajard. Cela se joue au niveau des négociations internationales où face à des Etats-Unis très offensifs, la FNSEA aimerait que le secteur bénéficie « d’une véritable exception agriculturelle ». Le représentant du groupe volailler LDC rappelait que « les USA importent zéro tonne de volaille » alors que, dans le même temps, la restauration française hors foyer s’approvisionne allègrement en poulets étrangers… Russie, Ukraine, Turquie, Algérie… : le sort de l’agriculture française est tributaire de la « diplomatie économique » et dans ce domaine, « il faut un coup de main de la puissance publique et des élus », estimait Xavier Beulin.
Se prémunir contre la volatilité
Le risque lié à la volatilité des cours est une autre difficulté qu’une exploitation ne peut plus supporter. « Depuis 2007 – 2008, on est passé trois fois de suite du plus haut au plus bas sur les marchés agricoles ! Sur le seul mois de septembre 2012, la volatilité a été supérieure à ce qu’elle était habituellement sur une année avant 2007 ! », rappelait le président de la FNSEA. Ce constat appelle à une gestion du risque touchant les stocks, la fiscalité… Il faut aussi « passer un minimum de coût de revient dans les prix ».
La filière commence dans la cour de ferme…
Qui dit prix, dit « répartition de la plus-value » et relation avec la distribution. Pour Xavier Beulin, « il faut prendre conscience que la notion de filière s’impose. La liaison amont/aval est à renforcer ». « La filière, elle commence dans la cour de ferme », rappelait Guy Fonteniaud, président de Charolais Horizon. Une façon de dire que l’organisation commence par l’engagement responsable du producteur et passe ensuite par des partenariats avec l’aval (transformation, distribution…), voire le "végétal". Charolais Horizon tout comme Global et Feder se sont investis dans des contractualisations de filières. « L’organisation économique est fondamentale, mais il ne faut pas la réduire qu’au rôle des coopératives », nuançait Xavier Beulin. Le président de la FNSEA entendait par là que pour faire gagner l’agriculture française dans son ensemble, il faut dépasser les oppositions idéologiques. « Le collectif, çà se cultive. Diversité, complémentarité, solidarité, synergie : telles sont les valeurs qu’il convient d’adopter pour avancer », concluait Xavier Beulin.
Feader
De fort enjeux…
Pour Xavier Beulin, les aides du deuxième pilier de la Pac ne sont pas à négliger. De grands enjeux résident dans ce second pilier, notamment au travers d’une enveloppe « modernisation et adaptation des exploitations agricoles ». Dans ce cadre, le président de la FNSEA appelle à « une politique d’investissement cohérente entre amont et aval ». Alors que la profession a demandé à ce qu’au sein de la Banque publique d’investissement une enveloppe soit réservée pour l’agroalimentaire, Xavier Beulin laissait entendre que la Saône-et-Loire devrait avoir de bonnes cartes en main pour un soutien public dans ce cadre. Néanmoins, le trésorier de la FDSEA Lionel Borey faisait remarquer que la Bourgogne est seulement la 22e région de France sur les critères d’attribution FEADER… En hausse, le montant Feader sur la prochaine période s’élèvera à 553 millions d’euros, annonçait Rémi Chaintron. Le président du Conseil général en profitait pour rappeler que l’agro-alimentaire représente des milliers d’emplois en Saône-et-Loire.
David Cornier
« Qu’on nous laisse travailler ! »
Pragmatique, le président des JA 71 espérait que les paroles entendues ici ne se limitent pas qu’à des « effets de tribune » et débouchent véritablement sur du concret. Pointant les paradoxes d’une société qui veut du circuit court mais pas de porcherie près de chez elle ; pas d’OGM mais laisse rentrer du soja OGM par bateaux entiers…, David Cornier demandait simplement à ce « qu’on nous laisse travailler ».
Michel Barraud « L’excellence a ses limites ! »
Dans la situation préoccupante dans laquelle se trouve l’agriculture aujourd’hui, « la viticulture ne fait pas exception », expliquait Michel Barraud, président des Vignerons des terres secrètes. Parlant de la baisse des volumes de production liée aux aléas, le président soulevait les limites d’un système qui à force de pousser à l’excellence serait parvenu à mettre en péril la viabilité économique des exploitations du fait de contraintes réglementaires et environnementales excessives. Même dans l’excellence, l’acte de production demeure important. Si la production baisse, les coûts de production eux ne font qu’augmenter. Les exploitations viticoles doivent faire face à un capital démesuré avec une rentabilité difficile à gérer. S’ajoute à cela la fiscalité qui conduit à un appauvrissement des exploitations. « Certes, notre force, ce sont des productions bien particulières, mais on est quand même dans un marché mondial », résumait Michel Barraud.
Régis Dumey
« Décision historique pour la Saône-et-Loire laitière ! »
Pour le président de la section laitière Régis Dumey, « il y a un réel besoin d’organisation de producteurs pour donner de la lisibilité dans l’avenir ». Pour illustrer ce propos, le responsable évoquait le travail mené dans le département pour l’après quota. Pour anticiper « un marché qui va devenir complètement libéré où la négociation se ferait directement entre producteurs et transformateurs sans cadre protégé », la Saône-et-Loire a décidé de s’appuyer sur ses organisations agricoles « pour construire demain une organisation laitière économique ». « Que des administrateurs d’une coop céréalière aient acté de construire l’avenir laitier du département est une décision historique ! », s’enthousiasmait Régis Dumey.