LDC : une fédération de PME
avicole mardi 3 juillet en Bresse. De l’abattage à la découpe de poulets
et de dindes chez LDC à Branges, les circuits de production, de
distribution et de commercialisation de cet industriel se positionnent
sur d’autres marchés, occasions de consommations et clients que la
production AOC volailles de Bresse, présentée par Philippe Buatois à
Sornay et le CIVB.
Compétitivité sur une patte
En faisant le tour de l’outil industriel, le préfet comprenait aussi que la compétitivité peut vite basculer. En modifiant la mise sous vide des produits, c’est 50 mètres linéaires à la chaine de production qu’il faut retrouvé impérativement. Pas simple, même avec 16.500 m2 de locaux. L’outil étant conçu pour optimiser la production dans une démarche de qualité (HACCP). Autre exemple : pour mécaniser la découpe, le dimorphisme des dindes nécessite de passer à 60-70.000 dindes/semaine (contre 30.000 actuellement) pour justifier un tel équipement. Une obligation peut-être demain puisque « nous perdons des marchés au profit de l’Allemagne », alerte Christian Ragaigne. En 10 ans, la situation s’est donc inversée. « Ils ont pris le marché Suisse », rajoute-t-il en guise de symbole. Les raisons selon lui ? La taille de leurs élevages, « trois fois supérieur aux nôtres » ; le taux horaire de la main d’œuvre et la différence de fiscalité.
2.700 m2 supplémentaires
Seule objectif pour l’heure : rester compétitif, coûte que coûte. LDC poursuit donc son plan d’investissement « conséquent ». Car les clients – GMS en tête - exigent dans le même temps des produits à poids fixe, « pour faire des promotions » en magasins. Pour cette demande, un atelier élaboré a déjà nécessité « de la place pour peser, expédier et remodeler (dinde) ». 2.700 m2 de bâtiments supplémentaires (frigorifiés) vont être réalisés, en essayant de maitriser au maximum les charges de fonctionnement (isolation, récupérateur d’énergies calorifiques…). Une autre tranche de travaux en 2012-13 pour 8 millions d’€ servira sur la partie poulet, notamment pour améliorer les conditions de travail et prétraiter les eaux usés. Un stockage d’animaux vif est aussi en prévision, rue du Paradis. « Cela ne s’invente pas », riait le maire, Anthony Vadot. Au total, LDC a investit 33 M€ pour moderniser ses huit sites régionaux.
1.200 références contre 50 pour les concurrents
En face, ses concurrents belges et allemands de LDC ont dès le départ adopté un autre positionnement sur les marchés. Les Allemands font jusqu’à 2,2 millions de poulets/semaine (contre 400.000 pour LDC) dans des gammes très courtes à destination des hard discount, « en arrosant depuis l’Allemagne ». Les belges font du produit brut jusqu’aux élaborés. En revanche, « ici, on a 1.200 références produits. Eux, ils en ont 50, tout en ligne et à bas prix », comparait Christian Ragaigne.
La pression est donc forte sur les marchés. Et pour cause. Ils sont porteurs et promis à de bels avenirs. LDC constate que ces marchés viandes blanches « décollent ». Les américains en consomment 50 kg/an, contre 23 kg en France. Même si cette année, la météo vient contredire ces prévisions. Avec un début d’été peu ensoleillé, « on a pris 150 t de retard », concède le directeur, impactant du coup les mises en places suivantes.
Besoin de 75 bâtiments
C’est aussi du côté élevage que se joue l’avenir de cet industriel. Les 700 éleveurs, intégrés dans la région, font vivre 1.800 salariés au final dans huit établissements, majoritairement en Saône-et-Loire (600 CDI à Branges et 150 saisonniers). Avec la hausse des prix des matières premières rentrant dans l’alimentation des volailles, la situation est jugé « préoccupante » par LDC, depuis 2011. « On essaye de remonter les prix mais c’est une véritable épreuve de force - très dure - avec les GMS », concède le directeur du pôle Sud-Est. Les coûts de revient de la dinde tendent eux à rejoindre ceux du poulet. Il faut désormais 2,2 kg d’aliments pour faire 1 kg de viande de dinde.
L’optimisation de la chaine industrielle - et donc de valeur - est donc capitale. « On a encore besoin de 75 bâtiments volailles. Seuls trois projets ont abouti dans le département ». Un bilan amer pour Christian Ragaigne et les éleveurs. « Ici, il faut se battre contre des "comités de soutien". On a besoin de votre caution morale », réclamait-il à Pascal Mailhos, qui le lui assurait en guise d’en revoir.
De la "gniole" pour les baguer !
Installé depuis 25 ans à Sornay en volailles de Bresse AOC, Philippe Buatois est autonome avec 20 ha de céréales (maïs, blé, triticales et soja), le reste (45ha) étant livré à la coopérative. A côté, il dispose de 15 ha de parcours. Sa crainte : les nuisibles.
« Le triticale est très riche en acides aminés et en protéines, augmentant la valeur de la ration. Avec, les variétés de maïs à petits grains ronds sont plus riches que le maïs blanc se faisait à l’origine ». Philippe Buatois ne perdait pas de temps en expliquant sa passion dès le parking au préfet de Région. Ayant abandonné, l’élevage bovin pour se spécialisé dans la volailles de Bresse, il fait désormais 17.200 mises en place par an et tourne à une moyenne de production brute de 16.000, selon les pertes. Il présentait ses 1.100 poussins. Une bande ensuite emmenée en deux bâtiments. Ces derniers sont modulaires et faciles à monter et déplacer. Faisant découvrir à Pascal Mailhos sa salle d’épinette thermorégulée - et avec brumisateur pour l’hygrométrie -, cette ancienne stabulation lui permet de répondre - « même en juillet » - à la demande des restaurateurs qui préfèrent la poularde, à la viande plus gouteuse. Pour l’abattage et la découpe, il livre à Mirial et au Chapon bressan (LDC). Sa seule vente directe sont les déclassées (9%) des volaillers, qu’il vend alors aux voisins et connaissances. « Ça grogne parfois parmi ceux qui font de la vente directe car ils sont alors moins chers », reconnaît-il.
Remarquant une bouteille dans la salle d’épinette, Philippe Buatois se faisait chambrer par le conseiller du canton Frédéric Canard, « t’es sûr que ça s’est pour tes volailles ? », lorsqu’il annonçait donner de la "goutte" pour calmer les volailles lors du baguage. « Maintenant, on dit ces astuces. Mais avant, les anciens partaient avec », analysait Philippe Buatois plus sérieusement. Une transmission d’astuces qui permet de faciliter l’installation des jeunes. Faisant partie du CIVB, il leur répète : « pas d’abreuvage automatique pour les poulardes car elles ont tendance à boire tout le temps », mauvais pour la viande derrière. Autre conseil, mais là plus de gestionnaire, le CIVB constate que 11% des éleveurs ne font pas leurs céréales. « On ne peut pas tenir ainsi. C’est la ruine assurée que de tout acheter l’alimentation. Il faut faire ça au départ mais après, il faut acheter des grains quand ils ne sont pas chers, les stocker où, quand on peut, passer à l’échelle supérieur ». Un groupe de travail s’est d'ailleurs mis en place au CIVB pour encore améliorer la mécanisation des tâches les plus physiques.
Mais, Philippe Buatois ne voulait pas laisser partir le préfet de Région sans lui passer un dernier message : « Il faut laisser le renard en nuisible de ce côté de la Saône ». En effet, avec 10 % de pertes causées par les renards, buses, corneilles…, sa marge brute varie désormais essentiellement sur cette variable, plus que sur la mortalité "naturelle".