Le Beaujolais se creuse la tête à Mercurey
administratifs - du Beaujolais s’est rendue à Mercurey. Leur but :
comprendre le remembrement menée par cette commune viticole de la Côte chalonnaise il y a de cela une trentaine d’années. Dans certains
secteurs beaujolais, la déprise du foncier viticole et le manque de
repreneurs obligent à réfléchir à remembrer, pour améliorer les
exploitations viticoles.
Le remembrement de Mercurey a déjà trente ans mais est une référence par son ampleur. Viticulteur, désormais retraité, Michel Juillot expliquait le « déclencheur ». En 1981 et 1983, de violents orages ont provoqué de graves dommages dans le village : habitations et caves inondées ; chaussées détruites ; ravinement dans le vignoble et murs de soutènement emportés ; ceps de vigne déchaussés ; érosion… La répétition de ces catastrophes a provoqué une prise de conscience collective. « Le conseil général alors a dit oui pour financer à 70 % l’aménagement hydraulique à condition de faire un remembrement, ce qui ne s’était jamais fait à l’époque avec des plantations viticoles en place », se rappelle l’ancien président de l’association foncière de Mercurey.
De 100.000 francs à 200.000 € l’hectare
Alors conseiller municipal et viticulteur, Paul de Launay a du convaincre, et les 1.500 habitants et les 692 propriétaires fonciers. Presque individuellement avec 493 possédants de 0 à 1 ha (77 de 1 à 2 ha ; 74 de 2 à 5 ha). La surface à remembrer s’étendait en effet sur 1.400 ha, divisés en 4.543 parcelles et 2.336 îlots. « Le remembrement a permis de réduire de plus de la moitié ces parcelles, rarement redécoupées depuis, sauf les premiers crus (les Champs Martin) ». Car entre temps, le coût de la parcelle a « beaucoup » augmenté passant de 100.000 francs l’hectare à 100.000 €/ha en AOC village, voir 200.000 €/ha en 1er cru aujourd’hui. Remarque intéressante d’un viticulteur, dans le même temps, « le cours du vin, de 6.000 francs la pièce (228 l) vient d’atteindre les 1.000 €/pièce avec le millésime 2012. 1.300 €/pièce pour 2013 », et encore, cela fait suite aux faibles récoltes et stocks avec des marchés demandeurs.
Les “grandes” parcelles ont donc permis de mécaniser et diminuer les coûts de production des domaines exploitant en moyenne 10 ha (70 % en locations ; moins de 10 % en métayages).
Extraordinaire… après !
Ayant suivi ce dossier à l’époque, Robert Martin, jusqu’a ce qu'il y a peu le président de l’Union viticole 71, ne cachait pas la réalité : « les pressions ont été terribles ». On ne touche pas si facilement « au bout de jardin du grand père ». Avant de poursuivre : « mais si vous voulez retrouver des jeunes, il faut moderniser », lançait ce vigneron de Davayé, remembré suite au passage de la ligne TGV, à la frontière du Mâconnais et Beaujolais.
Et à Mercurey, les installations furent « nombreuses » ensuite. De l’avis même de tous les protagonistes, passés ou présents, « on ne reviendrait pas en arrière. Ce qu’on obtient est extraordinaire… après ».
La crise du Beaujolais cache…
Plusieurs maires de communes du Beaujolais faisaient remarquer que leurs « problématiques ne sont pas les mêmes » toutefois. Du sud au nord déjà. « Certes, il y a l’achat et la vente de parcelles et de grosses propriétés avec la crise viticole mais surtout le Beaujolais est en pleine mutation. La pression foncière est considérable et dans la tête des propriétaires, il y a toujours l’idée de faire des terrains pour des lotissements ». Les viticulteurs du Beaujolais faisaient eux remarquer que « les choses bougent » déjà. 460 ha de vignes - hautes et larges - ont été replantés. « Mais on voit de beaux ilots se morceler et c’est à contre-courant des itinéraires tournés vers la réduction des coûts de production », remarquaient-ils.
Avec sa vision extérieure, le géomètre insistait sur l’objectif premier et final : « on remembre des propriétés pour améliorer les exploitations. On ne discute qu’avec les propriétaires même s’il y a beaucoup de réunions avec les exploitants destinataires ».
Le négoce ou des jeunes ?
Ce qui faisait dire au président-délégué de la FDSEA de Saône-et-Loire, « il faut vraiment une volonté collective au départ car le foncier a un côté viscéral. Mais l’amélioration du parcellaire permet l’installation de jeunes. Ceux en activité doivent prendre leur responsabilité pour le renouvellement des générations », sait Bernard Lacour.
Le directeur de la Safer du Rhône proposait donc d’étudier cette possibilité pour dans un premier temps « essayer sur un territoire bien ciblé, avec une volonté locale, voire avoir un stock ».
Si les vignerons ne se mobilisent pas, le risque est de voir le négoce - « bourguignon », notait la salle - s’installer pour sécuriser ses marchés vracs. Avec donc des conséquences sur les cours…
« Comme un jeu de domino »
Après avoir détailler les procédures administratives, les anciens expliquaient ce qui concrètement a été fait. Le directeur de la Safer de Saône-et-Loire, Emmanuel Cordier, écartait d’emblée l’intervention de la Safer sur le dossier de Mercurey. « Les gens n’étaient pas vendeurs », seulement, 5 vendeurs pour 81 ares. La situation actuelle dans le Beaujolais est donc différente.
Le géomètre chargé de remembrer les 400 ha s’en souvient encore : « il fallait jouer à pousse-pousse. Il n’y avait pas que des vignes mais aussi des prés, sans bâtis. Les bois étaient une sorte de “subvention” ». Après avoir fait cinq catégories pour les sols (zones d’appellation mercurey, bourgogne grand ordinaire BGO ou polyculture) et une classification du matériel végétal, des points étaient attribués comme dans tout remembrement.
Bernard Bailly voit alors une « grosse difficulté ». Les cultures pérennes ne sont pas prévues dans les conditions d’un remembrement. La solution alors : les vignes donneront lieu à des soultes, pour compenser les échanges. La valeur du point atteint 7 francs et le montant des soultes, 6.120.000 francs. « Ça refroidit ». Y compris le département qui ne pensait pas que les travaux hydrauliques allaient se monter à 30 millions de francs. Mais, la profession a su convaincre et le remembrement s’est fait.