Le "bon sens" nitrifié par Bruxelles !
publié en urgence deux décrets et un arrêté pour répondre à la Directive Nitrate. Ils précisent notamment l’encadrement des
épandages. Informée de longue date par la préfecture, la FDSEA de
Saône-et-Loire avance ses positions. Alors qu'elle est parvenue à faire reculer l’extension des
zones, elle réclame maintenant des aides pour accompagner les éleveurs qui seront
certainement contraints de devoir augmenter la capacité de leurs fosses à lisier...
En ce début d’année 2013, 18.860 communes sont maintenant classées "zones vulnérables", selon un récent décompte du ministère de l’Ecologie. C’est 860 de plus qu’en 2012. Dans le détail, 440 communes ont été déclassées - soit seulement 2,3 % du total des communes- et 1.300 ont intégré les nouveaux périmètres. Six arrêtés préfectoraux ont été signés en fin d’année, pour remettre à jour la liste des communes concernées par des pollutions aux nitrates d’origine agricole. Sur notre département, deux agences interviennent : Rhône-Méditerranée-Corse et Loire-Bretagne.
L’agronomie écrasée par les normes
Vendredi dernier, à Pierre-de-Bresse, l'USC avait inscrit ce thème à ses travaux. Lionel Borey a œuvré à limiter les « problèmes de zonage », la zone devant être étendue dans le nord chalonnais et aussi dans le Mâconnais. « Compte tenu de nos efforts historiques et de la qualité de l’eau s’améliorant », le "contre-argumentaire" départemental apporté - par la profession et notamment la chambre d’agriculture à la DREAL - a porté ses fruits. Il ne reste "plus que" six communes sur la Dheune, entre Chagny et Bragny, qui entreraient dans le nouveau périmètre. Les agriculteurs dans la salle manifestaient néanmoins leurs mécontentement : « on a l’impression qu’il faut répondre à des normes plus qu’à des vrais critères agronomiques dans cette affaire » bruxelloise. Il est vrai que l'agronomie semble absente des discussions entre Paris et Bruxelles...
L’élevage porcin condamné…
Autre inquiétude, en passant à des programmes régionaux, les négociations sont « plus dures » avec un « raisonnement régional » impactant la méthode des bilans –que la France défend en Europe– et ses modalités de calcul. Intercultures, sols argileux, plans de fumure… les référentiels départementaux sont « remis en cause ». Les éleveurs présents dans la salle comprenaient vite le danger. Après, « si un élevage veut se monter, on ne pourra pas en hors-sol ». Le responsable de la section laitière de la FDSEA, Régis Dumey, réagissait fermement à cette « condamnation de l’élevage porcin, puis certainement bovin » dans nos zones. Surtout, pour Emmanuel Buisset, ces décisions ne sont pas « logiques ». « On nous rajoute des surfaces et des contraintes : temps d’épandage limité… Si on s’attaque à l’élevage, cela signifie qu’on s’attaque à toutes les productions », ne voulant visiblement pas voir la Bresse devenir un vaste et unique champ de céréales.
Des critères changeant à leur guise
La conseillère d'entreprises du secteur Bresse à la chambre d'agriculture, Martine Despréaux-Robelin, critiquait aussi les changements réglementaires : « vos vaches produisent plus d’azote que l’an dernier… Vous ne le saviez pas ? », ironisait-elle, sans en rire. Cette manipulation des chiffres ne trompe personne et la salle n’admettait pas ces changements fort opportuns de critères.
La FNPL a d’ailleurs dénoncé « un excès de zèle » du Gouvernement français. La nouvelle réglementation Nitrate modifie les équivalences pour l'évaluation des rejets dans les systèmes d'élevage avec un plafond de 170 kg/ha/an d'azote. Un dispositif qui pénalise particulièrement les éleveurs laitiers qui ont des systèmes à l’herbe. Une « incohérence », car, même si peu d’élevages atteindront ce plafond, « il faut prendre le système dans sa globalité, avec cette directive, on oublie la capacité des prairies à absorber l’azote », s’insurge la profession. Un contresens confirmé par la FNPL qui rappelle que, si les vaches nourries à l’herbe rejettent plus d’azote que les autres, « la réglementation antérieure tenait compte du fait que l’herbe recycle très bien ces surcroits d’azote ».
La fosse à lisier déborde…
Après la réduction des dates d’épandage autorisées, la prochaine mise au norme prévoit également d’imposer une augmentation des capacités de stockage d’effluents entre 4,5 et 7,5 mois pour les bovins, et entre 8 et 8,5 mois pour les porcins et les volailles. « Ça change tout ! » en terme d’amortissement financier, s’écriaient les exploitants. Le risque étant pour les élevages laitiers du secteur, notait Régis Dumey. Il lançait néanmoins quelques pistes de réflexion : « au prix des intrants et avec des fosses à lisier pleines à craquer, il y a des choses à faire » en matière agronomique et économique. « On valorise beaucoup mieux quand on a un système cohérent », rajoutait Martine Despréaux-Robelin.
Obtenir des aides pour le stockage des effluents
Même philosophie pour Lionel Borey : « il nous faut transformer les contraintes en atouts pour gagner en compétitivité ». Depuis décembre dernier, ce dossier « chauffe les oreilles de tout le monde » au national. Des négociations ont lieu avec le ministère de l’Agriculture. « On cherche à obtenir certaines tolérances, comme sur les Cipan (destruction chimique en TCS…) ou l’épandage en pente par exemple. Mais, le nerf de la guerre, ce sont les aides financières pour accompagner les élevages qui devront faire les mises aux normes des stockages », concluait Lionel Borey.
Ces règles sont actuellement en cours de définition au sein du Gouvernement. Le processus prévoit une période de concertation, mais avec une échéance, en septembre 2013, pour être en règle avec l’Union européenne.
Une action nationale
Dans ce dossier, le Gouvernement entend ainsi échapper aux poursuites de la Commission européenne auprès de la Cour de justice de l’Union européenne pour ne pas avoir pris de mesures suffisantes de lutte contre les pollutions de l’eau par les nitrates. « L’objectif est d’éviter des sanctions financières lourdes », selon le ministère de l’Ecologie, mais la révision n’en est pas moins douloureuse... A l'appel de la FNSEA et des JA, plusieurs départements ont manifesté un peu partout en France, le 16 janvier. À l’échelle nationale, la FNSEA a lancé une pétition contre la Directive Nitrate, relayée en Saône-et-Loire, laquelle a déjà recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures. En Saône-et-Loire, il a été préféré d'adresser une lettre ouverte au préfet et aux élus, notamment les Parlementaires, lettre au titre très explicite : "Non au monstre administratif !".
Si les zones vulnérables sont arrêtées, les programmes d’action qui y seront déployés ne sont pas encore fixés. « Le contentieux communautaire nous impose de renforcer les plans d’action, ce qui sera fait courant 2013 », a-t-on précisé au ministère.
Des zones en cours de révision
En
1991, le conseil européen a pris une directive nommée « directive
nitrates », destinée à protéger la qualité de l’eau en Europe. Cette
décision fait suite au constat d’une pollution de l’eau par les
nitrates, accrue par des méthodes de production agricole intensive. Pour
mettre en œuvre cette directive, chaque Etat membre doit opérer en
plusieurs étapes :
- l’identification des eaux de surface et des eaux souterraines touchées par la pollution ou susceptibles de l’être,
- la désignation des zones vulnérables, c’est à dire toutes les zones
connues où la pollution par les nitrates d’origine agricole menace la
qualité des eaux et plus particulièrement l’alimentation en eau potable,
- l’élaboration d’un programme d’actions arrêtant les prescriptions que
doit respecter chaque agriculteur de la zone vulnérable concernée,
- l’établissement d’un code de bonnes pratiques agricoles à mettre en
œuvre volontairement par les agriculteurs, hors zones vulnérables.
Les zones vulnérables sont définies sur la base de résultats de
campagnes de surveillance de la teneur en nitrates des eaux douces,
superficielles et souterraines, et sont redéfinies tous les quatre ans.
Les zones déterminées en 2007 sont actuellement en cours de révision.
Les quatre départements de la Bourgogne sont concernés par ces zones au
travers de cinq secteurs distincts : la nappe de la Saône, la plaine
dijonnaise, les retenues de l’Autunois, les vallées de la Loire et de
l’Allier ainsi que les plateaux calcaires de Bourgogne et du Nivernais.