Le citoyen au cœur des actions lors de Vinosphère
Dans un monde en perpétuel mouvement, il apparaît indispensable de mettre le citoyen au centre des actions.

La troisième édition de Vinosphère l’a confirmé le 14 février dernier : le citoyen doit être au centre des actions. Avec, en filigrane, une inévitable transition agroécologique et le déploiement de la charte Bourgogne pour l’amélioration des pratiques phytosanitaires. Aujourd’hui, au sein du plan de filière, il y a un engagement environnemental fort qui va pendre différentes formes. On citera, pêle-mêle, l’objectif d’avoir 50% d’exploitations certifiées en 2025, l’abandon des herbicides chimiques sur 50 % des surfaces d’ici à trois ans ou encore le renouvellement du matériel de pulvérisation peu performant d’ici à cinq ans.
Prendre son avenir en main
Viticultrice à Pommard depuis 21 ans, Anne Parent, dit s’être « posée beaucoup de questions dès le départ ». Concernant le glyphosate, elle estime que « l’on peut s’en passer. Mais ce n’est pas simple et cela a un coût ». L’occasion de partager, lors de son intervention, son expérience de l’enherbement de ses vignes. « Il faut se préparer au changement mais de manière progressive, en commençant par une ou deux parcelles. Les pouvoirs publics doivent nous aider. Il y a aussi une démarche citoyenne de notre part. Le plus dur n’est pas de changer mais de prendre la décision de changer ».
Frédéric Barnier, président de la commission technique du BIVB, a rappelé les enjeux environnementaux et sociétaux. Et de préciser l’engagement des professionnels dans une charte Bourgogne pour l’amélioration des pratiques phytosanitaires. « Un an après, il faut la faire évoluer. Ce serait bien de transformer cette charte en référentiel ». Une première version de ce référentiel devrait apparaître dans quelques jours. « Cette charte ne fonctionnera que si l’ensemble des producteurs de Bourgogne adhère et se mobilise ». Mais, visiblement, trop peu se sentent concernés. « Nous n’avons pas le choix. Aujourd’hui, nous avons la main. Il faut des gestes forts, réalisables, nécessitant quelques investissements, efforts, formations. Il faut le faire pour le bien de la collectivité et de la Bourgogne ».
Un monde en profonde mutation
Sociologue spécialiste de l’analyse des modes de vie, du changement social, de la consommation et auteur de Francoscopie 2030, Gérard Mermet s’est projeté dans le futur et a envisagé les évolutions possibles sur la période 2019-2030. L’occasion de faire un peu de prospective dans un monde de mondialisation et d’innovation.
En terme d’environnement, Gérard Mermet évoque aussi bien le réchauffement climatique que la pollution, les intempéries, le déficit d’eau potable, les déficits possibles de production alimentaire, de ressources énergétiques et de matières premières, l’accroissement de la pauvreté relative et des inégalités ainsi que les espèces vivantes menacées ou en voie de disparition. De perspectives pas franchement réjouissantes qui s’accompagneront d’une augmentation de la population mondiale avec 8.5 milliards d’être humains en 2030 (contre 7.6 milliards en 2018) dont 71 millions en France. Dans l’hexagone, les ménages seront aussi plus nombreux et de plus petite taille, passant de 2.2 à 2 personnes. L’espérance de vie atteindra 87.6 ans pour les femmes et 81.5 pour les hommes contre 85.5 ans et 78.4 ans en 2017. Il y aura plus de personnes vivant en « solo », d’urbains et de néoruraux avec de fortes tensions migratoires.
Des perspectives inquiétantes
Au niveau économique, en France, il devrait y avoir une croissance réduite, une inflation et des taux d’intérêt en hausse, un dégonflement de la bulle immobilière, le besoin de nouveaux indicateurs de bien-être, le maintien des déficits et l’accroissement de la dette publique, la hausse du chômage et la stagnation des revenus moyens. Tout ceci se situant dans un contexte international compliqué avec une recomposition des forces en présence, un leadership indien et chinois, un affaiblissement des Etats-Unis, une Afrique surpeuplée, une poursuite de la montée des populismes, une Union Européenne réduite et réinventée, de fortes tensions géopolitiques (migrations, famine liée au climat…), des crises systémiques probables et la France qui sort du top dix des plus "grands" pays économiques.
Bien évidemment, les innovations vont se multiplier entre réalité virtuelle, énergies renouvelables, réseaux très haut débit, véhicules autonomes, transports à très grande vitesse, système de surveillance, cyberterrorisme ou individu augmenté. Il y aura, en outre, une évolution de la relation au temps. Alors qu’en 1900, le temps rémunéré représentait 26 % de la vie d’un homme, cela ne représente plus que 8 % en 2018 et va chuter à 6 % en 2030. En revanche, le temps libre est passé de 6 % en 1900 à 20 % en 2018 et 25 % en 2030. Quant à l’argent, s’il est un instrument de mesure de la réussite et un facteur central d’inégalité, c’est un moyen, pas une fin.
S’adapter ou disparaître
Côté relation au vin, qui est perçu comme un produit culturel, il y a aujourd’hui des attentes de bien-être, une dimension conviviale, une consommation festive et une sensibilité au prix. Avec toutefois un sentiment de risques sanitaires, des contraintes écologiques et un besoin de pédagogie. Dès lors, la filière devra faire face à un changement climatique accéléré, des interrogations sanitaires, des contraintes légales accrues, un contexte concurrentiel transformé et de nouvelles attentes des consommateurs. De ce fait, il sera impératif de mener un certain nombre d’actions entre, par exemple, transition agroécologique, création variétale et adaptation de la vinification. Par conséquent, il faudra s’adapter sinon disparaître. Mais, pour s’adapter, le professionnel devra remettre en cause ses certitudes, changer ses habitudes, modifier ses attitudes, renforcer ses aptitudes et prendre un peu d’altitude.