Le développement passe par la communication
Concurrencer l’Armagnac et le Cognac
Normal que Thierry Jeannin-Naltet intègre rapidement le syndicat des alcools. Il prend alors part à un combat de longue haleine qui, après dix-neuf années, prend fin le 19 mars dernier avec la publication au Journal officiel des décrets relatifs à l’Appellation d’origine contrôlée fine de Bourgogne et marc de Bourgogne. « Auparavant, nous avions une appellation règlementée. Ces quatre dernières années, nous sommes passés à la vitesse supérieure avec la rédaction d’un cahier des charges et le travail réalisé par les différentes commissions. Il a fallu défendre bec et ongle notre spécificité bourguignonne. Obtenir une AOC est un élément qualitatif qui nous offre une réelle reconnaissance. Cela va notamment bénéficier aux exportateurs qui vont pouvoir pénétrer des marchés élitistes et qualitatifs pour concurrencer, par exemple, l’Armagnac ou le Cognac ».
Une clientèle asiatique et américaine
Succédant à Xavier Cartron à la présidence de l’ODG marc et fine de Bourgogne, Thierry Jeannin-Naltet se voit proposer un séduisant challenge. A savoir faire la promotion d’un produit qui n’est aujourd’hui essentiellement consommé que par les plus de quarante ans. « Avec l’ODG, nous devons non seulement assurer la promotion mais aussi réaliser les contrôles qualité avec nos commissions internes ». Alors que les volumes sont stables depuis une quinzaine d’années avec plus de 1.100 hectolitres d’alcool pur de marc de Bourgogne et 120 hectolitres d’alcool pur de fine de Bourgogne, on compte près de 160 opérateurs dans ce domaine très spécifique. C’est-à-dire une dizaine de liquoristes qui réalisent 50 % de ce volume. Mais aussi 150 viticulteurs qui commercialisent leurs propres marc et fine. Des professionnels essentiellement situés dans les côtes chalonnaise, beaunoise et nuitonne. Une production qui a, comme débouchés, une clientèle essentiellement traditionnelle et consommatrice de vins. Mais aussi quelques restaurateurs et cavistes. « Environ les deux tiers des consommateurs sont issus de la région. Mais il y a aussi une partie non négligeable qui part à l’export. A savoir environ 20 % destinés plus particulièrement aux Etats-Unis et aux marchés asiatiques ». Il faut également noter que le marc s’invite de plus en plus dans la cuisine à travers, par exemple, les fromages et les glaces.
Communiquer sur son savoir-faire
Lorsque l’on évoque avec Thierry Jeannin-Naltet l’avenir du marc et de la fine de Bourgogne, il parait évident qu’il s’agira de produits, certes de compléments, mais avant tout de qualité. « S’il y a expansion, cela passera par les liquoristes, dans un marché de niche que sont les produits de luxe et la haute restauration. L’obtention de l’AOC sera une aide précieuse au développement à l’export ». Mais l’un des objectifs premiers consiste à se faire davantage connaître du grand public et à séduire de nouveaux consommateurs, notamment de générations moins habituées à déguster de telles boissons. « Afin de faire connaître l’AOC, nous procèderons bien évidemment à des opérations de communication. Il y aura des opérations exclusivement consacrées à ces produits. Mais aussi une démarche visant par exemple les restaurateurs. Il nous faudra également sensibiliser la production ». Par contre, l’une des difficultés – et facteur limitant au développement – s’attache à la limitation à 0,50 gramme d’alcool par litre de sang pour les conducteurs. Ce qui dissuade largement ces derniers de consommer marc et fine de Bourgogne avant de reprendre le volant. Si la communication reste encore à définir précisément, l’idée est bien évidemment de mettre en avant un savoir-faire et un produit uniques. « Il nous faut trouver des moyens de nous faire connaître. Il faudrait peut être mettre en avant le côté cadeaux de nos produits ».
Marc et fine de Bourgogne en résumé
Alors que le marc de Bourgogne est obtenu à partir de ce qui reste dans le pressoir (peau, pulpe et pépins de raisin), la fine de Bourgogne est produite suite à la distillation du fond d’une pièce de vin. Quant à la qualité, elle sera dépendante non seulement de la matière première mais aussi du savoir-faire du distillateur, de l’élevage, de la qualité des bois et de la cave. Les marcs et fines de Bourgogne sont vieillis obligatoirement deux ans en fûts de chêne avant commercialisation. Ils peuvent revendiquer les mentions vieux, très vieux ou hors d’âge après trois, six et dix ans de vieillissement sous bois. Essentiellement commercialisés en bouteille de 70 cl – dont la forme est totalement libre –, marc et fine de Bourgogne voient leurs tarifs osciller entre 10 et 12 euros pour les premiers prix, entre 25 et 35 euros pour la grande majorité et entre 35 et 50 euros pour les produits haut de gamme.