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Exportation de vins en Chine

Le Dragon a soif !

Jeudi 14 mars à Beaune, la Chambre de commerce donnait aux producteurs
et professionnels de la filière, les clés pour réussir l’exportation de
vins en Asie, et plus particulièrement en Chine. UbiFrance et les
négociants de Bourgogne défrichaient le terrain…
Par Publié par Cédric Michelin
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Le marché chinois (avec Hong Kong) se caractérise par une croissance de la consommation de 20 % par an. Mais, 70 à 80 % des vins consommés restent des vins chinois. Comme le rappelle le pôle Marché & Développement du BIVB, « pour se lancer à l’export, il est bon de faire un point sur sa situation financière, selon ses capacités financières, voir si vos choix sont pertinents et adaptés à votre structure » puisque la rentabilité est rarement immédiate. Sauf que le monde change à toute vitesse et l’export peut permettre de monter ses vins en gamme et aussi apporter une certaine diversification pour stabiliser les exploitations viticoles. Le BIVB vient d’ailleurs de mettre en place un outil apportant des indicateurs chiffrés et des avis d’experts. « En 2016, la Chine sera le 2e pays consommateur de vins dans le monde », avançait François Labet, membre de la CCI de Côte-d’Or et négociant viticulteur à Vougeot. Mais comment faire ?

Les bonnes questions avant



« Ne donnez ou ne diffusez jamais – même pas à vos importateurs – votre Registration number ». Bienvenue dans l’antre du Dragon. L’Asie - et ses marchés en croissance - aiguise les appétits mais est avant tout un far-Est. Pas d’angélisme donc pour UbiFrance, l'Agence française pour le développement international des entreprises. De l’agence de Marseille, spécialisée sur la réglementation Asie-Océanie, Sandrine Barrou mettait donc en garde les aventuriers. Mieux vaut bien se préparer avant. Et pour cela, il faut prendre toutes les informations concernant les lois en matière d’étiquetage, de taxation, les documents à fournir, l’emballage, les autorisations nécessaires au préalable, la composition des vins à mentionner et analyser… Pas une mince affaire donc.
Depuis le 1er octobre 2012, l’exportateur doit obligatoirement s’enregistrer auprès du MOFCOM (ministère chinois du commerce), tout comme les importateurs auparavant, sur le site de l’AQSIQ (http://ire.eciq.cn). L’exportateur n’étant pas forcément un producteur.

Législations produits en Chine



La législation sur les produits est « complexe » car elle « bouge tous les jours », avertit l’experte. Il existe des normes nationales volontaires qui peuvent devenir des normes nationales obligatoires pour les vins (GB 15037-2006 ; GB 2758-2012) ou les additifs (GB 2760-2011) et contaminants (GB 2762-2005). Pour les vins, la norme prévoit des valeurs en fer (inférieures ou égales à 8 mg/L), en cuivre (inférieures ou égales à 1 mg/L), en méthanol (250 mg/L pour les blancs et rosés ; 400 mg/L pour les vins rouges).
Côté additifs, le taux de sulfites peut notamment être contrôlé et ne doit pas excéder 250 mg/L. Mais d’autres « soucis » remontent aux oreilles d’UbiFrance, notamment les « subtilités » sur l’utilisation de potassium permanganate (inférieure ou égale à 2 mg/kg). En cours de négociation et attendu pour le 1er juin 2013, l’Europe espère faire abaisser certaines valeurs sur des contaminants, tel que le plomb (0,2 mg/kg) ou les trois types de phtalates (DEMP à 1,5 mg/kg ; DBP à 0,3 ; DINP à 9).
En matière de certification bio, les chinois « ne reconnaissent pas la législation européenne (organic) » donc aucune mention ne doit être faite sur les étiquettes ou contre-étiquettes importées, à moins que les vins n’aient été certifiés selon les normes en vigueur en Chine et par les organismes de certification chinois.

Les règles d’étiquetage



Pour éviter tout blocage intempestif, l’exportateur doit veiller à respecter les normes d’étiquetage en vigueur (GB 10344-2005 ; GB 7718-2011 ; GB 2758-2012). Tout d’abord, la contre-étiquette en chinois doit être collée dans le pays d’exportation. Elle peut être apposée en Chine par l’importateur, sous le contrôle des douanes, et en zone franche, « mais cela c’est déjà vu que cette dernière recouvre l’étiquette avant ». Adieu les efforts de marketing… Les mentions obligatoires (caractère > 1,8 mm sauf le contenu net) sont le nom du produit, la liste des ingrédients. L’affichage du contenu net aussi, mais doit être exprimé en ml pour les quantités inférieures à 1.000 mL et exprimé en L pour les quantités supérieures. La taille des caractères varie alors (entre 2, 3, 4 et 6 mm). Le nom et l’adresse de l’importateur enregistré en Chine doivent aussi figurer quelque part, comme la date de fabrication (mise en bouteille), les instructions de conservation et le pays d’origine. A compter du 1er août 2013, se rajouteront le titre alcoométrique précédé de la mention en chinois "Teneur en alcool" et "exprimé en % vol" ainsi qu’un message de mise en garde : « la consommation excessive d’alcool est dangereuse pour la santé ».
Peuvent également être indiqués, les nom et adresse du producteur et distributeur, le numéro de lot, le contenu en sucre (g/L) et les substances allergènes. « Les sulfites ne figurent pas dans la liste des produits allergènes », précisait Sandrine Barrou. Aucun code barre n’est requis.
« L’export, via Hong Kong pour la Chine est plus simple en matière d’étiquetage », rappelait la spécialiste, en n’omettant pas de parler aussi des avantages côté taxation.

Des douaniers « suspicieux »



« Les chinois sont très suspicieux et font attention à ce que les importateurs ne sous-valorisent pas les vins à l’entrée. Les douaniers sont donc organisés pour faire une surveillance par Internet des prix pratiqués dans les autres pays. Donnez donc vos niveaux de prix à vos importateurs pour réduire les incompréhensions, ne serait-ce que sur des différences provenant de millésimes » plus ou moins réputés, expliquait Sandrine Barrou.
Le certificat d’origine communautaire, délivré par les CCI, permet de justifier de l’origine France et ainsi d’être taxé sur les seuls droits de douanes à 14 % au lieu de 180 % (voir plus loin). D’autres documents sont requis dont le certificat d’analyse et de pureté qui doit être délivré par un laboratoire officiel du pays d’origine. Dans le cas de la France, il faut donc que le laboratoire soit labellisé Cofrac. Depuis le 1er février, le rapport d’analyse doit mentionné le taux de phtalates. En matière d’emballage, la Chine « n’est pas plus compliquée » que l’Europe.
Dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le système douanier s’harmonise pour la codification des marchandises (code SH 220421 + 00 pour la Chine).
Les taxes se composent de droits de douanes, d’une taxe à la consommation et d’une TVA (17 %). Pour l’envoi d’échantillons de vins pour des salons par exemple, ce cas n’est pas prévu et mieux vaut donc « envoyer des quantités raisonnables » en ne dépassant pas une valorisation de 120 €.


Documents d’accompagnement



Certains documents sont donc requis pour faire entrer sur le territoire chinois des vins. Le Document administratif électronique (DAE) et les factures commerciales en anglais en 2 ou 3 exemplaires, comportant le nom et l’adresse de l’importateur et de l’exportateur ; le numéro et la date de la facture ; le numéro de contrat ; le prix des marchandises et l’Incoterm, et enfin une description détaillée des marchandises (marques, quantité…) et leur nomenclature douanière. « Traçabilité oblige », pour les importations réalisées via des négociants étrangers, les destinataires des produits importés et leurs agents doivent fournir les factures commerciales des négociants étrangers.




Tempête destructrice sur l’inspection en Chine




Un zoom particulier a été fait sur l’inspection des vins en Chine. Une inspection de conformité (étiquetage et composition) est réalisée par l’AQSIQ (administration générale pour la qualité). « Les premières expéditions font souvent l’objet de contre-expertise », prévient Sandrine Barrou. En outre, les autorités chinoises « viennent d’ordonner un renforcement des contrôles ». Les temps d’attentes des produits sont plus longs au sud qu’au nord, pour information.

Suite à une remarque dans la salle, Sandrine Barrou reconnaissait à demi-mot que « tous les vins ne sont pas bloqués partout », révélant ainsi la corruption dans ce pays, à laquelle doit se préparer tout exportateur. Si les analyses ne sont pas conformes, le CIQ (China inspection quarantaine) bloque les produits. Les produits peuvent alors être soit retournés, soit détruits. « Dans ce cas, demander le bon de destruction à votre importateur. Certains de ces derniers parfois ne disent rien, et parfois le fait de leur demander le bon de destruction (sanitary certificate) suffit à débloquer la marchandise ». Il faut en tout car réagir très vite car « un des grands risques sur l’Asie sont les tempêtes tropicales, sans aucune garantie en matière de stockage pour les vins qui prennent la direction de la destruction », commentait un exportateur dans la salle de la CCI.




Passage facilité par Hong Kong



Il existe un accord de facilitation douanière pour l’importation de vins entre la Chine et Hong Kong effectif depuis le 15 juin 2010. Il comprend un système de pré-évaluation des vins permettant de simplifier et accélérer (un jour maximum) le passage en douane à l’arrivée en Chine continentale. Pour cela, trois principes sont à respecter :

1. L’exportateur de Hong Kong doit être enregistré auprès du Hong Kong trade department

2. L’importateur doit être enregistré auprès des autorités chinoises

3. L’importation doit être réalisée par des ports désignés (Shenzhen et Guangzhou)




Quand la Chine s’éveillera, le monde… trinquera




De l’Union des Maisons des vins de Bourgogne (ex-FNEB), Denis Duveau présentait le marché du vin pour la Grande Chine (+ Hong-Kong, Macao, Taïwan…). [WEB]D’une superficie équivalente à 14 fois la France, la Grande Chine a des frontières avec 16 pays. Comptant un cinquième de la population mondiale (1,35 milliards d’habitants), 90 % des Chinois se concentrent sur 15 % du territoire. 246 villes nouvelles ont été créées de 1990 à 2008 et « 400 sont prévues d’ici 2030 », explique Denis Duveau. L’exode rural devrait amener encore 300 millions d’urbains. De quoi nourrir une future bulle immobilière ! Dixit Alain Peyrefitte en 1973, « quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera ». Pourtant, les historiens estiment que la Chine a été la première puissance économique mondiale durant la majeure partie des vingt derniers siècles, jusqu’au XVIIIe siècle et la révolution industrielle. Après cette « parenthèse », en 2010, la Chine est la 2e puissance économique, derrière les Etats-Unis et devant le Japon. [/WEB]
Avec des échanges commerciaux réalisés pour moitié à l’intérieur de la zone et l’autre à l’export, la Chine atteint « un palier » actuellement, reprenant un cycle traditionnel d’économie mature. Cet équilibre fait croître le marché du vin qui caracole à 7,6 milliards d’euro (+8,5 %) en valeur en 2012 pour les exportations françaises. Dans le classement bourguignon, la Chine passe de la 8e à la 5e place, juste derrière le Canada. « Un gros frein s’observe actuellement, après le gros décollage de 2012 », alerte Denis Duveau.

Les vins étrangers consommés par les Chinois sont des vins australiens, chiliens et espagnols en volume mais français en valeur, Bordeaux en tête. « Bordeaux a multiplié par 5 ses volumes en 5 ans (43 % de part de marché) et même 2e place avec ses vins non-AOP. Ils vendent aussi des vins très chers, avec un message haut de gamme, donnant le réflexe d’entrainement pour les autres vins premium français ». La Bourgogne en profite et se place 6e en volume (2 %) mais 3e en valeur (5 % total). « La pénétration des effervescents n’est pas très bonne » pour l'heure. Les vins rouges sont majoritairement consommés. « Il reste un place en entrée de gamme (villages) en rouges et en blancs », estime Denis Duveau. « Mais ne nous attendons pas à ce que la Chine tracte nos exports durant des années. Il vous faudra gérer vos allocations par pays et canaux de ventes », concluait le représentant du négoce.


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