Le flexitarisme, une opportunité pour les éleveurs ?
Vendredi 24 février à l’académie de Mâcon organisait une conférence sur L’Évolution de la consommation de la viande, des modes alimentaires et des exigences sociétales, en présence notamment d’Interbev qui s’est attachée à définir le contexte et le rôle de la filière, de l’évolution qualitative et quantitative de la production et de la consommation de viande.

Le Larousse définit le flexitarisme comme un « mode d’alimentation principalement végétarien, mais incluant occasionnellement de la viande ou du poisson ». Ce que le dictionnaire ne précise pas, c’est que, dans l’immense majorité des cas, le poisson ou la viande consommée doivent être de qualité. Cela tombe très bien, la filière qualité c’est un peu la marque de fabrique des éleveurs de Saône-et-Loire. Alors pour comprendre les nouveaux modes d’alimentation, la représentante de l’Interprofession bovine (Interbev) Bourgogne-Franche-Comté a partagé les résultats de plusieurs études de consommateurs des plus intéressantes. Pauline Villebrun rappelle notamment que la pandémie de Covid a impacté la façon de s’alimenter « pour des questions de santé mais aussi pour des raisons environnementales ». Les Français se sont rendu compte qu’ils étaient très dépendants des importations, ce qui les a poussés - alors - à se tourner vers le local.
60 % des foyers de l’Hexagone achètent davantage de produits d’origine française, voire locale, et 71 % d’entre eux le font pour soutenir les producteurs de leur région. Autre priorité du consommateur, la rapidité de cuisson qui influe sur les achats de viande puisque l’on consomme de moins en moins de morceaux à bourguignons ou pot-au-feu, à cuisson lente, pour privilégier les cuissons rapides.
Le budget viande recule
L’alimentation n’est pas le principal poste de dépenses des Français et ne cesse de reculer. Ils consacrent 21 % de leur budget à l’achat de produits alimentaires, de boissons et de restauration hors domicile, contre 26 % en 2014, sachant que la viande, les fruits et les légumes figurent en haut de la liste de courses*. S’ajoute à cela la mutation des modes d’approvisionnement. « Nous passons de moins en moins de temps à acheter notre nourriture, à la préparer et à la consommer. Les consommateurs sont devenus nomades : ils exigent de consommer ce dont ils ont envie, n’importe où et tout de suite. D’où l’explosion des services de livraison, de quick commerces, de produits à emporter avec une forte digitalisation des échanges », insiste Pauline Villebrun. On assiste en outre à une explosion des marchés de l’alimentation hors domiciles, avec une multiplication de petites consommations dans la journée, avec l’avènement du snacking : 44 % des consommateurs du globe remplacent leur repas par un snack. Un pourcentage qui grimpe encore chez les 18- 24 ans qui sont 58 % à faire ce choix. Enfin, dernière tendance, les substituts végétaux de la viande, des nuggets aux lardons en passant par les mal nommés "steaks" de soja. En hausse depuis deux ans aux États-Unis, leurs ventes commencent à reculer outre-Atlantique. En France, boissons, desserts et autres dérivés végétaux risquent de connaître le même sort après une année record en 2022. Si la demande recule, c’est principalement à cause du goût. Aucun substitut végétal, qui compte en moyenne 25 ingrédients, ne parvient à remplacer une entrecôte qui ne constitue qu’un seul et unique ingrédient. 42 % des consommateurs trouvent les alternatives végétales « fades et inintéressantes », 51 % déclarent qu’ils auraient du mal à se passer de viande. Nous consommons en moyenne de la viande trois fois par semaine, soit 300 g hebdomadaires en moyenne, hors volaille, mais nous en mangeons mieux, d’où cette tendance qualifiée de « flexitarisme ».
De l’intérêt de continuer à manger de la viande
Outre l’eau, un adulte est composé en moyenne de 50 à 60 % de muscles, 30 à 35 % de masse grasse et de 5 % d’os. Les protéines sont primordiales pour les muscles et la structure osseuse, soit l’essentiel de notre composition, comme le rappelle Pascal Soret, médecin micronutritionniste. « Prenons une molécule de myosine, une protéine musculaire constituée de 2.000 acides aminés. Pour obtenir du filament de myosine, qui participe à la formation des fibres musculaires, il faut associer plusieurs centaines de molécules de myosine », explique-t-il. Les protéines ont d’autres actions métaboliques, notamment sur les neuromédiateurs. Pour comprendre, il faut d’abord savoir que certains acides aminés (AA) peuvent être fabriqués par le corps, mais neuf ne peuvent être qu’apporter, en majorité par la viande. On les appelle les AA essentiels, comme le tryptophane, qui permet de fabriquer la sérotonine (l’hormone de la zénitude). La viande apporte également de la méthionine, qui elle se transforme en mélatonine, l’hormone du sommeil. Il s’agit de deux acides aminés qui ont un impact immédiat sur notre organisme. « Lorsque l’on ingère des tryptophanes à 17 heures, on augmente le taux de mélatonine à 22 heures, ce n’est pas un élément qui est fabriqué en deux ou trois mois », insiste le Dr Soret. La consommation de viande apporte également du fer, un élément minéral qui est nécessaire à la respiration, en se liant à l’hémoglobine. C’est aussi un élément actif dans tous les métabolismes du corps. Cet élément minéral existe sous deux formes : le fer non héminique, celui apporté par les végétaux, et le fer héminique de la viande qui est cinq fois plus biodisponible. En clair, il nous est possible d’absorber cinq fois plus de fer pour la même quantité de lentille ou de viande. Pourquoi ? Parce que l’être humain n’est pas fait pour absorber les éléments minéraux facilement. Mais lorsque l’animal consomme des végétaux contenant du fer, il l’intègre à d’autres molécules organiques et fait donc une partie du travail d’assimilation pour nous. L’apport moyen nécessaire en fer est de 11 mg/jour pour un homme et 11 à 16 mg/jour pour une femme. La teneur en fer pour 100 g de viande cuite blanche est de 1 à 3 mg, le bœuf entre 25 et 4 mg, les rognons et le foie entre 6 et 14 mg. Autre apport essentiel, la vitamine B12 exclusivement animale. « Un végétarien est obligé d’en consommer en gélule » insiste le nutritionniste. La carence en B12 provoque des troubles neurologiques et de mémoire. Il nous en faut 3,4 mg/jour. Dans 100 g de bœuf, il y en a 2,6 mg.
Pascal Soret estime que l’on consomme en moyenne 0,4 g/kg/j, sachant qu’une femme devrait en consommer 55 g, un homme 75 g et que deux tiers sont de protéines animales, un tiers de protéines végétales (légumes, féculents, légumineuses, etc.). La composition de la viande, toutes viandes confondues, est de 26 à 32 % de protéines et 2 à 25 % de lipides. 150 g de protéine animale par jour suffiraient donc. « La consommation de viande est utile pour la santé, selon le Dr Soret. Les apports doivent être maîtrisés et adaptés en fonction du contexte. Nous n’avons pas les mêmes besoins à 2 ans et 80 ans, que ce soit en quantité ou en qualité. Dans le cadre d’une alimentation variée et équilibrée, la viande est une portion de notre alimentation ».
*Agreste Graph’agri 2020