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Bâtiments amiantés grêlés

« Le fourrage d’abord »

Interdit en France depuis 1997, l’amiante reste présent dans de nombreux
bâtiments agricoles. Les orages du 30 juin le rappellent amèrement aux
exploitants grêlés. Ils sont aujourd’hui confrontés aux réparations et
éprouvent toutes les difficultés pour obtenir rapidement des réponses et
rendez-vous, sans parler des coûts que cela engendre pour assainir son
lieu de travail.
Par Publié par Cédric Michelin
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Les propriétés de résistance à la chaleur, d’isolation thermique ou phonique de l’amiante, associées à de bonnes performances mécaniques et à un faible coût, expliquent que ce matériau ait été massivement utilisé pendant plus d’un siècle. Interdit en France depuis 1997, l'amiante n’est plus ni fabriqué ni importé mais reste présent dans de nombreux produits en place dans les bâtiments. Le risque reste sous-estimé. Or, les maladies liées représentent aujourd’hui la 2e cause de maladies professionnelles et la 1ère cause de décès liés au travail (hors accidents).

Le cancer des bâtiments



De 400 à 500 fois moins épaisses qu'un cheveu, les fibres d'amiante sont invisibles dans les poussières de l'atmosphère. Inhalées, elles peuvent se déposer au fond des poumons et provoquer des maladies respiratoires graves : plaques pleurales, cancers des poumons et de la plèvre, fibroses… Certaines maladies peuvent survenir après de faibles expositions mais la répétition de l’exposition augmente la probabilité de tomber malade. Les effets sur la santé d’une exposition à l’amiante surviennent souvent plusieurs années après le début de l’exposition.

Bien informer les salariés



Dans un document de l’assureur Groupama, il est indiqué que les travaux de retrait des plaques en amiante-ciment ne nécessitent pas de faire appel à une entreprise titulaire de la qualification "retrait d'amiante non friable à risques particuliers", sauf pour les travaux en milieu intérieur. De plus, la complexité des procédures de gestion des chantiers de déconstruction et leur suivi administratif demandent des compétences particulières. Il est préférable de confier les travaux à un prestataire spécialisé dans ce domaine. Par ailleurs, le démantèlement à l’aide d’engins mécaniques (pelleteuses, chargeurs, tractopelles...) doit faire l’objet d’une procédure spéciale ; l'intervention d'une entreprise extérieure habituée à ce type de chantier est recommandée. Dans tous les cas, mieux vaut pour l’employeur d’informer et de former les salariés sur la prévention des risques liés à l’amiante ainsi que les équipes sur les moyens de protection individuelle (EPI).

Une réglementation plus souple ?



Pour le technicien bâtiment à la chambre d’agriculture sur le secteur chalonnais et Bresse, Olivier Girard : « en fait, les procédures et obligations en matière de désamiantage varient selon la nature de l'amiante - produits en amiante-ciment et flocages, calorifugeages ». Dans le cas des toitures grêlées, il s’agit donc du démontage d'amiante non friable en milieu extérieur. Reste qu’il faut vérifier l’état de « vétusté et l’état de conservation de la couverture » qui peuvent faire basculer de catégorie à risque. Mais « a priori, la règlementation est plus "souple" ». Attention, tout de même. Si la qualification amiante d'une entreprise n'est pas requise en revanche, les salariés de l'entreprise doivent être formés et les procédures doivent être respectées. Cela va jusqu’au mode de stockage - plaques entières en palettes ou morceaux en big-bag - permettant de conserver des "preuves" pour d’éventuels contrôles.

Les règles ont changé le… 1er juillet



La réglementation n’était pas simple et elle vient même de changer. En 2009, l’Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) a rendu deux avis relatifs d’une part à la toxicité des fibres courtes et des fibres fines d’amiante (FCA-FFA), et d’autre part à la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) de l’amiante. Après enquête scientifique sur une petite centaine de chantiers, le ministère du Travail a mis en évidence des niveaux d’empoussièrement d’une « ampleur inattendue pour certains matériaux ». Résultat, le Gouvernement, « dans un souci de protection des travailleurs », a modifié la réglementation (décret n° 2012-639 du 4 mai 2012) qui s’applique depuis le… 1er juillet 2012. Cela tombe mal pour l’est du département grêlé le 30 juin. A Bosjean (voir notre article du 27 juillet, page 3), la FDSEA a réclamé aux services du préfet, « de ne pas rajouter des règles aux règles ».

Et pendant ce temps là…



Sur le terrain, beaucoup de devis sont réalisés par les constructeurs de bâtiments métalliques. Une des grosses entreprises travaillant sur le secteur admet qu’il « y en a pour un an (150 clients agricoles et industriels). Les surfaces vont de 100 m2 à 3.000 m2 sur 12-13 bâtiments. On a partagé les équipes pour d’un côté, découvrir ce qui est en amiante. Mais cela va être très long. Il faut compter un mois pour obtenir un plan de retrait de la part de l’inspection du Travail, malgré les allégements de procédures promis. Il va nous falloir faire des mesures Meta (risque d’exposition aux fibres, ndlr) avant, sur le chantier et libératoire. Comptez 2.500 à 5.000 € supplémentaires. Quatre de nos employés sont certifiés mais il nous faut passer des formations supplémentaires (sous section 3). On va finir médecin ! », se désole ce chef d’entreprise qui aimerait accélérer les travaux et ne peut que privilégier les réparations des lieux de stockage de fourrages. « Les stabulations devront attendre septembre », regrette-t-il. Pendant ce temps là, les exploitants s’impatientent…



Plus d’amiante d’ici 3 ans ?



Bien que n’étant pas la question urgente du moment, ce dossier soulève un certain nombre de questions pour le futur. Car, les principales mesures de la réforme 2012 interviendront en plusieurs étapes pour garantir leur effectivité et viseront :
- l’abaissement de la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) qui est actuellement de 100 fibres par litre à 10 fibres par litre à une échéance de 3 ans ;
- le contrôle de l’empoussièrement en milieu professionnel selon la méthode META. La France sera ainsi le premier pays au monde à rendre obligatoire, en milieu professionnel, cette technique de mesure qui permet de réellement prendre en compte toutes les catégories de fibres ;
- la suppression, dans le code du travail, de la dualité de notions friable/non friable ;
- la généralisation de la certification des entreprises à l’ensemble des activités de retrait et d’encapsulage de matériaux contenant de l’amiante ;
- les conditions d’utilisation, d’entretien et de vérification des moyens de protection collective (MPC) et équipements de protection individuelle (EPI), en particulier les appareils de protection respiratoire (APR) adaptés aux niveaux d’empoussièrement sur les chantiers.
Les modalités techniques sont définies dans le guide ED 6091 de l’INRS, récemment actualisé, destiné à l’ensemble des travailleurs potentiellement exposés à l’amiante, quel que soit leur statut (public, privé, travailleurs, salariés, travailleurs indépendants).
Pour en savoir plus, un site a été ouvert : http://www.amiantereponsedexpert.fr







Grandes lignes de prévention



La suppression du risque amiante n’étant pas toujours possible, la prévention s’articule de la façon suivante (hors travaux de confinement et de retrait d’amiante) :
- rechercher la présence d’amiante pour les bâtiments et produits construits ou fabriqués avant 1997 (consultation des dossiers techniques amiante ou constat amiante avant vente…) ;
- si possible, ne pas intervenir sur des matériaux pouvant contenir de l’amiante ;
- à défaut, limiter l’émission de fibres d’amiante en recherchant les techniques moins émissives : aspiration à la source, utilisation d’outils manuels ou à vitesse lente, travail à l’humide en complément port d’EPI (masque avec filtre P3, combinaison jetable de type 5) ;
Pour les opérations générant de forts empoussièrements : confinement de la zone de travail, installation d’extracteurs d’air, masque à ventilation assistée TM3P, combinaison jetable type 5, sac à déchet, aspirateur à filtre à très haute efficacité ;
- transport et élimination des déchets amiantés en fonction de leur nature (sacs à déchets) dans des centres de traitements adaptés.






Peuvent être considérés comme matériaux non friables :



- joints plats ;
- éléments en amiante-ciment ;
- éléments en vinyl-amiante ;
- produits d’étanchéité ;
- matières plastiques ;
- colles, mastics, enduits et mortiers de densité supérieure ou égale à 1, mousses chargées de fibres ;
- revêtements routiers ;
- éléments de friction.
(Circulaire DGS/VS3/DGUHC/QC1/DPPR/BGTD N° 98/589 du 25 septembre 1998)