Accès au contenu
Les candidats aux régionales face à l'agriculture

Le grand oral

Les différentes FDSEA et les JA de Bourgogne et de Franche-Comté ont
invité les candidats aux élections régionales des 6 et 13 décembre à
préciser leurs vues et leurs analyses sur l’agriculture. La rencontre a
eu lieu le 24 novembre dans le Jura). Six listes ont répondu à
l’invitation…
131177--Boris_Verne_JA_FC_Marie_et_Eric_Druot.JPG
Mardi 24 novembre au matin-là, un froid mordant et un épais brouillard attendaient les têtes de liste des partis politiques candidats aux élections régionales ou leur représentant sur l'exploitation de Marie et Eric Druot à Mutigney dans le Jura. « La visibilité est très faible, ce qui caractérise bien l'état de l'agriculture aujourd'hui », soulignait avec malice Eric Druot dans son mot d’accueil. L'éleveur laitier de Prim'Holstein s’apprête à finir l'année 2015 avec un prix du lait payé à 340 €/tonne, alors que son prix de revient avoisine les 350 €/tonne.
« Vous, les candidats, vous nous répondrez sans doute que vous ne pouvez pas agir sur le prix du lait mais, en tant qu'élus ruraux et à votre niveau, vous devez faire tout ce qui est possible pour faire remonter les prix de nos produits », lançait-il à l’adresse des candidats présents.
L'exploitation, en plus des deux associés, emploie l'équivalent d'un mi-temps pour les remplacements et les travaux d'été. Elle se situe également en zone défavorisée simple. L'emploi et l'environnement sont deux thèmes qui rejoignent les préoccupations des politiques, de même que l'économie et l'installation.
Et c'est autour de ces quatre idées fortes que les FDSEA et les JA de Bourgogne et de Franche-Comté ont invité les candidats aux élections à réagir, à travers une série de questions.

Investir dans les ressources humaines


Le budget agricole cumulé des deux conseils régionaux de Bourgogne et Franche-Comté est l’un des plus faibles de France avec seulement 7,5 millions d’€.
« Nous attendons de nos futurs élus un engagement fort sur la ligne budgétaire agricole de la nouvelle région, sans lissage par le bas », prévenait Samuel Legrand, président des JA de Bourgogne. En ce qui concerne l’installation, il y a deux politiques très différentes entre la Bourgogne et la Franche-Comté, avec notamment un accompagnement fort du dispositif à l'installation en Franche-Comté, qui n’existe pas en Bourgogne. Avec la fusion des deux régions, quel sera l'avenir de ce dispositif ? Sera-t-il supprimé ou étendu à l’ensemble du territoire de la nouvelle région ?
Se pose aussi la question du renouvellement des générations. Le documentaire à charge sur l'élevage diffusé la veille, lundi 23 novembre, sur une chaîne dite de "service public" (on se demande bien de quel service il s’agit !) a consterné les agriculteurs qui ont suivi ce programme partisan. « Comment attirer les jeunes dans notre secteur d’activité alors que les métiers de la production souffrent trop souvent d'une image négative ? », déploraient plusieurs responsables tant FDSEA que JA.
Pour Denise Yoder, présidente de la FDSEA 90, « les groupements d’employeurs avec l’emploi à temps partagé sont une solution pour créer de l’emploi dans les zones rurales. Les emplois tremplin des services de remplacement sont également une piste à creuser ». Le volet recherche et innovation est aussi à ne pas négliger. Enfin, l'accompagnement des exploitations en difficulté doit se faire à différents échelons. « Nous avons besoin d'une politique locale pour accompagner les exploitations fragilisées par les crises à répétition. Quels liens sont possibles entre la région et les actions soutenues par les conseils départementaux ? », interrogeait Denise Yoder.

Encourager les investissements productifs


Sylvain Curcerey, président de la FDSEA 70, rappelait que la Bourgogne Franche-Comté compte rien moins que 63.000 actifs agricoles. « Il faut les maintenir : ils représentent une réelle dynamique sur nos territoires. Aussi, la modernisation de nos outils de production est-elle nécessaire pour gagner en efficience. Quelle sera l'application du Feader au sein de la nouvelle région et le niveau des aides aux bâtiments d'élevage ? Quel appui à l'agriculture de précision, au développement des énergies renouvelables ? ».
Eleveur laitier en Haute-Saône et administrateur FNPL, Emmanuel Aebischer allait dans le même sens, en appelant au soutien des filières : « aujourd'hui, le lait ne trouve plus preneur. Nous le vivons très mal. Il nous faut des investissements productifs. Des entreprises laitières sont prêtes à le faire, mais elles manquent de moyens et de perspectives. Le monde laitier a besoin du soutien des politiques régionaux ».
Concernant les filières végétales, Jacques de Loisy, pour la FDSEA de Côte-d’Or, agitait une feuille de papier montrant - sur un diagramme - le nombre des exploitations céréalières en déficit depuis 2013. « La filière céréalière BFC représente 20.500 emplois. L'enjeu d'avenir pour nous sera de produire plus et mieux en renforçant la compétitivité de nos exploitations céréalières ». Si le conseil régional est attendu sur son soutien aux exploitations face aux aléas climatiques, ne pourrait-il pas s'investir aussi sur des mesures d'accompagnement qui favorisent la compétitivité comme la gestion du parcellaire, la maîtrise de l'eau... ?
Prenant la parole au nom des éleveurs allaitants, Guillaume Gauthier, président des JA de Saône-et-Loire, invitait les élus à soutenir des investissements dans des bâtiments « économes en paille et en temps », à « expérimenter en filière allaitante des systèmes qui permettent de produire à moins cher » sans brader la qualité. Dans cette filière où on n’évoque même plus l’évolution du revenu des producteurs tant il est en berne depuis des années, lanterne rouge des revenus agricoles, « l'élevage a besoin d'un soutien fort. Il faut que nos politiques montrent l'exemple par une approche locale de la consommation, en restauration hors domicile et dans les cantines ».

En équilibre avec son milieu


« Equilibre ». Le mot est assez fort pour constituer à lui seul un programme.
C'est le message que Stéphane Aurousseau, président de la FDSEA de la Nièvre, a tenu à adresser aux candidats aux élections régionales. « Les agriculteurs voteront pour des politiques qui sauront faire preuve d'un juste équilibre et de discernement dans l'accompagnement des exploitations par rapport aux réalités des territoires au niveau environnemental. Ils voteront pour ceux qui reconnaîtront que les paysans et les ruraux sont la solution au réchauffement climatique et non le problème, et que la cause est à chercher du côté de la concentration urbaine. Ils voteront pour ceux qui sauront reconnaître les nombreux efforts déjà accomplis comme la mise aux normes des bâtiments d'élevage, la réduction des taux de nitrates ou encore l'usage des produits phytosanitaires... ».
Dans la foulée, des questions très précises ont été posées aux candidats concernant la réalisation des retenues d'eau pour sécuriser les récoltes, la simplification des normes en concertation avec les professionnels, la prise en compte de l'impact économique des normes environnementales sur les exploitations, le maintien de la politique de montagne et la défense des zones défavorisées en Bourgogne Franche-Comté, le soutien accordé à l'agriculture biologique, celui à d'autres modes de production (production intégrée, agriculture de précision, polyculture-élevage) ou encore la recherche de l’autonomie, notamment en protéines, des élevages...
Une volonté de concertation et de bon sens que Philippe Monnet, président de la FDSEA du Doubs, résumait en un seul mot : « pragmatisme ». « Nous attendons de nos élus, futurs et actuels, des décisions réfléchies et responsables ». A voir comment les nouveaux élus prendront en compte la pause réglementaire annoncée par le Premier ministre et déjà bafouée par l’administration…




Images