Le lien entre la science et la société a évolué. Tant et si bien que le principe de précaution est devenu un frein à l'innovation
L’Institut Sapiens a publié en février un rapport intitulé "Notre (si) cher principe de précaution". La publication interroge sur la limite entre ce principe désormais inscrit dans la Constitution et le danger de limiter la recherche scientifique, face à un scepticisme vis-à-vis de la science, de plus en plus répandu…

Rédigé par Pascal Perri, géographe et économiste, le rapport de l’Institut Sapiens - un think thank spécialisé dans les domaines économique et social) - s’inquiète de voir la science bridée par le principe de précaution. Ce rapport a été publié en février. Pour l’auteur, cette notion a été détournée de son essence originelle.
« Nous sommes passés d’un principe qui devait accompagner l’action à une idée qui nous a rendu passifs, voir nous fait faire marche arrière », explique ce dernier. « Alors que le principe de précaution devrait guider et limiter l’action, il s’est transformé en interdiction ».
L’économiste s’inquiète, notamment, de voir la France prendre du retard en matière d’innovation, et donc perdre des parts de marché à l’avenir. Il évoque notamment l’exemple des OGM : « à cause d’une posture idéologique, la recherche est à l’arrêt, et cela alors que les autres pays avancent. Ce n’est pas juste le résultat qui est interdit mais la recherche elle-même ».
Une société de plus en plus antiscience
Intervenant lui-même régulièrement sur RMC et BFMTV, Pascal Perri dénonce le peu d’espace d’expression attribué aux scientifiques dans les médias. Pour lui, cela participerait à rajouter au scepticisme grandissant des citoyens. L’auteur du rapport est revenu sur la polémique du glyphosate : « sur ce sujet, on n’a pas entendu une seule parole sérieuse de scientifique dans l’espace public ! ».
Le rapport déplore qu’une « partie militante de l’opinion publique » ait « pris en otage » le principe de précaution, par idéologie, et cela au détriment des faits scientifiques. « La vérité scientifique ne se vote pas à main levée », rappelle Pascal Perri. « Aujourd’hui, on a en France un courant de pensée antiscience, qui voit la technologie comme quelque chose d’avilissant », déplore-t-il. Le président de l’Institut Sapiens, Olivier Babeau, admet aussi que le monde scientifique doit travailler sur sa propre communication. « On devrait avoir un discours plus simple et abordable pour le grand public », reconnaît-il, lui qui déplore aussi que la crédibilité des recherches, auprès de la société civile, puisse parfois être entachée par le manque d’indépendance de certains experts.
Pour remédier à cela, le rapport préconise six solutions. Parmi celles-ci, l’obligation d’accompagner les projets de loi par des études d’impact, réalisées par des comités d’experts indépendants. Le think tank propose aussi de s’engager davantage dans la déréglementation. Par exemple, en annulant les lois qui « viendraient en alourdissement d’une norme européenne » ou en abolissant celles qui n’auraient pas vu publier leur décret d’application dans les six mois suivant leur vote.