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153e Vente des vins des Hospices de Beaune

Le négoce prêt à « passer des hausses »

Ce dimanche, le président du BIVB, Pierre-Henri Gagey, ne cachait pas le
caractère « inédit » que vit la Bourgogne viticole : d’un côté le
sourire commercial ; de l’autre les larmes d’une part grandissante des
vignerons. Emblématique, la 153e vente de charité des vins des Hospices
de Beaune a établi un nouveau record total pourtant de faibles volumes
disponibles. Les cours se sont donc bien envolés. Les négociants se
disent prêts à « passer des hausses » à leurs clients, risquant la perte
ou le décrochage de certains marchés. Ce qui inquiète toutefois.
Par Publié par Cédric Michelin
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« Les recettes de la vente de la pièce de charité permettront de donner vie à de nombreux rêves d'enfants gravement malades », remerciait la présidente de l’association des Petits Princes. Nul doute que de nombreux vignerons et négociants ont aussi des rêves qu’ils aimeraient voir se réaliser actuellement. A n’en pas douter pour 2014…
Le président délégué du BIVB, Michel Baldassini, après un point sur le millésime 2013, rappelait ce triste constat actuel : « la Bourgogne connaît une baisse de production de l’ordre de -30 % en volume sur ses chardonnays et de - 20 % sur ses pinots noirs, abstraction faite encore des 1.500 ha grêlés en Côte de Beaune ». Seule la Côte de Nuits, et dans une moindre mesure les pinots de la Côte chalonnaise, s’en sortent mieux sur 2013.

Le négoce inquiet pour 2014



Le président des négociants de Bourgogne, Louis-Fabrice Latour, brossait en parallèle la situation des marchés : stock bas, faibles récoltes et bonnes ventes malgré une conjoncture difficile font que les négociants se disent « inquiets pour 2014 ».
Car il sait que le négoce n’est pas en position de force actuellement. Et, il n’éludait pas le fait que l’actuelle campagne d’achat entre la propriété et le négoce démarre sur les vins blancs actuellement, avec des hausses déjà de 20 à 30 %. « En rouges, la campagne n’a pas commencé mais les hausses avaient débuté l’an dernier », essayait de tempérer Louis-fabrice Latour, allant même jusqu’à mettre en avant et voir là « une chance pour le beaujolais, pour redécouvrir ses crus ». Mais la pénurie est là et bien là. « Nous n’avons plus de 2010 en rouges à commercialiser ».
Les metteurs en marchés sont donc clairement sous pression. Le choix de la pièce du président, un meursault Genevrières premier cru, n’est d’ailleurs certainement pas dénué de stratégie pour contenir la spéculation… L’interprofession souhaitant toujours des hausses « prudentes et responsables ». Mais dans quelle proportion ?

Décalage volume/valeur



Ce qui rend vraiment « inquiets » les négociants est le niveau du « décalage volume/valeur ». Le négoce avoue avoir « déjà réalisé des hausses de prix » (+1 % de chiffre d'affaires pour -4 % en volume), « avoir fait des sacrifices en terme de marge » et s’apprête à nouveau à passer des hausses de prix aux consommateurs « car on ne peut pas accepter de baisser nos marges deux années de suite ». Le président des Maisons de vins de Bourgogne redisait son message de l’an dernier : « ces progressions font qu’il n’y aura plus de bouteilles de bourgogne sous la barre des 10 €, 10 $, 10 £ ».
« Le vrai défi est pour 2014. Tout dépendra de notre capacité à passer ces hausses collectives. Les prix vont faire chuter les volumes, surtout pour les régionales. Contrairement à la bulle vers la fin des années 1980, la Bourgogne tient la “côte” sur les marchés et il n’y plus de stock du tout », concluait-il.


La Chine prend date à Beaune



Pour la première fois la pièce des présidents des Hospices de Beaune a été achetée par une Chinoise. La “pièce des présidents”, un tonneau de 456 litres, contenant le premier cru meursault-Genevrières, cuvée Philippe le Bon, a été acquis pour la somme de 131.000 euros par le négociant français Didier Voland pour le compte de « l’amatrice » et femme d’affaires chinoise Yan Hong Cao. Cependant, la vente des Hospices de Beaune de cette année a été destinée à 9,5 % à des acheteurs asiatiques, en valeur, contre 12 % en 2012, rapporte Christie’s. Un tassement à mettre au compte de la baisse des exportations françaises vers la Chine, depuis le contentieux sur les panneaux solaires. Les premiers acheteurs, en termes de chiffre d’affaires, ont été des acheteurs français, suivis par les acheteurs américains et les acheteurs britanniques. Par ailleurs, le prix de la vente totale a été en hausse de +26,6 %, dépassant les 6 millions d’euros collectés, un record de prix par rapport à celui de 2012.




Perdre des clients faute de vin



Le président de la CAVB, Jean-Michel Aubinel, expliquait la situation « compliquée » pour une part croissante des vignerons de Bourgogne qui ont à nouveaux eu des coûts de production élevés, sans être en mesure d’éviter les pertes de récolte. « Il y a une forte inquiétude pour les producteurs de la Côte de Beaune particulièrement, qui ont rentré une demie récolte, parfois moins. C’est d’autant plus catastrophique que cela intervient dans un contexte de stock bas. Il y aura des difficultés financières et d’approvisionnement des marchés ».





Le spectre de la spéculation ou le luxe assumé


C’est un négoce à deux têtes qui s’est exprimé aux Hospices à Beaune le week-end dernier. Si le probable futur président délégué du BIVB, Louis-Fabrice Latour, proposé pour l’élection du 17 décembre prochain par l’Union des Maisons de Bourgogne, répétait à la presse vouloir pour la pièce des présidents « un grand cru rouge pour monter plus. Donnez-nous un mazis-chambertin ou un clos de la roche et vous verrez ! ». L’actuel président, Pierre-Henri Gagey tempérait en conférence de presse où les journalistes internationaux revenaient sur une possible spéculation : « Christie ‘s s’inscrit dans la même philosophie que la Bourgogne. On n’aime pas la spéculation, même si on ne peut l’empêcher. Il faut tout faire pour la contrecarrer car nous voulons des consommateurs plutôt que des revendeurs ».
Le président de la Maison Latour a toutefois réclamé au spécialiste vin chez Christie's, que la société spécialisée dans les ventes aux enchères de luxe « amène le plus possible son réseau de grands particuliers sur les pièces de charité ». Ce à quoi a répondu Michael Ganne : « nous faisons la promotion pour expliquer et faire découvrir ce qu’est la Bourgogne dans le monde entier. C’est un long travail d’apprentissage, achat de passion et d’amour du produit, qui permet à l’acheteur de plus apprécier l’histoire d’une pièce ». Le débat est lancé sur les valeurs bourguignonnes…


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