Le Plan de 5 Mrd€ reste flou et sera finalisé à la fin des États généraux
Le plan de « transformation de l’agriculture » de 5 milliards d’euros qui doit être mis en œuvre à partir de 2018 est encore flou, tant dans ses sources de financement que dans ses orientations, qui doivent être décidées dans le cadre de l’atelier 14 des États généraux de l’alimentation. Tout juste sait-on de l’économiste Jean Pisani-Ferry qu’environ un milliard des cinq milliards d’euros proviendra de fonds européens. Le flou inquiète les Régions qui craignent notamment un « recyclage » du PCAEA 2014-2020.

Parmi les huit ateliers à avoir débuté dès septembre, l’atelier 14 qui porte sur le « plan de transformation de l’agriculture » de 5 milliards d’euros, est probablement le moins avancé. Une seule réunion a eu lieu jusqu’ici, et certains participants ont même eu l’impression que les organisateurs paraissaient « meubler » cette première réunion. Et pour cause, il est prévu que ce chantier tienne compte des conclusions des autres chantiers en cours, pour avancer à son tour. Or les retours des autres ateliers ne devraient arriver qu’à la troisième réunion, fin octobre.
Et c’est pour cette raison que, dans son rapport sur le « grand plan » de 57 Mrd€, remis au Premier ministre le 25 septembre, l’économiste Jean Pisani-Ferry ne fut pas très loquace au sujet de sa partie agricole évaluée à 5 Mrd€. Il a lui même expliqué que la partie dédiée à l’agriculture n’est pas très détaillée compte tenu de ce que les États généraux de l’alimentation (EGA), doivent « en définir les objectifs et les moyens ».
C’est ainsi que les annonces d’Emmanuel Macron, attendues le 11 octobre prochain, ne devraient pas porter sur le plan de 5 milliards d’euros, ou à la marge seulement, confie le coordinateur des États généraux de l’alimentation Olivier Allain.
L’agriculture inquiète des velléités de la recherche
Chez Régions de France, on se félicite justement que le travail de Jean Pisani Ferry « ne préempte pas les États généraux ». Rappelons que les Régions sont notamment gestionnaires du second pilier de la Pac et donc des fonds européens qui abondent le PCAEA 2014-2020, un plan de soutien aux investissements de modernisation des bâtiments et équipements, lancé par le précédent gouvernement, et qui pourrait être abondé et modifié par ce plan à 5 Mrd€.
L’association Régions de France avait demandé la présidence de l’atelier 14 et a presque obtenu gain de cause ; elle a obtenu une co-présidence, entre le vice-président à l’agriculture de Régions de France, Jean-Pierre Raynaud et le p.-d.g. de l’Inra Philippe Mauguin. D’ailleurs, la présence de nombreux participants issus du monde de la recherche, et la co-présidence de Philippe Mauguin, inquiète la profession agricole. « Il y a beaucoup de personnes de la recherche qui frappent à la porte, explique Olivier Allain. Je serai vigilant pour que les fonds ne soient pas utilisés en frais de fonctionnement, mais qu’ils le soient en priorité vers l’investissement ».
Également inquiète, la Coordination rurale demande un état des lieux « des sommes déjà attribuées à l’agriculture, l’agroalimentaire et la recherche », rapporte Véronique Le Floc’h, sa représentante dans l’atelier 14 : « Si la recherche est déjà soutenue, il faut peut-être valoriser les recherches existantes à destination des agriculteurs ».
Les Régions craignent un recyclage
Les orientations données à ces 5 milliards d’euros restent à définir, et elles seront probablement dévoilées en fin d’année, selon Olivier Allain. Le rapport de Pisani Ferry fixe d’ores et déjà quatre priorités, qui ne semblent fermer aucune porte : « accélérer l’adaptation des outils et le changement des pratiques », « accélérer la réponse aux défis du changement climatique », « renforcer la compétitivité de l’aval et la structuration des filières », et « renforcer le soutien à la recherche et à l’innovation ».
Le financement de ce plan est également encore très flou. À l’échelle du plan de 57 Mrd€, on sait que seuls 24 Mrd€ proviendront de mesures nouvelles, ce qui agace les Régions de France, qui craignent que l’on ne vienne « recycler » des fonds gérés par les Régions, sans qu’elles soient pleinement impliquées dans le choix de leurs nouvelles utilisations.
Pour le plan agricole de 5 Mrd€, le rapport de Pisani Ferry a évoqué les pistes suivantes : mobilisation des fonds nationaux d’investissement s’appuyant sur des crédits européens, développement de « financements innovants » (fonds d’investissement en fonds propres ou fonds de garantie) et mobilisation du plan d’investissement d’avenir (PIA). Sans plus de précision. Mais aucun détail n’est donné, pour préciser quelle part de nouveaux budgets lui est attribuée.
Environ un milliard d’euros issus de fonds européens
Interrogé, Jean Pisani-Ferry a précisé déjà qu’environ 1 des 5 milliards d’euros ne proviennent pas des fonds de l’État, mais devrait être issu de fonds européens. Un montant, pour l’heure, difficile à déchiffrer. En effet, lors de la campagne, Olivier Allain avait présenté le plan de 5 Mrd€ comme étant principalement destiné à abonder le PCAEA 2014-2020, co-financé sur le second pilier de la Pac. Et il s’agissait de le faire principalement au travers de crédits nationaux supplémentaires appelés « top-up », c’est-à-dire, ne nécessitant pas de co-financement européens.
Ce milliard interroge d’autant que « les fonds européens PCAEA ont été largement entamés dans la plupart des Régions, y compris en Bretagne », constate Olivier Allain, par ailleurs vice-président de la région Bretagne en charge de l’agriculture. Ce milliard d’euros pourrait provenir de la période 2021-2023, qui suivra l’actuelle programmation de la Pac, et qui devrait être conduite dans un régime de reconduction annuelle de la programmation actuelle, comme ce fut le cas pour l’année 2014 avec la programmation 2009-2013.
Par ailleurs, les Régions craignent qu’une partie du plan ne consiste également à « recycler » le PCAEA 2014-2020, et réorienter ses objectifs. Celui-ci devait représenter 1,40 M€/an sur la période 2014-2020, dont 50 % de fonds européens, 26 % de fonds des régions et 24 % de fonds du ministère de l’Agriculture, explique-t-on chez Régions de France. « Ce recyclage serait sur le plan politique inacceptable, et sur le plan technique impossible », prévient-on aux Régions de France. Contacté, le ministère de l’Agriculture n’a pas répondu à nos sollicitations.