Le projet de loi d’orientation agricole adopté en commission mixte paritaire
Le projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA) a été adopté le 18 février par la Commission mixte paritaire.

C’est presque la fin du feuilleton du PLOA qui a animé les débats aussi bien dans les allées de l’Élysée, celles de Matignon, du ministère de l’Agriculture et dans les couloirs du Palais-Bourbon et du Palais du Luxembourg. Les députés et les sénateurs sont en effet parvenus à se mettre d’accord sur un texte commun lors d’une commission mixte paritaire qui a commencé le 18 février à 18 h 30 pour se terminer quelques heures plus tard à minuit. Le texte qui provenait de l’Assemblée nationale avait été auparavant voté par le Sénat par 218 voix contre 107. Mais il avait été remanié par les sénateurs qui avaient adopté 133 amendements en commission puis 194 autres en séance publique, d’où la nécessité de convoquer très rapidement cette CMP. Le Gouvernement souhaitait en effet envoyer un signal fort au monde agricole en faisant adopter ce texte avant le début du Salon international de l’Agriculture.
France service agriculture
La nouvelle mouture du texte laisse une place assez importante aux modifications apportées par les membres de la Haute-Assemblée, venant parfois durcir le texte contre l’avis du Gouvernement. Il en est ainsi du principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire » apporté par les sénateurs. Il est conservé dans le premier article du texte. Cette formulation se veut le miroir de la « non-régression environnementale », inscrite dans le Code de l’environnement pour empêcher tout recul sur le sujet dans la loi. Le texte a aussi retenu la création d’un « guichet unique » pour la transmission des exploitations agricoles. Il sera finalement appelé « France service agriculture », comme le proposait initialement le gouvernement et non « France installations transmissions » comme le suggérait la majorité sénatoriale. Ce guichet devrait être en service d’ici 2027 et être géré au niveau des départements par les chambres d’Agriculture.
Vote définitif
Autre avancée majeure de la future loi : la dépénalisation de certaines atteintes « non-intentionnelles » à la biodiversité. Ainsi, les infractions « non-intentionnelles » seront passibles d’une sanction administrative, jusqu’à 450 euros d’amende, contre la peine maximale de trois ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende aujourd’hui inscrite dans le Code de l’environnement. De plus, cette dépénalisation reste circonscrite au seul champ agricole, au grand dam des sénateurs qui voulaient notamment l’élargir aux installations classées pour la protection de l’environnement (IPCE). Sur ce même article (n°13), le sénateur Laurent Duplomb (LR, Haute-Loire) avait déposé un amendement pour supprimer le stage de sensibilisation aux enjeux de protection de l’environnement qu’il avait jugé « totalement infantilisant ». Mais le stage a été réintroduit par la CMP. Cette dernière a également réintroduit l’objectif d’aller vers 21 % de surfaces agricoles cultivées en Bio, d’ici à 2030. Il reste maintenant au Gouvernement à négocier avec l’Assemblée nationale pour trouver un créneau afin de faire adopter définitivement le PLOA en séance publique. Toute la question est de savoir aussi si le texte recueillera l’adhésion de la majorité des députés… D'autres sources parlementaires n'excluent cependant pas un report des votes finaux à début mars, après les congés parlementaires. « Je ne voudrais pas commencer ce Salon de l'agriculture en disant aux agriculteurs que les parlementaires ne les ont pas entendus », a toutefois déclaré Annie Genevard, Ministre de l'Agriculture. Il reviendra ensuite au chef de l’État à le promulguer pour qu’il entre en vigueur.
ONG : « Impunité des atteintes à la biodiversité » ?
Point chaud de la commission mixte paritaire (CMP) réunie le 18 février sur le projet de loi d’orientation agricole (LOA), la dépénalisation des atteintes environnementales est un « recul majeur », selon le Collectif Nourrir, rassemblant des organisations d’agriculteurs, consommateurs, environnementalistes. Ce volet du texte, censé répondre à la grogne du secteur, constitue « la pire régression du droit de l’environnement depuis au moins une décennie », a estimé Laure Piolle, animatrice de France Nature environnement (FNE). La mesure votée au Sénat ne va « pas seulement s’appliquer à l’agriculture », avance-t-elle, citant entre autres le cas d’industriels polluant une rivière et qui « ne pourraient plus être poursuivis ». D’après la représentante de FNE, « le message envoyé par les pouvoirs publics, c’est une impunité des atteintes à la biodiversité ». La dépénalisation des atteintes environnementales aboutirait à « une multiplication des destructions », noircit abusivement les ONG écologistes. Lors de l’examen au Sénat, Annie Genevard a tenté en vain de rétablir la version de l’Assemblée, moins large et, d’après la ministre, « solide et robuste juridiquement ». Les écologistes ne supportent pas le "renversement des normes" qui érige l’agriculture au rang « d’intérêt général majeur » et fait de la souveraineté alimentaire un « intérêt fondamental de la nation », portés par FNSEA et JA. Les sénateurs lui ont associé un principe décrié de « non-régression de la souveraineté alimentaire », mesure miroir de la « non-régression environnementale » déjà consacrée dans la loi. Un principe maintenu dans le texte final. Autre ajout, l’inscription dans la loi du principe, réclamé de longue date par la FNSEA, « pas d’interdiction sans solution ». Désormais, un produit phytosanitaire ne pourra pas être interdit s’il n’est pas remplaçable par un autre produit.