Le regard des régionaux
Le congrès de la Fédération nationale bovine (FNB) s'est tenu les 12 et 13 février à La Rochelle. Une délégation d'éleveurs de Bourgogne Franche-Comté était présente. Romaric Gobillot, éleveur nivernais et nouveau président de la FRB nous partage ses impressions sur l'événement.

Quelle était l’ambiance du congrès FNB ?
Romaric Gobillot : L’atmosphère était un mélange d’enthousiasme et de combativité. D’un côté, la hausse des prix des broutards a permis de dépasser les indicateurs de coût de production validés par l’interprofession et la consommation se maintient malgré les hausses pour les consommateurs. De l’autre, les problèmes sanitaires liés à la MHE et la FCO, la décapitalisation du cheptel, ainsi que les politiques publiques européennes parfois contradictoires, suscitent de vives préoccupations.
Quel était le contenu de votre intervention lors de la prise de parole des régions ?
R.G. : La FRB maintient l’effort pour pérenniser la production dans notre région. Un enjeu majeur est d’assurer un renouvellement générationnel suffisant dans les années à venir. C’est notre priorité syndicale et le fil conducteur de nos actions. J’ai évoqué le plan de soutien à l’engraissement mis en place avec l’appui financier du Conseil régional. Il vise à accompagner les éleveurs souhaitant développer cette activité. La FRB a participé à l’élaboration de ce dispositif et restera vigilante quant à sa mise en œuvre et à ses résultats, notamment que la valeur ajoutée arrive bien chez l’éleveur. L’intervention a également porté sur le travail autour de la contractualisation menée essentiellement avec les sections viande des huit FDSEA de Bourgogne-Franche-Comté, la FRSEA BFC, les trois Elvéa de la région et la coopérative Franche-Comté Élevage. J’ai fini en insistant sur plusieurs attentes prioritaires. Sur la Restauration hors foyer (RHF) et la restauration collective, nous demandons aux abatteurs, transformateurs, distributeurs, collectivités territoriales et à l’État de renforcer l’approvisionnement en viande régionale. Nous veillerons à ce que les négociations de la prochaine Pac qui vont s’ouvrir tiennent compte des intérêts des éleveurs bovins de BFC. Enfin, nous insistons, un accord sur le traité de libre-échange avec le Mercosur serait catastrophique pour les éleveurs et ne doit pas voir le jour.
Qu’avez-vous retenu des travaux du congrès ?
R.G. : Un atelier portait sur la santé animale, un sujet de préoccupation majeur pour la filière. Les échanges ont mis en évidence un manque de coordination de l’État, notamment en matière d’anticipation des commandes de vaccins. Cette défaillance a des conséquences directes sur la gestion des maladies. Face à cette situation, la profession réclame la mise en place d’une banque d’antigènes afin de pouvoir réagir rapidement en cas de crise sanitaire. Par ailleurs, il est fortement recommandé de vacciner contre la FCO et la MHE afin de protéger efficacement les cheptels. Un autre atelier s’est penché sur la valorisation des atouts sociétaux de l’élevage bovin. Un intervenant du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) a souligné que le critère carbone, souvent utilisé pour évaluer l’impact environnemental de l’élevage, n’est pas pertinent. Il a insisté sur la nécessité d’adopter une approche davantage centrée sur la biodiversité, un domaine dans lequel les éleveurs jouent déjà un rôle fondamental, notamment à travers la gestion des prairies, la préservation des haies et la qualité des ressources en eau. Enfin, un troisième atelier a traité la question de l’équilibre entre production de maigre et l’engraissement. Si la hausse des prix du maigre constitue une avancée positive, elle pourrait néanmoins entraîner une augmentation des exportations, faute d’une réaction rapide des acteurs de la filière française sur l’engraissement (lire aussi en page 3). Dans ce contexte, il devient crucial d’envoyer des signaux clairs aux éleveurs pour inverser la tendance à la décapitalisation et encourager le développement de l’engraissement sur le territoire national.
« Restaurer la dynamique des élevages »
« Bâtir des politiques publiques qui pérennisent notre élevage durable ». Tel était l’intitulé de la table ronde qui a animé le congrès de la FNB lors de la journée du 13 février à La Rochelle. Au cœur des débats, ont resurgi à la fois le bilan de l’ancienne Commission européenne, les accords du Mercosur, les négociations commerciales et la future Pac. Les éleveurs sont en quête d’une vraie stratégie et de stabilité.
D’emblée, Dominique Fayel, président de la section bovine du Copa* a persiflé contre « le mandat horrible » que les éleveurs ont connu avec, le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans « à qui la présidente, Ursula von der Leyen a laissé les clefs du camion Green Deal ». Même si ce n’était pas formellement écrit, toutes les politiques européennes ont été menées, selon lui, contre l’élevage, responsable de tous les maux. « Ceci a été mené à contre-courant de tout ce qui se passait ailleurs, ce qui nous a amené à une impasse économique, environnementale et territoriale », a-t-il soutenu, citant l’exemple de la directive sur le transport des animaux. Celle-ci prévoit, entre autres, de réduire de 30 % la densité des animaux transportés, de rendre obligatoire la présence d’un vétérinaire pour les transports supérieurs à huit heures, etc. « Ce qui va à l’encontre du bon sens, car on va mettre 30 % de camions en plus. Pour quel bénéfice écologique et environnemental ? », s’est interrogé le député européen et éleveur Benoit Cassard (Belgique). Il s’est, lui aussi, inquiété des « dérives » d’une partie de la Commission, notamment la direction de l’environnement (DG ENVI) qui, si « elle n’a jamais dit qu’elle voulait supprimer l’élevage, fait tout pour le faire ». Il a d’ailleurs pointé les incohérences imposées par Bruxelles, à travers l’accord du Mercosur. « L’Europe a en effet accepté une clause dite de rééquilibrage qui imposera aux éleveurs de justifier que leurs produits ne sont pas déforestés quand, dans le même temps, les agriculteurs brésiliens pourront nous vendre leurs produits sans certificat ! », a-t-il expliqué.
« Zozos »
Pointant un risque de déséquilibre, sa collègue française, Céline Imart, a soulevé le problème de perte de souveraineté juridique et démocratique qui résulterait de la scission du traité du Mercosur. En effet, Ursula von der Leyen s’apprête à séparer le volet commercial de la globalité du traité. Ce volet commercial serait soustrait de l’approbation à l’unanimité pour privilégier une adoption à la majorité qualifiée du Conseil européen. « Ce sont des méthodes opaques », a-t-elle tranché. Rappelons que cet accord prévoit l’exportation vers l’Europe par les pays du Mercosur d’un volume de 99.000 tonnes de bœuf avec un droit de douane réduit à 7,5 % contre 40 % environ actuellement. Ce volume sera atteint par paliers répartis sur six ans. Aujourd’hui, l’Union européenne importe déjà entre 100 et 120.000 tonnes de viande en provenance du Mercosur. De même, la députée européenne a-t-elle tancé les lobbys anti-élevage très présents à Bruxelles et clairement indiqué qu’ils recevaient des financements étrangers afin de déstabiliser les filières animales, dont la filière bovine**. « Il ne faut pas nous prendre pour des zozos », a lancé le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau pointant les incohérences de la présidente de la Commission : « On nous dit que le Mercosur n’aura pas d’impact et de l’autre, on nous présente une enveloppe de compensation d’un milliard d’euros ? », s’est-il exclamé demandant que la « durabilité qu’on soutient commence en premier lieu par l’économie. Sans cela, on ne pourra avancer ni sur le volet social ni sur le volet environnemental », a-t-il expliqué.
Négociateurs
Concernant les négociations commerciales, chacun des orateurs a convenu la nécessité d’aller encore plus loin dans le rapport de forces avec l’aval de la filière, notamment la grande distribution. Les éleveurs s’inquiètent des manœuvres de cette dernière pour remettre en cause la matière première agricole. « L’indicateur de coût de production interprofessionnel doit être le socle. Il est intangible », a martelé le président de la FNB, Patrick Bénézit qui s’oppose, comme Arnaud Rousseau, « catégoriquement à la viande de synthèse » et qui demande de « restaurer la dynamique des élevages dans la future Pac ». L’ancienne députée de Charente-Maritime, Anne-Laure Babault, a suggéré de mieux structurer la filière et de « professionnaliser les négociations ». « Les représentants des éleveurs, des coopératives devraient faire appel à des négociateurs professionnels, rompus à ce type d’exercice », a-t-elle suggéré. Valoriser le travail des éleveurs passe aussi par la mention d’origine de la viande en restauration hors foyer et dans les plats transformés, a milité Patrick Bénézit. Depuis, un décret a renouvelé et renforcé cette obligation. Le congrès de la FNB s’est clos par la traditionnelle transmission du bouclier. C’est le Puy-de-Dôme qui accueillera le prochain congrès en 2026.
(*) Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne
(**) Céline Imart organisera en mai prochain au Parlement de Strasbourg un colloque avec le directeur de l’Ecole de guerre économique (EGE), Christian Harbulot, sur le thème des ingérences étrangères. L’EGE a publié en décembre dernier un rapport intitulé « L’Agriculture dans la guerre économique ». Disponible sur le site : www.portail-ie.fr.