Le retour du boomerang
que plus violemment sur le devant de la scène. Gare au retour du
boomerang pour Stéphane Le Foll qui pensait s’en tirer à bon compte avec
un plan étriqué et des demi-mesures.
De fait, et chacun dans le monde agricole le savait, le déblocage des 700 millions d’€ en septembre dernier pour répondre à la crise des prix n’a pas suffi. « Nous allons réajuster le plan de soutien à l’élevage », a avancé Stéphane Le Foll rappelant au passage que « 15.000 dossiers ont déjà été traités avec des sommes versées. Près de 25.000 autres sont en cours ». Près de 280 millions d’€ auraient d’ores et déjà mis en œuvre, « mais qui devront nécessairement être complétés », admet-il. Des discussions avec le Premier ministre auront lieu dans les prochains jours pour ajuster les dispositifs, « en particulier sur l’Année blanche »…
Concernant la filière porcine, le gouvernement propose l’idée d’un fonds à l’instar de ce qui existe en Allemagne : à travers une caisse de sécurisation en lien avec une politique contractuelle « quand il y aurait une difficulté de prix » et un fonds géré par l’interprofession porcine de manière plus globale « en cas de difficultés de trésorerie ». A ce titre, une réunion de travail aura lieu en Bretagne, le ministre affichant qu’il s’y rendrait « disponible »… L’appel de la Bretagne au ministre breton.
Aveu d’impuissance…
Les crises de marché vécues en France interviennent également à l’échelle européenne et mondiale, a tenu à souligner Stéphane Le Foll comme pour se justifier de l’absence de résultat de son Plan d’urgence à l’élevage. Et de préciser que, partout, on observe « des niveaux de prix extrêmement bas dans l’ensemble des grands bassins de production mondiaux ». Certes, mais les éleveurs français ont souvent l'impression de travailler dans l'Etat "le moins malin" de l'Union européenne ! Les gouvernants français - bien relayés par une haute administration inamovible - sont en effet toujours en pointe pour aller plus vite, plus fort et plus loin quant il s'agit de contraindre et de réglementer, mais jamais capables d'être astucieux et réactifs quant il s'agit de simplifier, de contourner les obstacles ou de stocker...
De son aveu même, il reconnaît ne rien pouvoir faire sur la question du prix : « le ministre n’a pas les moyens de décider », déplore-t-il alors que cette crise économique profonde a atteint son paroxysme avec l’apparition des problèmes sanitaires comme la FCO ou l’épizootie de grippe aviaire…
Stockage privé en viande porcine
« La plupart des grands pays européens ont saisi l’opportunité de stockage privé. L’Espagne et l’Allemagne représentent à eux deux plus de 50 % des viandes stockées, soit environ 70.000 tonnes », explique le ministre alors que, de son côté, la France n’en aurait souscrit guère plus de 2.000 tonnes… « La mesure de stockage privé est un élément qui doit-être mis en œuvre pour mieux ajuster l’offre et la demande », développe-t-il, « en particulier pour le gras et le lard ». Cette non-utilisation de stockage privé risque de fait d’engendrer le prolongement de la crise chez nous. Ce faible taux de stockage laisse entrevoir des failles dans la solidarité au sein de la filière. « J’invite chacun à assumer sa part de responsabilité » a, une fois encore, averti Stéphane Le Foll… Mais qui assume réellement ? Les éleveurs, c’est certain ; pour les autres, on a des doutes.
Et toujours l’étiquetage…
Le ministre a rappelé les difficultés d’étiquetage à l’échelle européenne, notamment sur les produits transformés. « Les industriels n’en voulaient pas », rappelle à juste titre le ministre, soulignant que nombre de pays avaient « une vision différente de l’origine des viandes », en prenant l’exemple de l’Allemagne où la majorité des porcs engraissés sont nés dans d’autres pays, au Danemark notamment. Néanmoins, il souhaite que les démarches volontaires initiées dans l’Hexagone telles que "Viande de France" soient encouragées.
« La France est un grand pays de naisseur/engraisseur d’où l’idée du logo Viande de France », une démarche qui, selon lui, « prend de la place dans la distribution ». Depuis le 1er avril 2015, cela fonctionne pour la viande fraîche, et devrait, selon le souhait du ministre, désormais s’appliquer aux produits transformés dans les secteurs bovins, porcins et laitiers.
Quant à l’étiquetage obligatoire, Stéphane Le Foll s’y dit réticent. « Plutôt que de demander un arrêté qui n’a aucune base légale alors que c’est à l’échelle européenne, et qui prendrait un ou deux ans de négociations pour pouvoir aboutir », il conviendrait, selon lui, de privilégier une démarche volontaire de la filière, en particulier chez les transformateurs.
Si on suit les récentes évolutions de la société Cochonou qui avait fait l’objet d’un boycottage lors du dernier Tour de France, un pas dans ce sens pourrait être fait... Il ne l'est pas encore. Et reste le marché de la restauration hors domicile et de la restauration collective où, là, on continue d’importer massivement des viandes de l’étranger…
Du pain sur la planche
Bref, il reste beaucoup à faire. Et si on ne prend que le seul exemple de l’Année blanche, il faut sans doute considérer qu’ici, en Saône-et-Loire, où tout au plus une dizaine dossiers serait dans les tuyaux - et cela doit encore être confirmé… -, on est loin, bien loin du compte… En la matière, chacun était resté sur l’annonce de cet ambitieux plan promis par les autorités. Mais où est l’ambition ? Qu’elle est-elle ? A ne pas régler les problèmes, on les reporte. Et c’est cela uniquement qui a été fait !
On ne parlera pas des retards de versement des aides pour les dossiers instruits, de la totale insuffisance des aides allouées qui a conduit au saupoudrage sur les dossiers éligibles du fait d'une enveloppe départementale de seulement 2,5 millions d’€. Et cela alors que la profession traverse, de l’avis de tous les observateurs, la crise la plus violente que l’élevage ait jamais essuyé… On n’évoquera pas plus l’absence d’engagement du Conseil départemental comme du Conseil régional dans cette crise…
Sur le terrain, on redoute que le marasme ne s'étende un peu plus encore, notamment aux filières céréalières. De fait, des éleveurs en mauvaise santé, c'est autant d'acheteurs d'aliment en moins...
Seuls sur le terrain, isolés, les agriculteurs souffrent du manque de sérieux avec lequel cette crise a été traitée. Et si certains pensaient s’en tirer à bon compte à Bruxelles ou à Paris, le boomerang est en train de revenir… Attention à bien le recevoir !
Diagnostic sévère
Alors que les manifestations ont repris de plus bel depuis plusieurs jours, le président de la FNSEA, Xavier Beulin, a apporté « son appui total » aux éleveurs sinistrés par la crise. Il reproche au ministre de l’Agriculture « une présence insuffisante » sur les dossiers agricoles consacrant davantage son temps à son rôle de porte-parole du Gouvernement. « Les agriculteurs le vivent mal », souligne-t-il, déplorant au passage, qu’il faille faire appel au Premier ministre « pour être écoutés ». S’agissant du plan annoncé en septembre dernier par Manuel Valls, « il doit se mettre en œuvre beaucoup plus vite et être complété ». Et cela sans oublier l’élevage allaitant, le parent pauvre du précédent plan. Pour Xavier Beulin, Stéphane Le Foll devra être aussi plus convaincant à Bruxelles : « des dispositifs existent, il faut les utiliser ». Et de rappeler que la France est l’un des premiers pays agricoles de l’Union européenne. En France, « nous sommes en train de décrocher », a déploré Xavier Beulin en raison du « défaut de compétitivité de l’agriculture française », provoqué par des coûts sociaux plus élevés chez nous qu’ailleurs et une accumulation des normes et réglementations strictement franco-françaises. Un diagnostic partagé depuis longtemps, mais dont le traitement n’intervient toujours pas. Pour sa part, il a indiqué qu’il allait prendre un certain nombre d’initiatives, notamment avec « la grande distribution ». L’idée est de faire remonter aux éleveurs les dizaines de centimes qui se baladent dans la filière, quand on sait que les prix à la consommation n’ont pas bougé en 2015 alors qu’ils se sont effondrés à la production…
Des mesures complémentaires ?
« Nous savons la détresse des éleveurs et je vous recevrai prochainement à la suite du président de la République, pour faire le point sur les engagements pris le 3 septembre et examiner d’éventuelles mesures complémentaires », a déclaré le Premier ministre, Manuel Valls, à l’intention du président de la FNSEA, Xavier Beulin. Ces propos, il les a tenus à Bassens en Gironde, le 15 janvier, alors qu’il inaugurait la nouvelle usine de Lesieur. « L’Etat sera aux côtés des éleveurs qui traverse une crise face à laquelle le gouvernement est extrêmement mobilisé », a-t-il ajouté. On est loin du ressenti du terrain…
Alors que les marchés ne cessent de s’engorger, plus que jamais le blocage temporaire des importations européennes devrait être mis sur la table à Bruxelles, de même que l’exigence de restauration de la préférence communautaire. "Oh, le gros mot !", doit-on penser à Bruxelles où l’on s’évertue, en dépit de tout bon sens, à vouloir libéraliser les échanges… On ne parlera pas des négociations en cours sur le TTIP, le Tafta, avec les Etats-Unis au sujet desquelles la démonstration est faite qu’elles auront des conséquences lourdement préjudiciables pour notre agriculture, notre élevage en particulier. On marche sur la tête !
Année blanche
Les producteurs de Légumes aussi
A la suite de leur rencontre avec le ministre de l’Agriculture le 19 janvier, les producteurs de Légumes de France ont partagé leur souhait de mise en place d’une Année blanche pour pallier aux difficultés rencontrées, caractérisées en particulier par des conditions météorologiques compliquées de ce début d’année. Par ailleurs, des pistes concernant le développement d’un système assurantiel et la redéfinition des critères de la dotation pour aléas (DPA) ont également été émises. Selon la fédération, le ministre « s’est montré réceptif aux arguments des producteurs ». Par ailleurs, une réunion est prévue concernant le volet traitant du compte pénibilité…