Le travail en confiance
l’on puisse dire, c’est que le moral des adhérents a gagné celui des
dirigeants de la coopérative. Pour autant, à Téol, on entend rester
résolument optimistes. D’où la présence de Sylvie Brunel, invitée à
booster le moral.
Certes, des années dures, l’Agriculture en a connues, chacun a encore en tête les années de crise dues à l’ESB, mais là, avec 2015, c’est le bouquet. Et pour la coopérative Téol, il en va de même.
Chiffre d’affaires affecté
Lors du dernier exercice, le chiffre d’affaires était en baisse de -8 %, et cela uniquement dû à la baisse des achats d’aliments pour les bovins, car tout le reste ou presque a progressé, que cela soit la vente d’engrais, celle de phytos ou encore des semences.
« Il faut rappeler que 2014 a été une bonne année herbagère, tant en quantité qu’en qualité, qui a aussi permis une rentrée tardive des animaux », rappelait Gilles Mazille. Conséquence directe, la baisse des volumes d’achats d’aliments par les éleveurs. Une réalité qui, comme le rappelait le président, bénéficiait aussi de la baisse des prix des céréales, ce qui a aussi engendré une baisse mathématique du chiffre d’affaires.
Et si les résultats comptables de la coopérative s’affichaient en léger excédent, « on cumule le remboursement des dernières échéances pour les deux usines d’aliments et les annuités plus récentes liées aux investissements importants de 2014 », poursuivait-il. On pense aux travaux réalisés à Luzy dans l’usine d’aliments, qui a démarré la fabrication d’aliments pour chevaux en lien avec d’autres partenaires, mais aussi à l’installation du magasin Gamm Vert et du dépôt à Blanzy, inaugurés à l’automne 2014, ou encore la plateforme de stockage de Charolles. Des investissements à hauteur de 1,664 million d’€. « Pour 2015, le résultat net comptable s’équilibre légèrement positif, grâce à la vente des anciens bâtiments de la coopérative, situés près de la gare de Charolles ». Car la baisse du chiffre d’affaires affecte de fait le résultat d’exploitation.
Une pause dans les investissements
Ces chiffres étaient largement détaillés par Gérard Laudet, dans son rapport de gestion. « L’exercice entamé sera difficile », avertissait-il, invitant à la plus grande rigueur dans le suivi des créances Clients. C’est d’ailleurs là une des données que Philippe Saudin, directeur, mettait tout particulièrement en avant dans son rapport d’activité, alors que ces créances bondissent, sur un exercice, de 4.415.000 € à 5.530.000 €… « Plus la situation est difficile dans les exploitations, plus les besoins de trésorerie de la coop sont élevés ».
« La somme des créances continue donc d’augmenter », réagissait Gilles Mazille, pour qui « vendre n’est pas chose facile, mais pour se faire payer, il faut parfois être patient et faire confiance… ».
Et si Téol fait de l’accompagnement financier, ce qui n’est pas sa vocation, le président de Téol regrette que « l’année blanche ou demie-blanche » tant attendue ne vienne finalement pas prendre le relais des fournisseurs…
Conséquence directe : « dans le contexte difficile de l’élevage, les projets qui pouvaient germer ont été mis en attente, ce qui nous oblige à une pause dans les investissements », rappelait Gilles Mazille.
Retrouver la confiance
En dépit de cette situation, il est à noter qu’avec un chiffre d’affaires de 20,977 millions d’€, Téol crée près de 1,9 million de valeur ajoutée. A noter que le chiffre d’affaires consolidé du groupe avoisine, quant à lui, les 27,677 millions d’€, là encore en baisse (près de 29 millions d’€ lors de l’exercice précédent).
« Nous ne sommes pas une coop céréalière », rappelait le directeur, avant de commenter l’activité Collecte qui, à 13.000 tonnes, poursuit un développement certain, avec +3.000 tonnes en deux campagnes, de 2013 à 2015. Dans le même temps, si Téol commercialise moins d’amendements, ses ventes d’engrais sont en hausse à 14.000 tonnes. Et la perte d’aliments sur bovins est partiellement compensée par la hausse des aliments pour volailles et pour équins. Luzy en a ainsi produit entre 13 et 14.000 tonnes, du fait des 900.000 € investis. « Le site est à saturation », observait Philippe Saudin.
Il évoquait aussi les actions conduites par Téol en faveur des jeunes installés, un coup de pouce qui se traduit en ristournes supplémentaires sur le chiffre d’affaires au cours des trois premières années.
« Dans cette période difficile, l’accompagnement de nos adhérents est important. Selon moi, pour améliorer nos systèmes d’exploitation, il faut d’abord avoir confiance en soi, confiance en son métier, confiance en l’avenir, redevenir fier d’être paysan », insistait Gilles Mazille. Pour lui, « une fois ce pas franchi, alors la dynamique de construction de projet, d’évolution de nos exploitations va s’enclencher ».
Et c’est bien ce que chacun espère, le retour de la confiance, laquelle viendra avant tout avec un prix de vente décent des animaux. Reste que « la confiance reviendra aussi lorsque chacun connaîtra son montant d’aides Pac, ses références 2015, son acceptation ou non dans une MAE… Début janvier, on redémarre les déclarations des animaux alors que c’est toujours l’inconnu pour 2015 ».
Mais d’ici là, l’enjeu est bien de « garder nos outils de proximité », qui permettent la réactivité et l’accompagnement au mieux des adhérents. « Dans ces temps incertains, le collectif sera plus encore nécessaire pour l’orientation de notre coopérative dans l’année à venir ». Un propos qui oblige et responsabilise chacun…
Sylvie Brunel
Un plaidoyer pro-Agriculture
« Dans les moments difficiles, il est bon d’avoir un regard extérieur », rappelait Gilles Mazille, en accueillant Sylvie Brunel, géographe, économiste et professeur à la Sorbonne. « Celle-ci porte dans les médias un discours différent, plus juste, proche de la réalité, plein de bon sens ».
De fait, une heure durant, avec passion, celle-ci s’est évertuée à remettre les points sur les i, sur les questions agricoles. Dans son intervention passionnée et passionnante, celle-ci rappelait une à une quelques unes des vérités, des réalités que notre société, à commencer par ses élites, a oubliées. Les accusations non justifiées contre le modèle agricole, les attaques contre la soi-disant "malbouffe", celles contre le maïs, contre la viande ou plutôt les viandes… Partout, l’agriculture et l’élevage sont au rang des accusés d’une société repue qui rêve au "manger sain", au bio, au végétarisme…
« Il ne s’agit surtout pas d’opposer les uns aux autres, mais bien de rappeler les enjeux à venir, lesquels ne pourront être relevés sans l’agriculture et les agriculteurs », rappelait celle qui est une spécialiste des questions de développement, qui a travaillé dans l’humanitaire pendant près de quinze ans et qui a publié une vingtaine d’ouvrages consacrés au développement et à la question agricole.
Pour elle, « la France bénéficie d’un savoir-faire reconnu mondialement, d’une technicité qui nous distingue dans le monde », alors qu’avec seulement 5 % des terres arables, la France réalise 20 % de la production agricole européenne et s’est imposée comme le 3e exportateur mondial. Mais rien n’y fait, nos élus, nos élites, nos technocrates nous boudent et ne cessent de nous mettre des bâtons dans les roues. D’ailleurs, à part quelques élus de proximité, aucun élu dans la salle pour écouter le discours de Sylvie Brunel…
A la fin de sa brillante intervention, force est de constater que si chacun avait besoin d’un message positif, nul doute qu’il a trouvé dans les propos de Sylvie Brunel un minimum de réconfort. Et il y en a bien besoin…